ATTENTAT DE NICE : L’ULTIME EXPRESSION DE LA FRUSTRATION DES VICTIMES

Les plaidoiries des parties civiles sont terminées, à l’audience qui juge l’attentat du 14 juillet 2016. Les victimes regrettent le peu d’écho qu’elle a eu, ainsi que l’insignifiance des accusés. « Il faut faire avec », dit une avocate. Rendez-vous mardi prochain pour le réquisitoire.

Chokri Chafroud, au centre, et Ramzi Arefa, à droite, qui faisaient figure de principaux accusés, n’ont rien dit pour éclairer les zones d’ombre qui demeurent.

À l’insondable douleur qu’on touche du doigt, chaque jour, au long de ces procès d’attentats terroristes qui se succèdent, depuis deux ans, il faut ajouter ici une frustration singulière des victimes. Une double frustration, en fait. D’abord, les deux mille cinq cents personnes constituées parties civiles ont eu le sentiment partagé « d’un procès délaissé, comme si on n’en voulait pas, avec peu de presse, peu de public », a dit ce jeudi matin Me Virginie Leroy.

C’est une évidence : l’immense salle dite « des grands procès », construite tout exprès au sein de l’immense salle des pas perdus du vieux palais de justice parisien a souvent sonné le creux, depuis le début de ce procès, en septembre, alors qu’elle a souvent fait le plein au cours des dix mois qu’a duré le procès des attentats du 13 novembre 2015.

De noirs sentiments

C’est impossible à nier, et pas très facile à expliquer. Plus d’une fois, entre cette salle et celles qui retransmettaient les débats en direct (pour quelle utilité, finalement ?), des familles endeuillées ou des victimes directes ont crié leur colère – et cette première frustration qu’elles opposaient à l’extraordinaire gravité de l’attentat. Il y a eu, le 14 juillet 2016 à Nice, quatre-vingt-six morts et plus de quatre cents blessés physiques.

Ils criaient aussi la douloureuse cohorte de ces noirs sentiments qui suivent les attentats – celui-ci comme tous les autres. « La culpabilité du survivant, la colère, l’impossibilité de faire son deuil, le traumatisme ou la lutte pour la légitimité d’être reconnu victime », comme l’a énuméré Me Éric Morain. Et tout cela, parfois, sans l’écho qu’ils revendiquaient.

Faire avec l’absence de l’auteur

Mais aussi, comme la plupart des deux cent soixante-dix personnes qui se sont avancées l’une après l’autre à la barre l’ont souligné, il faut ici faire avec l’absence de l’auteur de l’attentat. « Il faut bien vivre avec ce vide », a dit Sylvie Topaloff ce jeudi matin. Bien sûr, ils sont neuf dans le box des accusés, mais aucun n’est poursuivi pour complicité. Et tous ceux-là, parfois très maladroitement, ont tenté de se tenir à distance de ce Mohamed Lahouaiej-Bouhlel dont avait été fait un portrait si peu flatteur.

Voilà donc le deuxième grand axe du travail des avocats de la partie civile : rappeler que « tous ont participé, de près ou de loin, aux actes préparatoires » à l’attentat. Et tenter de convaincre la cour que sans « tous ces petits actes mis les uns au bout des autres », le terroriste n’aurait pas pu frapper, le 14 juillet.

« Ce n’est pas une affaire de loup solitaire, dit Me Topaloff. D’ailleurs, il n’y a jamais de loup totalement solitaire. Ce n’est pas un fait divers. » Certes. Mais son confrère Gérard Chemla a dit tout haut ce que beaucoup pensaient : « Nous avons face à nous des gens d’une totale insignifiance. » Ce qui pourrait expliquer qu’ils n’aient pas pu éclairer les zones d’ombres qui demeurent après six ans et demi.

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