La nouvelle vie de Mathieu, 4 ans, fils des policiers tués à Magnanville

Un an après l’attaque terroriste qui a coûté la vie à ses parents à Magnanville, le jeune Mathieu vit dans l’Hérault, entouré de ses proches. Il est décrit comme "épanoui".

La scène se déroule à l’hôpital Necker, à Paris, quelques heures après le drame. Invité par la psychologue à décrire l’attentat, Mathieu bafouille des mots d’enfants et empoigne des jouets. Le terroriste ? Il le désigne par la figurine d’un gorille, précise qu’il est "très méchant". Sa maman ? Il couche un Playmobil féminin sur la table et mime un affrontement avec l’animal. Ce garçonnet à la houppette blonde, qui s’exprime depuis son lit, est le fils de Jean-Baptiste Salvaing et Jessica Schneider, les deux policiers assassinés à leur domicile à Magnanville (Yvelines) le 13 juin 2016.

Douze mois plus tard, les nouvelles du petit orphelin, seul survivant de la tuerie, sont rassurantes. "Il a l’air très heureux et épanoui. Dans son malheur, il a eu la chance d’avoir une grande famille unie derrière lui", explique sa grand-mère. Désormais âgé de quatre ans et demi, Mathieu vit chez sa tante à Pézenas, une commune de 8000 habitants de l’Hérault où son père a passé toute sa jeunesse. Après avoir confié l’enfant à ses grands-parents, la justice a accordé en septembre 2016 la tutelle à la soeur de Jean-Baptiste Salvaing, d’un commun accord familial.

"Le drame semble encore enfoui dans son esprit"

"Ma fille est plus jeune et a déjà deux enfants, dont un garçon qui a quelques mois de moins à peine que Mathieu. Ils s’entendent très bien et sont élevés comme des frères. Nos deux maisons sont voisines, nous le voyons presque tous les jours", poursuit sa grand-mère. Mathieu reçoit régulièrement la visite de son demi-frère aîné Hugo, celui qui a été aperçu dans une séquence émouvante avec le footballeur Antoine Griezmann durant l’Euro 2016. Entouré par une famille protectrice, le fils Salvaing n’a plus remis les pieds dans sa maison de Magnanville, restée depuis inoccupée.

La psychologue qui suit Mathieu chaque semaine est impressionnée par sa reconstruction. Décrit comme "souriant", ce dernier ne souffre d’aucun traumatisme apparent : ni cauchemars, ni terreurs nocturnes. Une capacité de résilience admirable au regard de l’horreur vécue : séquestré durant des heures par le terroriste Larossi Aballa, il a été le seul témoin du huis-clos barbare. Les policiers du Raid l’avaient découvert prostré, silencieux et dans un état de sidération après leur assaut. "Les événements semblent aujourd’hui encore vagues pour lui ou enfouis dans son esprit. Nous espérons que cela ne resurgisse pas un jour, quand il sera plus grand", raconte l’un de ses proches.

"Les enfants ont une force impressionnante"

Trois mois après le drame, le garçonnet a été scolarisé en moyenne section de maternelle, ce qui lui a permis de s’adapter à son nouvel environnement en douceur. A Pézenas, tout monde a connaissance du passé du petit orphelin mais on évite d’en faire un sujet de discussion. "Il faut être extrêmement vigilant, prévient Stéphane Gicquel, secrétaire général de la Fédération nationale des victimes d’attentats (Fenvac). A la différence des adultes, qui peuvent rester dans un état permanent d’angoisse ou de déprime, les enfants victimes de tels drames ont tendance à alterner les phases ou à dissimuler leur mal-être pour se protéger et ne pas inquiéter leur entourage. Ils ont une force impressionnante mais il faut les accompagner sur le long terme ainsi que leurs proches, qui sont souvent désemparés."

La psychologue de Mathieu a conseillé à sa famille de ne rien lui cacher, de l’emmener sur la tombe de ses parents pour avoir "des repères structurants", compte tenu de "la violence du trauma". L’idée est de lui expliquer progressivement le drame avec des mots adaptés à son âge, au fil des années. Dignes, les proches du garçonnet ne disent éprouver aucune haine ou ressentiment à l’égard du djihadiste ou de quiconque, ce qui facilite le dialogue.

Bientôt pupille de la nation ?

La famille Salvaing n’a pas encore décidé si elle allait entamer des démarches pour que Mathieu devienne pupille de la nation. "Il y a une forte dimension symbolique, c’est une forme d’adoption par l’Etat. Cela ne signifie pas que la nation se substitue aux parents mais qu’elle elle accompagnera l’enfant toute sa vie, dans son apprentissage ou son insertion professionnelle", détaille Stéphane Gicquel.

Outre les entretiens annuels de suivi, Mathieu pourrait obtenir diverses aides financières, pour ses études, pour voyager ou pour financer un projet personnel. Lors des attentats du 13 novembre 2015, une cinquantaine d’enfants ont été éligibles à ce statut protecteur.

Source : lexpress.fr
Auteur : Jérémie Pham-Lê
Date : 13 juin 2017

Crédit photos : Source : lexpress.fr Auteur : Jérémie Pham-Lê Date : 13 juin 2017

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