ATTENTAT DE NICE, CHARLIE HEBDO, CRASH DU RIO-PARIS : LES GRANDS PROCES DE LA RENTREE A SUIVRE

Deux procès sur les attentats de Nice en 2016 et ceux de janvier 2015, l’accident du car de Millas ou encore le crash du Rio-Paris : la rentrée judiciaire s’annonce chargée. France Inter fait le point sur les procès marquants qui auront lieu dans les prochains mois.

La rentrée judiciaire s’annonce chargée, avec plusieurs procès d’attentats ou d’accidents collectifs qui ont marqué la société française ces dernières années. France Inter passe en revue les différentes affaires judiciaires qui vont rythmer l’automne.

L’attentat de Nice en 2016, à la Cour d’assises spéciale de Paris à partir du 5 septembre

Les faits : Le 14 juillet 2016, un camion fonce dans la foule réunie sur la promenade des Anglais à Nice, après le feu d’artifice. Le chauffeur et assaillant, un tunisien de 31 ans, Mohamed Lahouaiej-Bouhlel tire ensuite sur des policiers qui parviennent finalement à l’abattre. Le bilan est de 86 morts et plus de 400 blessés. L’attaque est revendiquée deux jours plus tard par l’État islamique.

Pourquoi ce procès est-il marquant ? Il s’agit de la deuxième attaque terroriste la plus meurtrière sur le territoire français, après les attentats du 13-Novembre 2015. Le principal responsable étant décédé, les magistrats examineront les responsabilités de huit autres personnes, membres de son entourage ou intermédiaires impliqués dans le trafic d’armes qui lui étaient destiné. Comme le procès des attentats du 13 novembre, ce procès est exceptionnel par le nombre de parties civiles constituées : au moins 865 personnes ou associations. "Nous répondons à cette barbarie par le droit", a estimé le ministre de la Justice Eric Dupond-Moretti dans une interview à Nice-Matin. Le procès va durer au moins deux mois mais pourrait être prolongé jusqu’au 16 décembre. Il sera retransmis à Nice dans l’espace Méditerranée du palais Acropolis. Deux salles seront consacrées à la diffusion : la première, pour les parties civiles, compte 500 places, la seconde sera ouverte à la presse ainsi qu’au public et pourra accueillir 200 personnes.

Procès en appel des attentats de janvier 2015 à Paris, à partir du 12 septembre

Les faits : À l’issue du premier procès en décembre 2020, les 14 accusés ont écopé de peines allant de quatre ans de prison à la réclusion criminelle à perpétuité. Deux d’entre eux ont décidé de faire appel. Il s’agit de Ali Riza Polat et Amar Ramdani. Le premier avait été condamné à 30 ans de réclusion criminelle pour "complicité" des crimes terroristes commis par les frères Saïd et Chérif Kouachi et Amedy Coulibaly. Le second avait écopé de 20 années de réclusion pour association de malfaiteurs terroriste criminelle. Pour rappel, ils étaient jugés pour leur rôle dans la préparation des attentats contre Charlie Hebdo, l’Hyper Cacher et pour l’assassinat de la policière Clarissa Jean-Philippe à Montrouge en janvier 2015. 17 personnes ont été tuées dans ces trois attentats.

Pourquoi ce procès est-il marquant ? Dans un éditorial publié à la fin du premier procès, le directeur de la rédaction de Charlie Hebdo, Riss, confessait son soulagement de voir "le cycle de la violence, qui s’était ouvert il y a bientôt six ans [...] se refermer". Finalement, il ne l’est pas totalement. Les plaies de ce procès historique vont s’ouvrir à nouveau avec ce second procès, contrairement au dossier des attentats du 13-Novembre à Paris et Saint-Denis, puisque ni Salah Abdeslam, ni les autres condamnés n’ont fait appel.

Le procès en appel des attentats de janvier 2015 se déroulera du 12 septembre au 21 octobre 2022.

L’accident de car scolaire à Millas, au tribunal correctionnel de Marseille à partir du 19 septembre

Les faits : Le 14 décembre 2017, un autocar scolaire percutait un train régional sur un passage à niveau à Millas, près de Perpignan. Six collégiens ont trouvé la mort et 17 autres ont été blessés. Quatre années d’instruction ont établi que la cause du drame était imputable à une faute d’inattention de la conductrice. Nadine Oliviera, 52 ans, sera donc jugée le mois prochain pour homicides et blessures involontaires devant le tribunal correctionnel de Marseille où l’affaire à été instruite. Mais les familles pourront également suivre les débats en retransmission vidéo à Perpignan.

Pourquoi ce procès est-il marquant ? Ce sera le procès de la douleur et du combat des évidences. Douleur de ces 130 parties civiles, les familles des enfants décédés et blessés sur ce passage à niveau comme il en existe 15.000 autres en France, en rentrant du collège cet après-midi-là. La souffrance sera aussi présente sur le banc des prévenus où comparait seule la conductrice du car que son avocat décrit toujours anéantie par le drame. Dans le prétoire, le combat des évidences : Nadine Oliviera maintient depuis le début de l’enquête que la demi-barrière du passage à niveau était levée quand elle s’est engagée sur les voies, qu’elle n’aurait jamais franchi une barrière baissée. Mais à l’instruction, aucune expertise n’a mis en doute le fonctionnement normal du passage à niveau et seule l’inattention de la conductrice a convaincu les juges. Le tribunal aura trois semaines pour établir son évidence, et "faire en sorte que toutes les questions trouvent une réponse", promet d’avance la présidente.

Le procès de l’accident d’autocar de Millas est audiencé du 19 septembre au 7 octobre au tribunal correctionnel de Marseille.

Le procès du crash du Rio-Paris, au tribunal de Paris le 10 octobre

Les faits : C’est une audience historique qui s’ouvrira devant le tribunal correctionnel de Paris au mois d’octobre. 13 ans après le crash en pleine mer d’un Airbus A330 qui faisait la liaison entre Rio et Paris, la compagnie Air France et le constructeur Airbus vont comparaitre pour homicides involontaires. L’accident avait provoqué la mort de 216 passagers et 12 membres d’équipage, dont 73 français. Il s’agit de l’accident le plus meurtrier de l’histoire d’Air France. C’est au terme d’une enquête longue et difficile que les familles des victimes vont finalement bénéficier d’un procès.

Pourquoi ce procès est-il marquant ? D’abord, il a fallu deux années de recherches pour enfin localiser l’épave et les boites noires à 4.000 mètres de profondeur près de l’équateur et les remonter à la surface. Il a fallu ensuite déterminer si les pilotes avaient commis une faute et, dans l’affirmative, s’ils auraient pu éviter que l’appareil s’abîme. Tout est parti du givrage des sondes anémométriques : les indicateurs de vitesse s’emballent, les pilotes reçoivent 24 messages d’anomalie en quatre minutes, sans trouver la bonne réaction. Erreur humaine ou défaillance technique ? Les deux, répondra le Bureau d’Enquêtes et d’Analyses. Les juges, eux, ne retiendront que la faute de pilotage et prononceront un non-lieu. Mais la cour d’appel prolongera le raisonnement, estimant que si les pilotes n’ont pas réagi comme il fallait, cela est dû à deux facteurs : Air France n’avait pas assuré une formation adaptée à ses personnels et Airbus avait sous-estimé la gravité des défaillances de ses sondes, renvoyant les deux entreprises devant le tribunal. Il y aura neuf semaines d’audience et d’âpres batailles d’experts à la barre au terme desquelles les familles espèrent connaitre la vérité.

Le procès du crash du Rio-Paris est audiencé du 10 octobre au 8 décembre au tribunal correctionnel de Paris.

L’assassinat de Julie Douib, aux assises de la Corse-du-Sud, à partir du 30 septembre

Les faits : Le mois prochain s’ouvre à Ajaccio le procès en appel de l’assassinat de Julie Douib en mars 2019 à l’Île-Rousse, un des féminicides les plus emblématiques de la faillite des institutions dans le traitement des violences conjugales. Le compagnon de Julie Douib, Bruno Garcia, a été condamné à la peine maximale l’an dernier à Bastia, la réclusion criminelle à perpétuité assortie d’une période de sûreté de 22 ans. Depuis, il a fait appel et ce nouveau procès va raviver la douleur de la famille et des amis de Julie Douib, une nouvelle fois confrontés à la violence de cet assassinat.

Pourquoi ce procès est-il marquant ? Il y a dans ce dossier tous les éléments qui singularisent le féminicide. Une mère sous l’emprise d’un compagnon violent, qui la rabaisse, qui l’insulte, qui la frappe, même devant leurs enfants. Pendant des années, "elle était son otage" a témoigné la mère de Julie lors du premier procès de Bruno Garcia, au cours duquel il n’a exprimé aucun regret. Des experts psychiatres l’ont décrit atteint d’une paranoïa sévère qui risque de croître avec le temps car imperméable aux soins. Mais il y a aussi dans ce dossier la faillite des institutions. Pendant des mois, Julie et son père, à qui elle se confiait, ont déposé 11 plaintes et mains courantes sans susciter de réaction de la part des gendarmes ou du Parquet. Julie avait conservé une centaine de photos et d’enregistrements sonores des scènes de violences de son compagnon et de son corps blessé. Ces éléments seront de nouveau projetés devant la cour d’assises d’appel "parce qu’il faut reconnaître ses propres failles pour avancer sur le terrain", reconnaissait l’avocate générale du premier procès.

Le procès en appel de l’assassinat de Julie Douib est audiencé du 30 septembre au 7 octobre devant les assises de la Corse-du-Sud, à Ajaccio.

La signature d’un acte de mariage frauduleux aux assises de Paris les 22 et 23 septembre

Les faits : L’ancienne maire de Pontault-Combault (Seine-et-Marne) va comparaître fin septembre pour avoir signé un faux acte de mariage en octobre 2007. Juridiquement, il s’agit d’un "faux en écriture publique commis par une personne dépositaire de l’autorité publique", et dans le code pénal, c’est un crime. Monique Delessard, 75 ans, est donc convoquée devant la cour d’assises de Paris où elle risque jusqu’à 15 ans de réclusion.

Pourquoi ce procès est-il marquant ? Le 30 octobre 2007, l’ancien maire de Pontault-Combault, Jacques Heuclin, est hospitalisé, dans le coma. Il décède le lendemain. Dans l’urgence, sa compagne, avec qui il vivait depuis 25 ans, demande à Monique Delessard, alors première adjointe, de signer un acte de mariage, avec la complicité du directeur de cabinet et de son adjoint pour servir de témoin. Quelques semaines plus tard, les filles de Jacques Heuclin, issues d’un premier mariage, découvrent la procédure et portent plainte. Monique Delessard est jugée une première fois en correctionnelle en 2010, elle évoque une erreur de bonne foi, dit qu’elle avait signé ce document sans le lire comme le font tous les maires, qu’elle croyait que les filles de Jacques Heuclin étaient d’accord. Mais elle est condamnée par la cour d’appel de Paris à 15 mois de prison avec sursis. En toute logique, elle se pourvoit en cassation, et surprise, la cour de cassation va relever une erreur juridique : Monique Delessard n’aurait pas dû être renvoyée en correctionnelle, mais bel et bien aux assises. Elle se retrouve donc jugée une nouvelle fois, 15 ans après les faits, mais face à 6 jurés parisiens cette fois.

Le procès de Monique Delessard aux assises de Paris, ce sera les 22 et 23 septembre prochains.

Des policiers jugés aux assises pour usage non règlementaire de leur arme, à Reims le 4 octobre et le 12 décembre à Paris

Les faits :
À Reims, c’est un supporter de foot du SC Bastia qui a reçu un coup de matraque en 2016. Le 13 février 2016, Michel a fait le déplacement à Reims pour suivre son club, l’ambiance est tendue dans les tribunes du stade Delaune et ensuite dans la ville. Les policiers interviennent. Michel, qui affirme ne pas avoir participé aux violences, raconte avoir reçu un coup de matraque en plein visage alors qu’il s’éloignait d’un point de friction. Le policier de la BAC, lui, indique avoir frappé le supporter à l’épaule et qu’il s’est blessé au visage ensuite en tombant sur un poteau. Mais la justice, jusqu’à la cour de cassation, n’a pour l’instant pas retenu ce scénario.
À Paris, c’est un manifestant qui, cette même année, a été atteint par un tir de grenade de désencerclement. Un CRS devra expliquer pourquoi il a lancé une grenade de désencerclement "hors de tout cadre légal et règlementaire" d’après les juges, causant la perte d’un œil à Laurent qui manifestait contre la loi travail le 15 septembre 2016. L’enquête a établi que le CRS n’était pas en difficulté à ce moment-là, qu’il n’avait pas reçu d’ordre pour lancer cette grenade, dont il n’était pas habilité à se servir. C’est donc un jury populaire qui tranchera la question du bon usage de la force publique dans ces deux dossiers, à Reims et à Paris.

Pourquoi ces procès sont-ils marquants ? Dans les deux cas, les victimes ont chacune perdu un œil. Et dans ces deux dossiers, les enquêtes ont conclu que les policiers avaient fait un usage non règlementaire de leur arme. À Reims, deux expertises ont été menées par des ophtalmologistes, rapporte l’Union, et balayent la thèse avancée par le policier de la BAC. La peine maximale encourue est de quinze ans de réclusion criminelle. À Paris, les témoignages et vidéos sont accablantes pour le fonctionnaire. D’abord, le CRS ne semblait ni encerclé, ni assailli ce qui invalide l’hypothèse d’une légitime défense. Ensuite, il aurait agit de son propre chef, sans recevoir d’ordre, ce qui est contraire au règlement.

Les procès des deux policiers se dérouleront du 4 au 7 octobre devant les assises de la Marne et du 12 au 14 décembre aux assises de Paris.

Crédit photos : Article de Jean-Philippe Deniau pour radiofrance.fr 22/08/2022

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