Risques industriels : le gouvernement durcit l’arsenal préventif pour éviter un nouveau Lubrizol

Les inspections annuelles de sites classés vont augmenter de 50 % d’ici à 2022 et un bureau d’enquête accident « indépendant » sera créé pour les incidents industriels, a annoncé ce mardi la ministre de la Transition écologique.

Comme il y eut un « après AZF », y aura-t-il un « après Lubrizol » ouvrant un nouveau grand chapitre dans les annales de la prévention des risques industriels ? Ce n’est pas l’idée que défend Elisabeth Borne, la ministre de la Transition écologique et solidaire, qui a présenté mardi matin un plan d’actions tiré du « retour d’expérience » de la gigantesque pollution de l’air provoquée par l’incendie survenu le 26 septembre dernier sur les sites de Normandie Logistique et de Lubrizol , dans l’agglomération rouennaise.
La loi Bachelot de 2003, votée après la catastrophe de l’usine AZF de Toulouse, « ne constitue pas une réponse suffisante », a estimé la ministre, mais elle a exclu de faire appel au législateur pour rectifier le tir. C’est la voie réglementaire, plus rapide, qui prévaudra pour pallier les carences détectées par l’enquête administrative qu’elle avait diligentée sur l’accident de Rouen. L’enjeu est de renforcer l’ensemble de la chaîne de prévention, de suivi et de contrôle des risques industriels de plus de 600 sites Seveso dits « seuil haut » (sur 1.300 sites Seveso et quelque 500.000 installations classées) qui sont les plus dangereux.

Transparence renforcée
La transparence de l’information, premier maillon faible, va être améliorée. Les industriels devront ainsi mettre immédiatement à disposition la liste des produits qu’ils stockent, ainsi que leur quantité, et rendre le tout intelligible au commun des mortels. L’exact contraire de ce qui a été observé à Rouen, l’automne dernier, la liste des produits présents sur les lieux de l’incendie ayant mis du temps à sortir. « Il faut pouvoir pré-identifier les substances susceptibles d’être émises en cours d’accident », a précisé la ministre.
La réglementation sera également renforcée pour combattre « l’effet domino », c’est-à-dire la propagation d’un sinistre de site voisin en site voisin. Il sera notamment vérifié si les industriels remplissent une future obligation, celle de disposer d’eau et de produits émulseurs en quantité suffisante pour faire face à un incendie. L’ensemble des installations classées se trouvant dans un rayon de 100 mètres autour d’un site Seveso seront soumises à inspection.

Des inspecteurs redéployés
« D’ici à la fin du quinquennat, nous devrions avoir augmenté de 50 % le nombre de contrôles », a assuré Elisabeth Borne. La ministre table sur un allégement des tâches actuellement dévolues aux inspecteurs, notamment pour élaborer les plans de prévention des risques technologiques (PPRT) institués par la loi Bachelot. Ces « ceintures de sécurité » des sites Seveso ont beaucoup mobilisé ces experts du risque ces dernières années, selon la ministre qui parle de les « redéployer prioritairement sur les contrôles de terrain ».

Car il y aura du travail. Les sites Seveso « seuil haut », vont être réglementairement obligés de réaliser tous les ans un exercice de mise en oeuvre de leur plan d’urgence en cas de sinistre. Les autres sites classés en resteront à un exercice tous les trois ans. Enfin, la ministre a annoncé la mise en place d’un « bureau enquête accident » (BEA) spécifique au monde industriel. Ses membres, recrutés au sein du corps des inspecteurs généraux et des 1.400 inspecteurs des installations classées, auront pour mission de déterminer les causes d’un accident et d’en tirer les leçons.
C’est la seule mesure, parmi toutes celles annoncées, qui nécessitera de transiter par une loi. La sortie des autres dispositions, de nature réglementaire, est « une question de mois », a indiqué la ministre. Un second train de mesures reste à venir. Il porte sur « la gestion de crise » et l’information du public. Sa présentation interviendra « avant l’été », a affirmé Elisabeth Borne.

Publié par Joël Cossardeaux, pour Les Echos, le 11 février 2020.

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