Drame de Millas : « Il ne faut pas ajouter de la douleur à la douleur »

Le président de la Fédération nationale des victimes d’attentats et d’accidents collectifs (Fenvac) s’exprime sur la prise en charge des victimes de Millas.

Deux semaines après la collision entre un car et un TER qui a fait six morts à Millas (Pyrénées-Orientales), la douleur et les questions hantent toujours les familles des victimes. Pierre-Etienne Denis, président de la Fédération nationale des victimes d’attentats et d’accidents collectifs (Fenvac) qui s’est impliquée dans l’accompagnement des familles, revient sur son rôle et sur les critiques qui ont visé la prise en charge des proches des victimes.

Quel a été le rôle de la Fenvac depuis l’accident ?
Nous avons malheureusement une certaine expérience de ce genre de catastrophe. Notre méthode prévoit l’envoi immédiat d’un membre de l’association sur le terrain. Un de nos chargés de mission, rejoint par deux autres personnes dont une déléguée territoriale, ont ainsi passé plusieurs jours sur place. Ils ont participé à toutes les réunions institutionnelles en préfecture. Mais le véritable contact avec les victimes n’a pu réellement se faire que mardi.

Quel premier bilan tirez-vous de leur prise en charge ?
Nous ne sommes pas là pour donner des leçons mais pour agir. Mais on ne peut que constater que tout ne s’est pas forcément très bien passé. Il y a notamment eu un vrai loupé avec ces parents qu’on a laissés repartir seuls en pleine nuit vers Montpellier (Hérault) après leur avoir annoncé la mort de leur fils. C’est effarant. Annoncer la mort d’un être cher, c’est toujours abominable mais là, quand il s’agit d’annoncer à des parents la perte d’un enfant, c’est encore plus atroce. On se retrouve alors face à des gens totalement cassés, qui ne savent plus où ils sont. Les laisser repartir ainsi, c’est choquant. Le préfet a reconnu une erreur, c’est tout à son honneur. Mais il faudra en tirer les leçons pour que ça ne se reproduise pas. A la Fenvac, nous avons la particularité d’avoir tous été confrontés à de telles situations. On sait qu’il ne faut pas rajouter de la douleur à la douleur.

Vous êtes également sceptique sur la présence d’un assureur au sein du dispositif mis en place depuis mardi à la mairie de Saint-Féliu-d’Avall. Pourquoi ?
L’objectif est de verser une aide provisionnelle d’urgence. Cela part donc d’un très bon sentiment. Mais cela nécessite pour les familles de signer un document officiel sans doute trop rapidement. Elles ne savent pas forcément ce qu’elles signent et ça rajoute encore du stress au stress. Sur un sujet aussi important, je pense qu’on doit faire preuve de davantage de pédagogie et ne pas agir dans la précipitation.

Comment analysez-vous la communication du procureur de la République de Marseille ?
Nous sommes nombreux à avoir été surpris par ses communications faisant état de statistiques sur l’hypothèse d’une barrière levée ou ouverte (NDLR : lors de sa première prise de parole, Xavier Tarabeux avait indiqué que les témoignages évoquaient « très majoritairement » des barrières fermées). C’est comme cette polémique sur la prise de médicaments par la conductrice du car dont il déclare qu’elle n’aurait aucun lien avec l’accident. Je pense que la justice doit communiquer des informations vérifiées et ne pas donner prise à des rumeurs. Pour les victimes, c’est très difficile à supporter. Il y a une enquête en cours, faisons confiance à ceux qui la mènent.

Le bilan est-il globalement négatif ?
Non, pas du tout. Les institutions se sont rapidement mobilisées pour faire face à ce drame. Et même si des choses devront être améliorées, il faut saluer cet effort. La désignation immédiate par le gouvernement d’un coordonnateur pour accompagner les victimes dans la durée est également une très bonne chose. Cela fait partie de nos revendications. L’homme qui a été retenu, Philippe Cèbe, est qui plus est un vrai professionnel. Il avait déjà été désigné après la catastrophe ferroviaire de Brétigny.

Une association de victimes de la catastrophe de Millas verra-t-elle le jour ?
C’est notre souhait. Nous pensons que c’est bénéfique pour les victimes de se rassembler. C’est positif d’un point de vue thérapeutique mais aussi pratique. C’est par exemple beaucoup plus efficace pour assurer un suivi de long terme, même plusieurs années après la catastrophe. C’est également un atout dans la perspective d’un procès, pour accompagner au mieux les familles dans un univers, celui de la justice, dont elles ne sont généralement pas coutumières et dans lequel elles sont projetées brutalement.

Date : 27/12/17
Auteur : Timothée Boutry
Source : Le Parisien

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