Incendie meurtrier à l’Île-Saint-Denis : des familles refusent de réintégrer leurs logements dans la tour

Près de trois semaines après l’incendie qui a fait trois morts dans un immeuble d’habitation de l’Île-Saint-Denis, des locataires de la tour sont appelés à retourner vivre dans la tour. Choc psychologique, sécurité… Des familles refusent de réintégrer leurs logements.

"Des familles locataires de la tour Thorez victimes de l’incendie meurtrier sont à la rue", alerte l’association Droit au logement (DAL). "Elles et ils refusent de réintégrer leurs logements dans la tour. Elles occupent actuellement la loge du gardien depuis hier et demandent la garantie d’un hébergement stable jusqu’au relogement pour toutes les familles", explique l’association ce vendredi sur X (ex-Twitter).

Alors que l’enquête sur l’incendie de l’immeuble de l’Île-Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) survenu le 19 août dernier s’oriente vers la piste criminelle, des habitants soulignent leur inquiétude.

"Un manque de garanties sur la sécurité"
"Depuis l’incendie, les hébergements étaient pris en charge par le bailleur. Depuis ce matin, l’hébergement à l’hôtel n’est plus pris en charge pour la majorité des familles entre le 1er et le 7e étages. On leur dit de rentrer dans l’immeuble. De nombreuses familles sont concernées, il y a quatre logements par étage", explique Marie Huiban, membre du DAL Plaine Commune.

"Il y a d’abord la question du choc psychologique, c’est le deuxième incendie vécu en deux ans dans la tour. C’est un traumatisme, il y a eu trois morts. Les enfants ne veulent pas y retourner", alerte-t-elle.

Des familles pointent également du doigt un manque d’informations et "un manque de garanties sur la sécurité". "Le bailleur ne s’engage pas directement, il communique juste des rapports de sociétés extérieurs. Certains habitants n’ont reçu les expertises qu’hier. (...) Sur le diagnostic de la structure, c’est très succinct, c’est juste garanti qu’il n’y a pas de péril imminent. Il n’y a rien sur les portes coupe-feu. Il n’y a pas d’expertise sur la sécurité incendie. Pour certains locataires, GRDF n’est pas en mesure d’attester la conformité des installations électriques, et il est indiqué qu’il y aura des travaux une fois que les habitants seront revenus" ; indique Marie Huiban.

"Je propose au bailleur de prendre notre place"
"Il y a par ailleurs des problèmes d’ascenseurs dont les locataires se plaignent depuis longtemps. On aurait dû laisser aux habitants le choix de pouvoir vivre ailleurs. Depuis l’incendie, les familles doivent déjà régulièrement changer d’hôtels", déplore la membre du DAL Plaine Commune.

Marie Huiban, qui dénonce plus largement "le manque de logements sociaux", pointe du doigt "un marché hôtelier très compliqué en raison de la Coupe du monde de rugby". "Le bailleur et l’Etat devraient assurer une stabilité de l’hébergement. Pour les locataires entre le 8e et le 12e étage, les propositions de relogement sont très éloignées. Les habitants ne sont pas écoutés et sont traités avec mépris. Il y a eu un drame, il faut des mesures exceptionnelles", explique-t-elle.

"Ils proposent à nos voisins de revenir dans l’immeuble, explique un habitant du 12e étage. Je suis en colère. Je propose au bailleur de prendre notre place, pour voir s’ils sont capables d’habiter dans un bâtiment comme ça."

"C’est très fatigant, très pesant"
"Pour notre étage, le bailleur a l’obligation de nous reloger. C’est trop dangereux. Mais nous en sommes à notre troisième hôtel, c’est très fatigant, très pesant. On demande à trouver un appartement le plus rapidement possible, ça fait déjà trois semaines. Nous n’avons reçu aucune proposition pour l’instant. Le bailleur nous dit de patienter", explique l’habitant.

Suite à l’incendie, une information judiciaire a été ouverte vendredi contre X pour dégradation ou détérioration par un moyen dangereux pour les personnes ayant entraîné la mort ou une incapacité de travail supérieure à huit jours. Le sinistre a fait trois morts : une femme née en 1976 et son fils né en 2009, ainsi qu’une jeune femme, porteuse de handicap mental, née en 1997.

Contacté, le bailleur Seine-Saint-Denis Habitat n’était pas joignable vendredi après-midi.

Cet article est rédigé par Pierre De Baudouin pour France3

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