Attentats de Paris et de Bruxelles : les infos qui vous manquent

Peu à peu, les petits secrets des attentats de Paris et de Bruxelles se dévoilent, autant en France qu’en Belgique et ailleurs. La masse des informations est trop importante pour être traitée en détails. Mais je souhaitais quand même apporter une sorte de recueil des nouveautés pour mieux comprendre le phénomène qui nous frappe et nous menace.

Les ratés français en matière de renseignement

La commission Fenech a eu le mérite de récapituler les grands loupés de la police française qui posent problème dans le déroulement des attentats. J’en livre ici un résumé avec les meilleurs moments du rapport.

Le cas des frères Kouachi

Les frères Kouachi avaient fait l’objet de surveillances assez poussées de la part des services de renseignement.

Saïd Kouachi avait ainsi été placé, au même titre que Salim Benghalem, sous surveillance par la direction du renseignement de la préfecture de police de Paris (DRPP) en 2011. Son directeur, M. René Bailly, a expliqué à la commission d’enquête que ces individus semblaient "intéressants" parce qu’ils fréquentaient des "mosquées ainsi que des noyaux d’individus pouvant présenter un jour une certaine dangerosité".

L’un des frères Kouachi et Salim Benghalem se sont rendus en 2011 au sultanat d’Oman, ce qui leur a certainement permis de rejoindre le Yémen limitrophe par la suite. Si Salim Benghalem est resté dans la région, son compagnon est, pour sa part, revenu en France quelques semaines plus tard, où sa surveillance par la DRPP a repris, par le biais de nouvelles interceptions de sécurité, puis abandonnée une première fois, les écoutes n’étant pas concluantes.

La DRPP a de nouveau mis sur écoute Saïd Kouachi en 2014 avant d’abandonner encore sa surveillance lorsque ce dernier a quitté la région parisienne pour s’installer à Reims en juin 2014. La compétence territoriale de la DRPP se limitant à Paris et la petite couronne, elle transmet alors l’intégralité du dossier à la DGSI, au cours d’une réunion de travail qui se tient au début du mois de juillet, et celle-ci s’engage alors à prendre le relais.

Interrogé sur ce point par la commission d’enquête, son directeur général, M. Patrick Calvar a répondu que la surveillance fut finalement définitivement interrompue car "aucun élément ne permettait d’établir de la part des frères Kouachi une activité terroriste". (…)

Le cas Coulibaly

Le cas d’Amedy Coulibaly est sensiblement différent puisqu’il n’avait jamais fait l’objet d’une surveillance particulière de la part des services de renseignement. M. René Bailly a ainsi expliqué à la commission d’enquête que son nom était parfois apparu dans le cadre de la surveillance d’autres individus, notamment en raison de sa fréquentation de mosquées sensibles. Mais il n’a pas attiré outre mesure l’attention des services car rien ne laissait soupçonner "qu’il était impliqué dans des projets d’attentats terroristes" selon le DGSI, M. Patrick Calvar.

Pour autant, entre 1999 et 2009, Amedy Coulibaly a été condamné six fois et a fréquenté plusieurs établissements différents : Melun, Fleury-Mérogis, Villejuif, Orléans-Saran. À Fleury-Mérogis, il fut le voisin de cellule de Djamel Beghal, et des écoutes téléphoniques réalisées en 2010 ont montré qu’il existait un lien fort entre les deux hommes. En outre, Coulibaly a été condamné pour avoir projeté l’évasion de Smaïn Aït Ali Belkacem, l’un des auteurs des attentats de 1995, projet pour lequel Cherif Kouachi a également été mis en examen avant de bénéficier d’un non-lieu. Dès lors, son adhésion aux thèses de l’islam radical et violent ne faisait guère de doutes, après une telle condamnation.

Pourtant, à sa sortie de prison, Amedy Coulibaly est remis en liberté sans aucun suivi, sans aucune information des services de renseignement par l’administration pénitentiaire ou judiciaire, sans aucune alerte. Le ministre de la justice, lors de son audition par la commission, reconnaissait à ce sujet, avec courage et lucidité : "Le bureau du renseignement pénitentiaire ne dispose ni de document ni de retour d’expérience sur le parcours de Coulibaly. (…) Le parcours de Coulibaly ne démontre que des carences de notre part ; il nous faudra y remédier."

Le cas Samy Amimour

Samy Amimour, membre d’un club de tir de la police nationale, a tout d’abord fait l’objet d’une surveillance de la part de la DRPP, ainsi que l’a confié son directeur, M. René Bailly, lors de son audition. Il a été auditionné par la DCRI en octobre 2012, dans le cadre d’un projet de départ en Syrie. Cette année-là, il est déféré, mis en examen et placé sous contrôle judiciaire.

Dans le cadre de ce contrôle, il est donc interdit de sortir du territoire et privé de papiers d’identité, mais il parvient néanmoins en septembre 2013, à se rendre en Syrie avec Ismaël Omar Mostefaï. Selon toute vraisemblance, il se serait fait refaire ses papiers d’identité par la préfecture, en arguant une prétendue perte. Alors que toute demande de nouveaux papiers d’identité déclenche normalement la consultation par la préfecture du fichier national des personnes recherchées (FPR), dans lequel sont portées les interdictions de sortie du territoire, il semblerait que cette consultation ne soit pas systématique, a regretté M. Marc Trévidic lors de son audition par la commission d’enquête. Alors juge d’instruction au pôle antiterroriste, celui-ci a expliqué à la commission d’enquête qu’il avait souhaité, à la lumière d’éléments nouveaux, entendre trois individus placés sous contrôle judiciaire, dont Samy Amimour. Il apprit à cette occasion "qu’aucun des trois ne pointait plus au commissariat depuis au moins quatre semaines sinon davantage, alors même qu’ils étaient tenus à un contrôle hebdomadaire."

Cet épisode plus que malheureux met en relief deux problèmes majeurs et distincts. Premièrement, le contrôle judiciaire de Samy Amimour a manifestement échoué et n’a pas été suffisamment rigoureux. Deuxièmement, si la surveillance administrative dont il avait été l’objet a été abandonnée simultanément avec sa mise en examen, conformément aux principes du procès équitable et des droits de la défense, elle n’a manifestement été remplacée par aucune mise en œuvre par la justice des techniques de renseignement qui eussent permis de détecter les intentions de Samy Amimour. À cet égard, le directeur général de la sécurité intérieure, M. Patrick Calvar, a indiqué à la commission que cette mauvaise articulation entre la surveillance administrative et la surveillance judiciaire constituerait "un angle mort". Votre rapporteur observe néanmoins que – contrairement à nombre de ses homologues étrangers – la DGSI dispose d’une compétence judiciaire mise en œuvre très régulièrement dans le cadre des cosaisines avec la SDAT dont elle fait l’objet de la part du parquet dans le cadre des enquêtes antiterroristes. C’est d’ailleurs en vertu de cette compétence que la DCRI auditionnait Samy Amimour en octobre 2012. Votre rapporteur estime donc que, autant qu’un problème de droit ou de moyens, c’est aussi une insuffisante prise en considération de la dangerosité et des projets de Samy Amimour qui a conduit à ne pas poursuivre sa surveillance après sa mise en examen et entraîné un contrôle judiciaire peu rigoureux.

Le cas Mostefaï

Son compagnon, du voyage en Syrie jusqu’au Bataclan, Ismaël Omar Mostefaï faisait quant à lui l’objet d’une fiche S pour radicalisation islamiste violente lorsqu’il parvient à rejoindre les rangs de Daech. Selon les témoignages recueillis par la commission lors de son déplacement à Ankara, le départ des deux hommes aurait d’ailleurs été signalé à la DGSI par les services de renseignement et de sécurité turcs. Il apparaîtrait comme logique que les Français signalés de la sorte soient ciblés prioritairement par les services français, de sécurité tant extérieure qu’intérieure. Lors des auditions, il a été confirmé à la commission, qu’Ismaël Omar Mostefaï n’avait fait l’objet d’aucune surveillance avant le 13 novembre 2015, bien qu’il faille garder à l’esprit que la surveillance des français en zone syro-irakienne est une manœuvre particulièrement complexe.

Le cas Abaaoud

Bien que n’ayant jamais résidé en France, celui qui semble être un acteur clé des attentats du 13 novembre, Abdelhamid Abaaoud, était néanmoins connu des services de renseignement et de sécurité français, mais également au moins par leurs homologues belges, grecs et turcs.

Né en avril 1987, titulaire de la double nationalité belge et marocaine, Abdelhamid Abaaoud a été condamné et incarcéré à de multiples reprises en Belgique entre 2002 et 2012. En février 2013, il se rend en Syrie et fait l’objet d’une note de la sûreté belge. Un an plus tard, il acquiert une certaine notoriété par des vidéos diffusées sur internet et le montrant se livrant à des exactions en Syrie. En août 2014, il est frappé par un mandat d’arrêt belge et international.

Pour autant, Abdelhamid Abaaoud revient au sein de l’espace Schengen. Il est associé à, voire coordonne, une cellule djihadiste dormante en Belgique, dite cellule de Verviers, qui est démantelée par la Belgique avec le concours du GIGN en janvier 2015, peu après les attentats de Paris. Selon les informations recueillies auprès des services de renseignement et de sécurité grecs lors du déplacement de la commission à Athènes, le lien téléphonique entre la cellule de Verviers et Abdelhamid Abaaoud était établi avant le démantèlement de la première. Il était alors prévu une action concertée des services belges et grecs afin d’interpeller le djihadiste se trouvant à Athènes. Cependant la précipitation de l’intervention à Verviers n’a pas permis une telle arrestation.

Votre rapporteur a pu mesurer, à Athènes, toute la frustration encore vivace des services grecs, apparemment mal tenus informés de l’organisation du démantèlement en Belgique. Ces services ont dû organiser en urgence, dans le centre-ville de la capitale, une opération d’interpellation en masse, dans la rue, de très nombreux suspects potentiels dans la zone de bornage du téléphone, qui communiquait avec la cellule de Verviers. Abdelhamid Abaaoud échappe alors au coup de filet et se débarrasse dudit téléphone qui sera retrouvé quelques jours plus tard, mais l’enquête grecque met à jour deux appartements conspiratifs dont la fouille confirmera, d’une part, sa présence à Athènes et sa fuite très brusque, et, d’autre part, sa connexion avec les réseaux criminels de fabrication et de diffusion de faux-papiers.

Nonobstant ses antécédents, cette opération semble constituer le point de départ de l’intérêt des services français pour Abdelhamid Abaaoud. Le DGSE, M. Bernard Bajolet a ainsi expliqué : "Nous suivions en particulier, depuis le mois de janvier 2015, le réseau Abaaoud, en liaison avec un projet d’attentat du "groupe de Verviers". Nous avons aidé nos homologues belges à déjouer cet attentat."

Du côté de la sécurité intérieure, le sujet Abaaoud ne sera réellement pris en pleine considération qu’à partir de l’été suivant après l’enchaînement de l’attaque du Thalys et de l’arrestation de Reda Hame, lequel confiera en garde à vue avoir reçu des consignes d’attentat en France de la part du belgo-marocain. En effet, selon M. Patrick Calvar, la DGSI a établi "la dangerosité d’Abaaoud dès l’été 2015, en indiquant que cet individu était impliqué dans de nombreux projets avortés. C’était après l’attaque du Thalys. Nous savions pertinemment qu’Abaaoud avait joué un rôle dans plusieurs affaires, dont l’affaire Ghlam, et nous l’avons donc signalé." Jusqu’à l’été 2015, a également précisé le DGSI, Abdelhamid Abaaoud était connu de ses services mais la connaissance qu’ils avaient de ses projets terroristes visant la France n’en faisaient pas une priorité. M. Patrick Calvar a justifié un tel ordre des priorités par le fait que l’intéressé n’était ni résident ni de nationalité française : "Nous avons suffisamment de ressortissants français qui, depuis la Syrie, veulent nous frapper, soit en projetant sur notre territoire des gens, soit en faisant appel à des amis qui vivent ici, pour ne pas nous être préoccupés directement des cellules en Belgique ou dans d’autres pays, dès lors que nous ne pouvions établir de connexions. (…) Qu’on m’explique comment bloquer Abaaoud quand il se trouve en Grèce, visé par une enquête – celle concernant les attentats déjoués de Verviers ?"

Tout au long de l’année 2015, malgré les moyens mis en œuvre, Abdelhamid Abaaoud ne sera donc jamais localisé par les services de renseignement français, ni par leurs homologues européens. S’ils ont su qu’il était rentré en Syrie, ils ne l’ont en revanche pas vu ressortir et n’ont découvert sa présence sur le sol français qu’après les attentats du 13 novembre.

Comment Abdeslam a pu quitter la France le 14 novembre

Cependant, compte tenu de la chronologie des attentats du 13 novembre (cf. supra), votre rapporteur est contraint de relativiser cette situation présentée comme idéale. En effet, tandis que le Président de la République lui-même décrète l’état d’urgence à minuit le 14 novembre et demande formellement la restauration des contrôles aux frontières, Salah Abdeslam sera contrôlé à 9h10 et s’exfiltrera vers la Belgique en dépit d’un hit positif de son passeport sur le SIS 2.

M.Jean-Jacques Colombi a fourni à la commission des précisions éclairantes sur les conditions de ce contrôle ainsi que sur les lourdeurs intrinsèque du fonctionnement actuel du SIS 2 : "La consultation du fichier des personnes recherchées en France par le peloton autoroutier fait apparaître que Salah Abdeslam fait l’objet d’un signalement dans le SIS et que la conduite à tenir est de "recueillir discrètement toutes informations utiles et contacter le bureau SIRENE ". L’un des gendarmes contacte donc le bureau pour obtenir davantage de précisions.

Nous lui confirmons l’existence d’un signalement valide dans le SIS émis par la Belgique le 9 février 2015 au titre de l’article 36-2 de la décision 2007/533 du Conseil, lequel autorise le signalement « pour la répression d’infractions pénales et pour la prévention de menaces pour la sécurité publique", donc pour des infractions de droit commun, l’article 36-3 autorisant, lui, les signalements quand la sûreté de l’État est menacée.

Nous précisons au gendarme que les Belges demandant un contrôle discret, le peloton doit poursuivre le contrôle, rappeler pour nous donner une description du véhicule, sa plaque d’immatriculation, l’identité des occupants – si possible, une copie des documents d’identité –, la provenance et la destination des passagers et le motif de leur déplacement.

À 9 heures 40, l’un des gendarmes rappelle le bureau SIRENE et communique les informations demandées, à l’exception des copies des pièces d’identité qui ne nous parviendront que plus tard dans la matinée en raison de difficultés liées à la transmission des images par voie électronique.

À 9heures44, l’opérateur du bureau SIRENE de Paris transmet au bureau SIRENE de Belgique le formulaire habituel de découverte, dit " formule G ", accompagné d’une demande de précision quant au motif du signalement, en précisant que les copies des documents d’identité seraient transmises dès réception.

Vers 10 heures 45, le bureau SIRENE de Belgique rappelle le bureau SIRENE de France et l’informe que Salah Abdeslam était d’après leurs services un individu radicalisé, candidat au djihad en Syrie".

M.Alexandre Pichon, adjoint au chef de la division des relations internationales a également les raisons pour lesquelles le SIS 2 ne pouvait fournir d’information sur le risque terroriste, qui eût permis aux gendarmes de mieux cerner Salah Abdeslam lors de son contrôle : "L’article 36-2 ne couvre pas spécifiquement les infractions de droit commun. Les articles 36-2 et 36-3 peuvent concerner des faits relevant du terrorisme comme des faits n’en relevant pas. Ce qui distingue les deux articles, c’est la nature de l’autorité qui procède au signalement. Les signalements effectués dans le cadre de l’article 36-2 étant liés à la répression des infractions pénales, ils sont généralement issus des services d’enquête criminelle, donc de la police judiciaire. Ceux qui sont effectués dans le cadre de l’article 36-3, en cas de menace de la sûreté de l’État sont généralement issus des services de renseignement, de la DGSI par exemple".

In fine, il est apparu que les Belges ont renseigné le SIS 2 dans le cadre de l’article 36-2 et non pas de l’article 36-3 alors même que les services de ce pays étaient informés de la radicalisation de M. Salah Abdeslam. Les Français n’ont su que quelques heures après le contrôle que ce dernier était surveillé au titre de sa radicalisation violente. Votre rapporteur en conclut que le SIS 2, au lendemain du pire attentat terroriste connu par la France au cours de son histoire et en dépit des ordres présidentiels, était impuissant à bien renseigner la gendarmerie française, contrainte dès lors de laisser libre le djihadiste.

La Commission parlementaire belge sous pression de la police

Depuis l’affaire Dutroux, les Belges ont mis en place un organe parlementaire de contrôle de la police : le comité P. Cet organe prépare un rapport particulièrement sanglant sur les dysfonctionnements du renseignement belge. On trouvera ci-dessous un résumé, emprunté à la Dernière Heure, des batailles qui se livrent en ce moment en Belgique sur la transparence en matière de lutte anti-terroriste :

1. Dénonciation. Début mars. Avant même que se produisent les attaques de Zaventem et de Maelbeek, le Comité P (la police des polices en Belgique) enquête sur une information de juillet 2014 concernant une possible radicalisation des frères Salah et Brahim Abdeslam, deux des auteurs des attentats de Paris, information qui aurait été négligée par la police antiterroriste.

Il le fait à la suite de la dénonciation d’une “agente” de la police judiciaire qui aurait reçu un appel d’un informateur proche de la famille Abdeslam lui parlant de la préparation d’une attaque par les frères Abdeslam, sous la coupe d’Abdelhamid Abaaoud, tué le 18 novembre 2015, à Saint-Denis. La policière, en délicatesse avec sa hiérarchie et en “congé maladie”, dit avoir transmis le soir même l’information à ses collègues de la section antiterroriste de la police judiciaire (DR3) qui n’auraient donné aucune suite.

2.Répliques du parquet fédéral et de la police judiciaire. A cette époque, le parquet fédéral minimise l’importance de ces informations, qui ne faisaient, dit-il, aucune référence à un quelconque projet d’attentat et ne mentionnait pas le nom des Abdeslam. Le parquet souligne que la première mention d’un départ possible des frères en Syrie date de janvier 2015 et qu’elle a fait l’objet de vérifications à l’issue desquelles aucune infraction liée au terrorisme n’avait pu être mise en évidence.

Le directeur général de la police judiciaire fédérale, Claude Fontaine, en rajoute une couche : “Il est de mon devoir de défendre mon équipe contre certains éléments mensongers qui se basent sur des informations de source douteuse ayant parfois uniquement pour but de discréditer notre organisation” écrit-il. Une enquête pour violation du secret professionnel sera ensuite ouverte par le parquet de Bruxelles.

3. Première salve du Comité P. Mais le 7 mi-mars, devant la commission parlementaire spéciale “terrorisme”, le Comité P dresse un tableau très sombre de la façon de fonctionner des services de renseignement. Il pointe du doigt les faiblesses structurelles dans l’échange d’informations entre les unités chargées de surveiller les djihadistes présumés ; il révèle qu’un scanner censé lire les documents concernant les suspects est…en panne depuis 2014 et que 20.000 documents potentiellement intéressants n’ont pu être traités ; il indique aussi que les restrictions budgétaires ont privé les services policiers de personnes qualifiées pour gérer et analyser les informations recueillies.

4.Deuxième mise en cause du même Comité P. L’épisode suivant intervient fin avril. Dans un rapport intermédiaire relatif à l’enquête sur les attentats de Paris, le Comité P affirme que le dossier de surveillance des frères Abdeslam a été classé sans suite, en avril 2015, en raison d’un manque d’effectifs. Il relève plusieurs manquements ayant permis au duo d’échapper à la surveillance dont ils aurait dû faire l’objet.

5.Des parlementaires fâchés. Ce rapport est toutefois mal accueilli par les membres de la commission parlementaire de suivi des organes de contrôle des services de police et du renseignement. Ils le jugent “trop à charge” et dépourvu de contexte et décident de permettre aux services incriminés de répondre point par point. Ce n’est qu’en possession de leurs répliques que les députés analyseront le rapport sur le fond.

6.Le Comité P se justifie. Dans la foulée, Yves Keppens, le président du Comité P, défend le rapport contesté, concédant sa sévérité mais justifiant son contenu.

7.Police et parquet contre-attaquent. Le feuilleton n’est toutefois pas terminé. Le 2 mai, la commissaire générale de la police fédérale, le directeur de la police judiciaire, le procureur fédéral et le procureur général de Bruxelles écrivent à la commission parlementaire de suivi du comité P pour dénoncer la surcharge de travail qu’ils doivent supporter depuis le début de l’enquête de ce dernier. Dans leur courrier, Mme De Bolle et MM. Fontaine, De Leeuw et Delmulle rappellent la charge de travail considérable que leurs services supportent pour lutter contre la menace terroriste. L’enquête du comité P n’arrange pas les choses, scandent-ils.

8.Le malaise est profond. Depuis, d’autres intervenants sont sortis du bois. Le SLFP Police a dénoncé une pénurie de personnel au sein de la cellule anti-terroriste. Surtout, De Morgen a révélé qu’au moins 20 spécialistes souhaitent quitter au plus vite la DR3. Ils en auraient assez des critiques incessantes dont ils font l’objet. Avec ses 142 employés, le service est pourtant déjà en sous-effectifs. Malaise, vous avez dit malaise.

La police belge a-t-elle protégé les frères Abdeslam ?

Je reviens sur l’information du point n°1 ci-dessus : la police belge avait-elle eu vent des projets d’Abdeslam en France ? Il est évidemment toujours tendancieux de réécrire l’histoire après coup. Il n’en reste pas moins que…

Selon la RTBF, on découvre cette information hallucinante :

C’est l’un des points cruciaux que devra trancher la commission d’enquête parlementaire : les policiers ont-ils fait preuve de négligence dans l’enquête sur les frères Abdeslam ? Jusqu’à présent la version présentée par la DR3, unité chargée de l’anti-terrorisme était la suivante : oui, elle avait bien reçu via un informateur des éléments faisant état de la radicalisation des frères Abdeslam. Mais, non, ces informations ne permettaient pas d’établir que les deux frères appartenaient à une mouvance terroriste et encore moins qu’ils étaient susceptibles de passer à l’acte.

L’enquête du Comité P (police des polices) contredit désormais ouvertement cette version. Selon ce document classé confidentiel mais auquel la rédaction de la RTBF a pu avoir accès, les informations étaient en réalité beaucoup plus précises que ce qui a été dit jusqu’à présent, et elles laissaient peu de doutes sur la dangerosité des deux frères.

Tout commence le 15 janvier, jour de l’assaut contre la planque de Verviers. Ce jour là les policiers tuent deux terroristes dans la fusillade, capturent le troisième et lancent une vaste enquête pour mettre la main sur leurs complices à travers le pays. En Grèce, l’organisateur présumé de la cellule, Abdelhamid Abaaoud parvient à échapper aux policiers.

Un informateur, quatre éléments

Dans les jours qui suivent, un informateur livre à la police locale de Molenbeek les noms des deux frères Salah et Brahim Abdeslam.

Quatre éléments d’information (qui finiront par remonter vers les fédéraux) apparaissent :

- Il est question de départ en Syrie pour "aider les frères"
- Des sacs seraient prêts pour le départ
- Brahim a téléphoné à son frère de la frontière turco-syrienne au moment où il s’apprêtait à franchir la frontière vers la Syrie (le 28/01)
- Et, surtout, l’informateur fait état de plusieurs échanges directs entre Abdelhamid Abaaoud et Salah Abdeslam dans les jours qui ont précédé l’opération de Verviers
L’informateur donne même le numéro de GSM qu’utilise Salah Abdeslam dans ce contexte.

Abaaoud ? Une vague connaissance du passé

Immédiatement, la police locale lance un avis de recherche des deux hommes. Des convocations leur sont adressées, sans résultat immédiat.

Le 16 février, un motard de la police de Molenbeek interpelle Brahim Abdeslam au volant d’une voiture pétaradante. Il est en possession de stupéfiants.

Les policiers découvrent qu’il est aussi recherché pour "radicalisme". Ils se rendent chez lui et emportent des ordinateurs et des clés USB.

Salah Abdeslam se rend, sur conseil d’un proche, au commissariat le 28 février, mais affirme qu’Abaaoud n’est qu’une vague connaissance du passé, dont il n’a plus de nouvelles depuis trois ans. C’est faux, mais ça passe.

La DR3 saturée de travail

Entretemps, le parquet fédéral compétent en matière de "terrorisme" reprend la main et la police locale de Molenbeek n’est officiellement plus en charge du suivi. Mais la police fédérale anti-terroriste bruxelloise, la DR3, qui reçoit les devoirs d’enquête est saturée de travail. Plus de 110 dossiers à gérer, 420 suspects à suivre pour 85 hommes, cadres compris…

La DR3 réalise alors partiellement un premier devoir, le réquisitoire téléphonique (relevé des communications) sur le numéro de Salah Abdeslam entre le 1 mars 2014 et le 19 février 2015, puis décide de "geler" les informations, car elle ne dispose pas des forces nécessaires pour réaliser l’enquête de téléphonie.

Le parquet fédéral est dès lors informé que le groupe de la DR3 compétente en matière "d’islamisme" n’est plus en mesure d’effectuer les devoirs d’enquête demandés par le magistrat titulaire, notamment l’examen des pièces saisies chez les Abdeslam.

Des pistes de réorientation des deux dossiers sont alors recherchées au sein de la police judiciaire puis suggérées au magistrat titulaire du dossier.

Quatre mois "en attente" d’une réaffectation, puis classés "sans suite"

Un rapport de "contextualisation" indispensable pour pouvoir transférer le dossier vers une autre unité de la PJF est rédigé et transféré vers le magistrat du parquet fédéral.

Il ne s’agit pas d’une synthèse de l’enquête, mais des seules observations effectuées au départ de la documentation de la DR3.

Rien ne figure donc dans ce rapport sur les premiers éléments rapportés par l’informateur à la police locale qui faisait état de connexions récentes avec Abaaoud qui est pourtant activement recherché par les services.

Durant quatre mois, les deux dossiers resteront "en attente" d’une réaffectation, mais, en juin 2015, le magistrat titulaire décidera sans attendre les résultats des devoirs qu’il a prescrit de classer les deux dossiers "sans suite". Il demandera de poursuivre "une surveillance discrète" des frères, mais plus aucun service de police ou de renseignements ne considérera cette mission comme "prioritaire"… jusqu’aux attentats du 13 novembre.

Voilà comment Salah Abdeslam, l’homme dont on aurait du savoir qu’il était en contact direct avec Abaaoud, a disparu des radars.

Les armes du Bataclan proviennent-elles d’un camp de DAESH à la frontière mexicaine ?

Enfin, pour couronner ce tour d’horizon impressionnant, je rappelle cette information issue du site américain Judicial Watch : l’une des armes du Bataclan proviendrait de Phoenix, aux Etats-Unis, où elle aurait été achetée avec le consentement tacite des autorités dans le cadre de l’opération Fast and Furious.

On notera par ailleurs les liens étranges entre Abrini, réputé être le cerveau des attentats, et la Grande-Bretagne. Abrini avait fait un voyage à Birmingham l’an dernier. Il est aujourd’hui un informateur des services secrets britanniques.

Source : atlantico.fr
Date : 10/07/2016

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