Affaire du naufrage du Joola : La justice française boucle ses enquêtes

Les enquêtes sur le naufrage du Joola vont être bientôt bouclées. C’est la décision des deux juges d’instruction qui ont repris le dossier judiciaire, suite à l’affection de Jean-Wilfried Noël. Ils l’ont fait savoir hier, aux familles des victimes, lors d’une réunion en présence de leurs avocats. Cette clôture du dossier va entraîner la prise d’une ordonnance de non lieu ou de renvoi à un procès public devant les juridictions françaises.

Les familles des victimes du naufrage du Joola ont eu hier une réunion avec les deux juges d’instruction français, Philippe de Vaucout et Emmanuel Farat, en présence de leurs avocats. La principale information sortie de cette rencontre tenue au tribunal de Grande Instance d’Evry Courcouronne, c’est la volonté des deux juges de boucler les enquêtes. Selon Simon Ndiaye, un des avocats des familles des victimes, présent à la réunion, celle-ci, initiée par les deux juges d’instructions d’Evry, visait à ‘faire le point sur l’état d’avancement des investigations. Et ce que nous avons compris, c’est qu’il n’y a plus d’investigation à faire. Ils s’avancent donc vers ce qu’ils appellent ‘clôture des investigations’ qui voudrait dire que ce serait bientôt la fin des investigations’, explique Me Ndiaye à la sortie de la réunion. L’avocat ajoute que cette décision sera prise si aucune des parties ne fait objection dans un délai fixé ‘aux parties civiles, à la personne qui est mise en examen, notamment M. Diédhiou’. Le parquet fera aussi ses observations avant que les deux juges d’instruction ne prennent ‘une décision de renvoi devant un tribunal correctionnel, soit un non lieu’.

Quand cette décision serait-elle prise ? ‘Nous n’avons pas de date précise, mais elle est imminente. Ils ont dit qu’ils envisagent de la prendre très bientôt. Nous espérons que ce sera avant l’été’, fait savoir Me Ndiaye. Pour lui, cette décision va marquer ‘une grande étape sur le plan des investigations’ et montre de la part des juges d’instruction une volonté d’éviter l’enlisement de l’affaire pour que les parties soient fixées sur un éventuel procès ou pas. Mais, les parties civiles peuvent-elles espérer un procès contre les responsables du naufrage ? Là encore, les avocats des familles des victimes ne veulent pas s’aventurer en conjectures. Ils disent faire confiance aux deux juges quant à la décision qu’ils vont prendre. ‘Je ne peux pas faire de pronostic, car ça relève de l’appréciation du juge d’instruction. Nous sommes là pour voir si les éléments d’un éventuel non lieu sont fondés. Et nous avons la possibilité de saisir la chambre d’instruction pour faire appel de la décision d’une éventuelle ordonnance de non lieu’, explique Me Khaly Niang, un autre avocat des familles des victimes. Pour lui, ‘tous les éléments montrent qu’il y avait des négligences dans la gestion du bateau, ne serait-ce que le nombre de personnes embarquées et tous les manquements soulevés durant toute la procédure nous font dire qu’il y a vraiment des éléments importants dans ce dossier. Maintenant, il reste au juge d’estimer si ces éléments-là entrent dans le cadre d’une responsabilité ou non’.

En tout cas, Me Simon Ndiaye ‘espère vivement que ce dossier ne sera pas classé sans suite. Cela ne se justifierait pas tant au niveau des faits que du droit. Nous avons ici un drame considérable avec des responsabilités qui sont pour moi clairement établies. Pour moi, il est inenvisageable que l’affaire du Joola ne fasse pas l’objet d’un procès public pour que toutes les leçons soient tirées et que des sanctions soient prises si les juges du fond estiment qu’il y a sanctions à prendre’.

Qu’en pensent les familles des victimes qui ont assisté à la réunion étant donné que seul M. Diédhiou avait été arrêté par la police lors d’un transit par Paris et avait été entendu ? Sont-elles satisfaites d’entendre la clôture du dossier alors que la plupart des personnes présumées responsables du naufrage n’ont pas été entendues ? ‘Pas entièrement parce que les familles auraient souhaité que les personnes qui font l’objet de mandat d’arrêt soient entendues, mises à l’arrêt et qu’on sache la défense qu’elles voudraient opposer. Mais on s’aperçoit que c’est un grand silence du côté du Sénégal aussi bien de la part de l’Etat que de la part des personnes qui sont mises en cause’, dénonce Me Simon Ndiaye. Qui soutient que les parties civiles ne savent pas encore si elles feront appel d’une éventuelle décision de clôture du dossier. ‘Tout ça dépendra de ce que l’on va nous opposer du côté de la personne mise en cause, notamment de M. Diédhiou, mais aussi du côté du parquet. En fonction des observations qu’on aura du parquet, les parties civiles jugeront s’il est utile ou pas de répondre. Mais s’il n’y a pas d’observations particulières de ces parties-là, les parties civiles pourraient se satisfaire d’une ordonnance de renvoi’, explique-t-il.

Me Khaly Niang informe que les deux juges ont fait savoir que ‘c’est un dossier très difficile, mais il va falloir ne pas faire jouer les passions ou autre chose que le droit. On a confiance parce que ces juges ont affiché une volonté de compter sur le droit pour rendre une justice équitable. La décision qui sera rendue sera appréciée. Si les gens ne sont pas contents, ils pourront faire appel. En tout cas, on peut compter sur l’équité et l’indépendance des deux juges’.

L’Etat du Sénégal n’a pas été représenté à cette réunion. ‘De toute façon, tout ce qui a été dit, ne concernait que les victimes. Il s’agissait de leur faire l’état de la procédure, ce qui a été fait et ce qui est envisagé d’être fait qui est la clôture du dossier. La clôture du dossier signifie que les enquêtes sont terminées. Ensuite il appartiendra au juge d’instruction de rendre une ordonnance de non lieu ou bien de renvoyer le dossier devant le tribunal’, poursuit Me Niang.

ALAIN VERSHATSE (PRESIDENT DE L’ASSOCIATION DES FAMILLES DES VICTIMES) : ‘Nous sommes patients et déterminés’

‘Nous avons voulu comprendre ce qui s’est passé depuis la dernière réunion de 2008. On a fait aussi connaissance des deux juges d’instruction. Il n’y a pas eu grand chose depuis lors, sauf l’arrestation de M. Diédhiou. (…). Il a été entendu très longuement par le juge d’instruction. Je ne peux pas rentrer dans les détails du dossier. C’est quelqu’un qui n’a pas nié tout ce que les experts avaient relevé à l’époque. Grosso modo, il a dit que le bateau était, au moment des faits, géré par les militaires. Il se défausse ainsi sur ces militaires. (…).

‘On se dirige probablement vers la clôture du dossier au plan de l’instruction. Mais la clôture du dossier ne signifie pas évidemment la fin du dossier. (…). Il faut être patient. Nous sommes patients et déterminés. Nous avons voulu aussi connaître la personnalité des juges d’instruction, Philippe de Vaucout et Emmanuel Farat, qui ont pris la suite de Jean Wilfried Noël. Ce sont des juges qui sont différents, qui sont très droits dans leurs opinions, qui avancent en fonction de leurs convictions, en fonction de la législation, en fonction des éléments dont ils disposent. Les familles sont rassurées sur le déroulement à la procédure’.

MIS SOUS CONTROLE JUDICIAIRE EN FRANCE : Gomis Diédhiou est au Sénégal

Gomis Diédhiou qui faisait l’objet d’un contrôle judiciaire en France dans le cadre du naufrage du bateau Le Joola, et qui était interdit de sortie du territoire français, est rentré au Sénégal. L’information a été donnée par Me Khaly Niang, avocat des familles des victimes, en marge de la réunion tenue hier entre les familles des victimes et les deux juges d’instruction chargés du dossier judiciaire en France. Selon Me Niang, Gomis Diédhiou qui était en résidence surveillée, a quitté la France : ‘Mais c’est sur la base des documents qui lui avaient été présentés par son avocat que le juge d’instruction lui a donné l’autorisation de rentrer et de répondre à toute convocation. C’est une manière de garantir sa comparution devant le tribunal. Il est actuellement au Sénégal’.

Gomis Diédhiou avait été arrêté en début juin à l’aéroport Roissy Charles de Gaule de Paris, lors de son transit pour l’Allemagne où il devait aller en mission. Son passeport avait été confisqué après qu’il a été entendu par la police française. Selon Alain Vershatse, président de l’Association des familles des victimes du Joola, il aurait confirmé les résultats des enquêtes menées par les experts français qui avaient produit un rapport commandé à l’époque par le juge d’instruction Jean-Wilfried Noël. Gomis Dédhiou aurait également accusé les militaires qui géraient, selon lui, le bateau Le Joola.

A en croire Me Simon Ndiaye, il ne serait plus question de renflouer ce bateau qui gît depuis 2002 dans les eaux gambiennes. ‘Certaines familles le souhaitent encore, mais nous n’avons malheureusement pas les moyens d’imposer cette décision. Pour être honnête avec vous, je crois qu’on s’oriente vers une solution qui est de ne pas renflouer le bateau’, fait savoir l’avocat.

Moustapha BARRY dWal Fadjiri –L’Aurore (Sénégal) 9 juin 2011


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