ATTENTAT DEJOUE A MARSEILLE : LE DUO DJIHADISTE QUI VISAIT UN MEETING DE MARINE LE PEN DEVANT LE TRIBUNAL

A cinq jours du premier tour de l’élection présidentielle, dans le populaire 3e arrondissement de Marseille, c’est la fin de plusieurs semaines de traque sous haute tension.

Le 18 avril 2017, aux termes de vastes investigations coordonnées avec les polices belge et allemande, les forces de l’ordre viennent d’arrêter dans un appartement deux Français, Clément Baur et Mahiédine Merabet, sur le point de commettre un attentat qui visait notamment un meeting imminent de Marine Le Pen. Ce jeudi, les deux hommes comparaissent devant les assises pour association de malfaiteurs terroriste criminelle, aux côtés de dix hommes soupçonnés à des degrés divers de les avoir accompagnés dans leur projet terroriste, notamment dans la fourniture d’armes.

Quels sont les faits ?

Le 18 avril 2017, la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) mène une vaste opération dans un appartement de la petite rue de Crimée, dans le centre-ville de Marseille. Nous sommes alors à cinq jours de premier tour de l’élection présidentielle. Les services de sécurité sont sur les dents. L’appartement est loué depuis un mois par un jeune homme âgé de 24 ans, Clément Baur. Il y vit avec un autre homme âgé de 30 ans, Mahiédine Merabet, originaire du Nord de la France.

Six jours plus tôt, Mahiédine Merabet a envoyé à un de ses contacts une vidéo montrant des dizaines de munitions, disposées sur la table de l’appartement, de manière à écrire « la loi du talion », au côté d’un fusil-mitrailleur, d’un drapeau de l’Etat islamique et la Une du Monde du 16 mars 2017 avec une photo du candidat François Fillon, suivie d’un montage d’enfants victimes de bombardements en Syrie. Mais le destinataire de cette vidéo n’est autre… qu’un agent cyberinfiltré de la DGSI. Les services antiterroristes savent également que ce même Mahiédine Merabet cherche depuis le début du mois un contact pour transmettre à l’EI une vidéo d’allégeance et de revendication.

Dans l’appartement, les enquêteurs découvrent plus de 3,5 kg de TATP, explosif artisanal prisé des djihadistes. Une partie est prête à l’emploi, une autre sèche sur des étagères, 250 grammes sont déjà dans une salière avec une mèche pour constituer une grenade. La perquisition permet également de saisir un arsenal important : le fusil-mitrailleur Uzi, trois pistolets de calibre 7,65 mm, des centaines de munitions et un sac de boulons. « Il est peu contestable que ces boulons allaient servir à la confection d’une bombe létale, la projection de multiples boulons en suite d’une explosion de TATP pouvant avoir des effets dévastateurs », peut-on lire dans l’ordonnance de mise en accusation.

« L’appartement dans lequel ont évolué les deux hommes dans les quinze derniers jours précédant leur arrestation était “décoré” de photographies d’enfants morts ou blessés et d’articles de presse traitant des bombardements en Syrie, accrochés aux murs de la pièce principale », détaille l’ordonnance de mise en accusation.

Quelles étaient les cibles ?

Le lendemain de cette arrestation, la candidate du Front national à l’élection présidentielle Marine Le Pen tient un meeting à Marseille. Or, l’exploitation des supports numériques par les enquêteurs révèle que les deux complices ont réalisé le 11 avril des recherches sur cet événement, après avoir également cherché d’autres potentielles cibles comme des clubs libertins de Marseille, des bars ou encore un restaurant casher de la cité phocéenne.

Lors de son interrogatoire, Mahiédine Merabet explique avoir envisagé de faire « un coup d’éclat […] médiatique » en faisant exploser la grenade artisanale « à proximité du quartier où il y avait le meeting ». Ils auraient ensuite envoyé une lettre de revendication à un journal. « Certains objets retrouvés dans l’appartement laissent penser que la mise en scène du passage à l’acte terroriste était sérieusement envisagée, peut-on lire dans l’ordonnance de mise en accusation. On trouve en effet un masque noir de type Anonymous et une Go-Pro qui, dans le contexte, font immanquablement penser à une opération terroriste autofilmée. »

Qui est Clément Baur ?

Quand Clément Baur est arrêté par les forces de l’ordre, pour sa famille, c’est la fin d’un mystère. Le jeune homme de 23 ans est en effet porté disparu depuis janvier 2015. Habitant le nord de la France, il devait rejoindre sa mère, qui réside à Nice. Il n’y est jamais allé. Il est aperçu pour la dernière fois à Marseille, près de la gare Saint-Charles.

Pendant deux ans, plus de trace, si ce n’est un passage à la prison de Lille-Sequedin pendant quatre mois pour détention de faux documents, sous une fausse identité, Ismaïl Djabrailov. L’adolescent a d’abord été un catholique pratiquant, prenant même part aux Journées mondiales de la Jeunesse avant de se convertir « sans qu’il puisse en donner les motifs », souligne l’ordonnance de mise en accusation.

Selon un expert psychiatre mandaté au cours de l’enquête, « le rapport de Clément Baur à la religion paraît avoir été initié à la préadolescence chez un sujet en souffrance familiale, croyant avoir trouvé dans le Coran des réponses à ses interrogations intimes, à son malaise et à sa quête existentielle, concluant à une radicalisation religieuse, puisque son rapport à la religion demeure littéral, sans aucune distanciation critique ni interprétation métaphorique ». Toujours selon un autre expert psychologue, « la France cristallise chez lui des pulsions agressives, sublimées par l’idéal djihadiste ». « Il semble bien ancré dans un islam radical dont il ne s’écarte pas », est-il écrit dans l’ordonnance de mise en accusation.

Passionné de langues étrangères, Clément Baur apprend dès son plus jeune âge et de manière autodidacte l’arabe et le russe, au point de se faire passer pour un Tchétchène auprès de ses proches, y compris ses épouses. Cette passion le sert en effet dans sa « capacité à prendre différentes identités pour vivre dans la clandestinité », et ce dès l’âge de 18 ans. Au fil des investigations, les enquêteurs découvrent que Clément Baur est connu sous quatre autres identités, dont trois totalement fausses.

Les enquêteurs sont enfin convaincus qu’au cours de son sinueux parcours, Clément Baur a fréquenté la cellule terroriste de Verviers en Belgique, celle d’Abdelhamid Abaaoud, le chef opérationnel des commandos du 13-Novembre, et qu’il fut en contact en Allemagne avec Anis Amri, l’auteur de l’attentat au camion sur le marché de Noël de Berlin en 2016.

Qui est Mahiédine Merabet ?

Âgé de 30 ans au moment des faits, Mahiédine Merabet a connu Clément Baur en prison. Les deux hommes ont partagé la même cellule du 19 février au 2 avril 2015 à la prison de Lille-Sequedin. Clément Baur a été condamné pour détention de faux documents. De son côté, Mahiédine Merabet a un casier judiciaire lourd, avec, dès sa minorité, pas moins de douze condamnations pour des faits allant du vol aggravé à la séquestration ou l’enlèvement. Tous deux, en détention, commencent à beaucoup parler de religion, selon les surveillants en poste à l’époque à Sequedin qui demandent alors de les séparer. Devant les enquêteurs, Mahiédine Merabet affirme que Clément Baur est « la première personne à l’avoir mis dans le bain » de l’islam radical.

Une fois sortis de prison, les deux hommes restent en contact grâce aux réseaux sociaux. « Il est remarquable que Mahiédine Merabet et Clément Baur aient pris la voie de la clandestinité au mois de décembre 2016 alors qu’au moment où ils choisissent cette option, ils ne sont absolument pas recherchés pour un quelconque délit, peut-on lire dans l’ordonnance de mise en accusation. La préparation d’un acte terroriste grave semble être la seule explication rationnelle à cette fuite clandestine. » Ni les avocats de Clément Baur, ni celui de Mahiédine Merabet n’ont souhaité s’exprimer sur le dossier avant le procès, dont le verdict est attendu le 3 février.

Crédit photos : Article rédigé et publié par 20 minutes

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