Explosions mortelles au gaz à Paris : comment les sinistrés se serrent les coudes

Une cinquantaine de riverains de la rue Saint-Jacques se sont réunis, à l’appel du collectif du Val-de-Grâce, nouvellement créé. Invitées, la représentante d’une association de victimes de l’explosion de la rue de Trévise et la Fenvac, ont témoigné de l’intérêt à agir collectivement.

Quatre mois après l’explosion mortelle au gaz, rue Saint-Jacques, le collectif du Val-de-Grâce tente de fédérer les riverains, avec l’aide de ceux de la rue de Trévise, victimes d’une explosion au gaz eux aussi, il y a 4 ans.

À quatre ans d’intervalle, ils ont vécu une catastrophe semblable. Rue Saint-Jacques le 21 juin 2023, comme rue de Trévise, le 12 janvier 2019, une explosion au gaz a tué des voisins, défiguré leur quartier et propulsé des dizaines de familles sur un long chemin d’angoisses. Relogement, travaux, indemnisations, cauchemars…
Comment gérer ? « Le risque, c’est que ça dure si on ne se mobilise pas », commencent Alain Polonsky et Olivier Protard, cofondateurs du collectif du Val-de-Grâce, vendredi 13 octobre, à la Maison des Mines.

C’est la première fois, depuis le funeste 21 juin, que ces riverains se retrouvent. Ils se connaissent très peu. Ils sont une cinquantaine, et parmi eux, Linda Zaourar, représentante de l’association Vret, qui rassemble des victimes de l’explosion de la rue de Trévise.

« Dans l’immeuble tout a bougé »

Une femme réclame le micro. « Je me sens très seule », commence cette mère de famille, locataire d’un bailleur privé. « Je suis passée quinze minutes avant l’explosion pour accompagner ma fille à un anniversaire, explique-t-elle. Je suis revenue chez moi quand ça a explosé. J’ai été projetée. Je n’ai pas pu récupérer ma fille le soir. Le lendemain, j’ai décompensé, je pensais que je chutais. Je suis allée à la mairie deux fois, je suis toujours suivie psychologiquement. Dans l’immeuble, tout a bougé, il y a une cinquantaine de fissures, l’une mesure 9 mm, l’eau coule quand il pleut, et on n’a toujours pas vu d’expert. »

« La DLH (Direction du logement et de l’habitat), n’est pas saisie ? » s’étonne la directrice de cabinet de Florence Berthout, maire (Horizons) du Ve. Regards surpris vers Marie-Christine Lemardeley, adjointe à la maire de Paris en charge de l’enseignement supérieur, et Marine Rosset, élue du Ve, assises plus loin. Vérification sera faite pour cette adresse. « Il n’y a pas de hiatus », entre la mobilisation de la Ville de Paris et celle de la mairie d’arrondissement, précise l’adjointe à la maire de Paris. D’ailleurs, Florence Berthout, passée au début de la réunion, a annoncé le rendez-vous prévu ce mardi 17 octobre avec Nicolas Nordman, adjoint à la mairie de Paris, pour fixer les critères d’attribution des 2 millions d’euros du fonds d’urgence de
solidarité annoncé par la ville.

Une aide annoncée moins d’une semaine après l’explosion du 277 de la rue Saint-Jacques (Ve). La réunion a bien eu lieu mais n’a pas vraiment fait avancer les choses. « Des critères objectivés doivent être définis. C’est délicat parce que les assurances prévoient de prendre en charge les travaux des bâtiments tels qu’ils étaient avant l’explosion. Or on sait également que les architectes des Bâtiments de France peuvent être plus exigeants. La Ville s’est engagée pour voir si une prise en charge complémentaire pouvait donc être attribuée aux riverains en passant par les syndicats des immeubles »
précise Florence Berthout.
Plusieurs commerces de la rue, touchés par l’explosion, ont déjà perçu des aides de la région le mois dernier, pour près de 30 000 euros au total. L’installation d’une bâche couvrant le pavillon du lieu de l’explosion, ce qui était réclamé par les riverains, a été actée avec le service de santé des armées du Val-de-Grâce.

« C’est épuisant, on se retrouve face à un mur, j’ai dû faire un emprunt »

Pour les sinistrés, les choses avancent lentement et les difficultés restent nombreuses, malgré les dispositions déjà prises, comme la mise en place d’un soutien psychologique ou le comité local d’aide aux victimes (CLAV). « On est dans le flou, dans le stress… », relate une locataire HLM qui a été relogée, dans un logement non meublé.
« Mon assureur n’a rien voulu entendre. C’est épuisant, on se retrouve face à un mur, une logorrhée juridique, à ce jour, on ne m’a rien versé, j’ai dû faire un emprunt. » Soupirs consternés dans la salle. Au fond, une jeune femme fond en larmes en terminant son récit. « J’ai perdu mon appartement et on m’envoie bouler ! »

Même émotion cinq rangs devant. « On a écrit deux fois à la mairie et on n’a pas été relogés », confie une autre, paralysée par l’émotion.
Son compagnon indique qu’une de leur voisine, dont il a découvert qu’elle était malade, est décédée deux semaines après l’explosion, à l’hôpital. « Elle est morte, seule, je suis allé à son enterrement, il n’y avait personne », dit-il, amer.

Le traumatisme se raconte sans détour. « Passer devant ces ruines tous les jours, ça me rend malade », intervient une riveraine de 76 ans, historienne de l’art et de l’architecture. L’explosion a ravivé des souvenirs enfouis des attentats du RER, et de la rue de Rennes, elle les a aussi vécus de très près. Le nécessaire suivi psychologique, Linda Zaourar, accepte d’en parler : « Ce n’est que plus tard que certains riverains de la rue de Trévise, se sont rendu compte qu’ils en avaient besoin. C’est très important de passer aux UMJ pour voir un médecin, de vous constituer parties civiles, et de garder des
preuves. Toutes les factures, demandez des attestations, plus vous en aurez, plus vous aurez de preuves pour les assurances. »

Prendre des photos, filmer, noter… Rue de Trévise, quatre ans et demi plus tard, les discussions sont encore ouvertes. Les riverains de Saint-Jacques n’en reviennent pas. Certains ont fait venir des huissiers pour constater les dégâts, d’autres, déjà lassés d’attendre, ont réalisé les travaux à leurs frais, espérant que les assureurs suivront.

« Ce n’est qu’en faisant bloc, ensemble, que vous obtiendrez quelque chose »

« Ce qui est important, c’est l’entraide. Plus vous serez nombreux, plus vous serez pris en compte », insiste Linda Zaourar. Aussi invitée, Sophia Seco, la directrice générale de la Fenvac, mobilisée rue de Trévise et rue de Tivoli à Marseille, abonde : « Ce n’est qu’en faisant bloc, ensemble, par le collectif, que vous obtiendrez quelque chose ». Elle rappelle les contours des indemnisations, le droit aux provisions, l’intérêt d’avoir un contact avec la Fédération des assureurs, de prendre des avocats. Si le collectif du Val-de-Grâce obtient un agrément, il pourra même réclamer des subventions pour
intervenir. Deux heures n’ont pas suffi pour répondre à toutes les questions. Des cartes de visite s’échangent, des remerciements aussi, laissant augurer d’autres rendez-vous.

Cet article est rédigé par Carole Sterlé et Estelle Dautry pour le Parisien.

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