West Caribbean : la Justice sera-t-elle attentive à la vérité révélée par les familles des victimes ?

Les 15 et 16 mai 2018, la Cour d’appel de Fort-de-France devait statuer sur l’appel interjeté par l’Association des Victimes de la Catastrophe Aérienne (AVCA) du vol charter 708 de la West Caribbean, contre le non-lieu qui avait été prononcé en 2015 après dix années d’instruction.

Pour rappel, le 16 aout 2005, un avion transportant des touristes martiniquais revenant du Panama s’est écrasé dans les montagnes du Venezuela, tuant ses 160 passagers dont 152 français et 8 membres d’équipage colombiens.

Pour ces deux jours d’audience, l’AVCA a mobilisé ses membres tant à l’extérieur du Palais qu’en son sein, dont la salle des pas perdus a été transformée en salle d’audience annexe avec retransmission des débats. De manière exceptionnelle, la présence des parties civiles a été admise dans la Chambre de l’Instruction, aux côtés de leurs avocats.
Néanmoins, cette dérogation aux habitudes n’est pas allée plus loin ; la presse et le public étaient interdits d’accès. Les parties civiles y auraient pourtant tenu, et c’est pourquoi leurs avocats ont insisté sur le fait que « lorsque l’on a rien à cacher, on ouvre les portes ».
Pourquoi débattre à huis clos une affaire intéressant toute la Martinique ?

Sur le fond du dossier, les avocats ont critiqué les uns après les autres cette instruction qui s’est polarisée sur les fautes en causalité directe avec l’accident et qui s’est désintéressée des fautes susceptibles d’avoir été commises par d’autres, en causalité indirecte mais pourtant certaine par rapport à l’accident. Dans ce contexte, plusieurs demandes d’actes avaient d’ailleurs été à l’époque refusées par le juge d’instruction en charge du dossier.

Depuis le début de la procédure, les parties civiles ont le sentiment que les juges d’instruction successifs sur ce dossier n’ont pas entrepris toutes les investigations nécessaires au regard des éléments qui leur ont été régulièrement communiqués par les parties civiles. Dans ce contexte, il est incompréhensible que l’ordonnance de non-lieu écarte d’emblée une éventuelle responsabilité pénale des organisateurs de ce voyage et notamment du broker (courtier) ayant affrété l’avion à West Carribean, de cette compagnie aérienne et de ses préposés comme de ses sous-traitants (escale et maintenance).

L’après-midi de la seconde journée d’audience a été consacrée au visionnage du documentaire réalisé par l’AVCA. Dans ce film, les dysfonctionnements dans la chaine des responsabilités sont démontrés, et des témoignages de sénateurs colombiens confirment qu’ils avaient mis en garde le gouvernement sur les risques d’une catastrophe si les choses n’étaient pas rectifiées. Cependant, il n’y a eu aucune évolution. Il semble que les magistrats composant la Chambre de l’instruction ont été particulièrement intéressés par ce documentaire mettant en parallèle les investigations menées par les journalistes d’investigations et le déroulement de l’instruction.

Enfin, à la grande déception des parties civiles, le Procureur général était absent à l’audience et représenté par l’avocat général, qui ne connaissait pas le dossier. Le magistrat s’est donc contenté de lire le réquisitoire du Procureur Général tout en précisant : « Je fais une lecture mécanique pour ne pas prendre le risque de me tromper ». Cette désinvolture de l’avocat général a été vécue par les parties civiles présentes comme une forme de mépris du Parquet, dès lors que leurs arguments étaient ignorés par l’avocat général lui-même.

Le Parquet ayant requis la confirmation de toutes les ordonnances, les avocats des parties civiles se sont retrouvés en position de défense, ce qui aurait pu justifier qu’ils prennent la parole en dernier. Toutefois, la Chambre de l’instruction a refusé la modification du déroulé des débats et les parties civiles ont quitté la salle pour exprimer leur indignation.

La Vérité et la Justice sont déterminantes pour la reconstruction des familles des victimes, et cette réponse n’a pu générer que frustration et colère : une souffrance s’ajoutant au drame vécu.

En mémoire de leurs proches disparus, les familles espèrent que la vérité traduite dans le documentaire sera prise en compte par la Chambre de l’Instruction au moment du délibéré.
La FENVAC salue d’ailleurs la détermination et le travail d’investigation de grande qualité fourni par l’AVCA depuis le début de la procédure.

La FENVAC attend aux côtés des familles de victimes que le délibéré, prévu le 26 octobre prochain, soit à la hauteur de ce que la justice leur doit.

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