Collision de Millas : la barrière était-elle ouverte ou fermée ?

Les circonstances autour de l’accident dans les Pyrénées-Orientales entre un autocar et un train, faisant 5 morts, n’ont pas encore été éclaircies. Les différents témoignages s’opposent sur la position des barrières du passage à niveaux.

Une messe et un rassemblement pour les victimes. Une façon de se recueillir pour le village de Saint-Féliu-d’Avall (Pyrénées-Orientales) qui pleure les cinq lycéens tués dans la collision jeudi dernier entre un autocar scolaire et un train régional à un passage à niveau, à proximité de Millas.

L’enquête elle se poursuit pour déterminer la position des barrières du passage à niveau. Des témoignages indiquent que « la barrière était fermée et d’autres qu’elle était ouverte », selon le procureur de Marseille, Xavier Tarabeux, en charge des investigations.

Selon la conductrice, les barrières étaient levées

La conductrice du bus a indiqué à plusieurs reprises, notamment samedi devant les caméras de BFMTV, que les barrières du passage à niveau étaient levées et que le feu clignotant était éteint au moment où elle a traversé les voies. Son alcoolémie était négative au moment des faits. Une collégienne, qui se trouvait dans le bus suivant le véhicule éventré, assure également avoir vu les barrières levées.

Pas de problèmes techniques du côté du car, affirment les dirigeants de la compagnie Faur, qui en assurait la gestion. Il était « parfaitement entretenu, son dernier contrôle technique a eu lieu en septembre dernier, la case d’observation était vierge ».
Pour la SNCF, il n’y a pas de preuve en ce sens

La SNCF s’est déclarée « choquée par les accusations particulièrement graves » formulées par la conductrice du car. Le conducteur du train, ainsi qu’une stagiaire qui était présente à ses côtés, a affirmé aux enquêteurs que les barrières étaient fermées. Par ailleurs, le train roulait à 75 km/h, soit largement en dessous de la limite des 100 km/h.

Un jeune passager du bus accidenté aurait également assuré à ses proches que le car avait bel et bien franchi une barrière « fermée ».

Le procureur rappelle que bloc d’articulation était en position fermée

Le magistrat a cependant précisé que « le bloc d’articulation [de la barrière] endommagé dans l’accident était en position fermée ». Toutefois, a-t-il dit, l’enquête doit montrer si cette position fermée est « la résultante de l’accident » ou si la barrière a normalement fonctionné.

Vendredi soir, le procureur de la République avait expliqué que les premiers témoignages recueillis par les enquêteurs n’étaient « pas concordants » mais évoquaient « très majoritairement » des « barrières fermées ». Il a en outre précisé que les enquêteurs allaient « essayer de redéfinir le champ de vision de la conductrice à sa hauteur par un drone ».

Une certitude, après analyse du tachygraphe (qui enregistre régulièrement la vitesse), est que le bus scolaire « roulait à 12 km/h au moment du choc ». Soit à une vitesse lente.

Le passage à niveau peut-il ne pas avoir fonctionné ?

La SNCF a déjà été mise à l’index pour les défauts de fonctionnement de certains passages à niveau. La société a été condamnée en 2016 pour la mort d’une automobiliste en 2006 en raison d’un défaut de passage à niveau.

Le déclenchement d’un passage à niveau se fait automatiquement au passage du train. Le principe : le passage des roues du train à un point précis crée un signal électrique qui déclenche l’action de fermeture du passage à niveau. Cependant, il arrive que, pour des raisons de salissure des rails ou d’oxydation des roues, ce signal ne se produise pas. On parle alors de déshuntage. Ce qui est arrivé 6 fois ces cinq dernières années, selon la SNCF, sans provoquer d’accident grave. Mais d’après la compagnie ferroviaire, ce phénomène affecte surtout les motrices de type X 73500. Or, la motrice impliquée dans l’accident était de type Z 7200, un modèle ancien qui n’a apparemment jamais connu de déshuntage. Là dessus, un petit bémol s’ajoute cependant : la SNCF n’a jamais brillé dans ce genre d’affaires ni par sa transparence ni par son honnêteté. Elle a même été soupçonnée d’avoir falsifié les documents voire manipulé des témoignages dans la catastrophe de Brétigny-sur-Orge.

La SNCF ajoute que le passage à niveau était non seulement considéré comme sûr, mais était également doté d’une double sécurité : une pédale de shuntage (un dispositif mécanique qui, à l’approche du train, déclenche l’abaissement des barrières sur les passages à niveau si elles ne le sont pas déjà).

Il semble donc extrêmement peu probable que le signal de fermeture de la barrière n’ait pas été donné. Cependant, la barrière elle-même pourrait avoir été grippée, quelque chose dans son mécanisme empêchant sa fermeture. Ce qui semble également peu probable pour deux raisons : tout d’abord, le carnet d’entretien du passage à niveau, saisi par les autorités, ne présente selon la SNCF pas de problème particulier. Ensuite, on rappelle que selon le procureur, le bloc d’articulation était fermé.

Ce qui signifie que le mécanisme de fermeture a joué à un certain moment et met en cause la thèse du mécanisme grippé. Tout porterait donc à penser que la barrière était effectivement fermée lors du passage du train.

Dernière hypothèse, une barrière qui se ferme trop tard

Avec toutes les pincettes avec lesquelles il faut prendre ce type de témoignage survenant après un événement traumatique, Ludivine Helynck, riveraine et mère d’une élève de 5e du collège, a indiqué dans l’Indépendant ce qui constitue selon elle un dysfonctionnement du passage à niveau : « Il y a déjà eu des moments où les barrières se sont baissées alors qu’il n’y avait pas de train. Les barrières se ferment presque en même temps que le passage du train. Habituellement il y a un délai de trente secondes mais il n’y a pas ces trente secondes. Et ce n’est pas la première fois qu’on le voit. »

Il semble possible, qu’effectivement, le passage à niveau se soit fermé au tout dernier moment, alors que le car était déjà lancé. Peut-être que le premier système de fermeture était défaillant, que seul le second a fonctionné, mais très tardivement et trop tard pour que la conductrice ne le perçoive avant de s’engager. Ce qui expliquerait la forte divergence entre les témoignages.

Date : 17/12/17
Auteur : Savinien de Rivet
Source : Libération

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