Victimes d’attentat, ils racontent leur parcours d’indemnisation et leurs galères

C’est un modèle unique en Europe et même dans le monde. Depuis une loi de 1986, les victimes d’acte de terrorisme sont indemnisés par le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions (FGTI). Deux victimes, qui ont perdu des proches dans des attentats, nous racontent comment ils ont été indemnisés et quelles ont été ou sont encore leurs relations avec le Fonds de garantie.

C’est un modèle unique en Europe et même dans le monde. Depuis une loi de 1986, les victimes d’acte de terrorisme sont indemnisés par le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions (FGTI). Deux victimes, qui ont perdu des proches dans des attentats, nous racontent comment ils ont été indemnisés et quelles ont été ou sont encore leurs relations avec le Fonds de garantie.

Marie-Claude Desjeux, vice-présidente de la Fédération nationale des victimes d’attentats et d’accidents collectifs (Fenvac), a perdu son frère, Yann, dans la prise d’otages du site gazier d’In Amenas, en Algérie, le 16 janvier 2013. L’attentat avait fait 37 victimes au total.

"On a été très bien accompagnés par le ministère des Affaires étrangères. À l’époque, on ne savait même pas que le Fonds de garantie existait. Environ deux semaines après l’attentat, on a reçu une lettre du Fonds de garantie d’indemnisation des victimes des actes du terrorisme et autres infractions (FGTI) qui nous disait qu’on pouvait être indemnisé, mes frères, ma mère et moi. Elle précisait que les frais de sépulture seraient pris en charge. On a rapidement reçu un chèque d’acompte. On nous demandait aussi de garder des factures. On ne savait pas ce qu’était le préjudice d’affection, le préjudice moral. Notre avocat nous avait prévenus : c’est aux proches de prouver leur lien d’affection. Avec mon frère ! J’ai trouvé ça très choquant. Je me rappelle avoir passé des semaines à rassembler des photos de famille… Heureusement, notre cas était assez simple. Pour mes neveux, c’était plus difficile et plus long. Tout s’est passé par courrier, je dirais que la relation était froide, basique, administrative. Je n’ai jamais eu quiconque au téléphone […].

Après qu’on a accepté l’offre définitive, on a reçu un chèque. C’est arrivé un peu comme un cheveu sur la soupe. Il y a quand même une culpabilité de recevoir de l’argent en raison de la mort de quelqu’un. Je me souviens ne pas y avoir touché pendant un certain temps. Je l’ai laissé de côté. Je me disais que ce chèque, c’était le prix du sang de mon frère."
Thierry Vimal, 48 ans, a perdu sa fille aînée Amie dans l’attentat de Nice, le 14 juillet 2016. Travailleur indépendant, il raconte sa galère à être indemnisé par le FGTI.

"Le Fonds de garantie considère que je suis une victime par ricochet, même si je me suis rendu sur la Promenade des Anglais huit minutes après le passage du camion. Ma fille de 12 ans y était, j’étais aspiré là-bas. Mais c’est difficile de contester ce statut […].

Deux semaines après l’attentat, j’ai touché 25 000 €, puis assez rapidement une autre provision de 25 000€. C’est ce qu’on m’a donné pour la mort de ma fille. Bien sûr, c’est impossible à quantifier… la perte d’Amie n’est pas réparable, pas chiffrable. Je ne discute pas cette somme. Mais depuis, je n’ai plus rien touché et les indemnités ont fondu […].

Avant l’attentat, j’avais mon entreprise en communication. Mais je n’ai plus l’envie, la créativité, la rigueur nécessaire pour travailler. J’ai perdu mes clients, et trois ans, je n’ai quasiment rien facturé. Maintenant, je n’ai plus d’indemnités, plus de ressources. Ça fait un an que mon avocat a demandé une nouvelle provision au FGTI, elle n’a même pas eu de réponse. Je me suis endetté auprès d’amis, de mon ex-compagne. Je ne serai jamais à la rue mais je n’étais jamais arrivé là, je n’ai jamais manqué d’argent. Et là, je me retrouve avec ma deuxième fille à manger des patates… Je trouve que c’est hyper méprisant de la part du Fonds de garantie, comme si c’était un assureur. J’ai le sentiment qu’ils laissent passer le temps exprès, pour m’asphyxier toujours un peu plus pour que j’accepte l’offre définitive qu’ils m’ont faite. Mais pour moi, c’est hors de question : cette offre ne prend pas en compte le préjudice économique lié à mon travail ni tous les autres préjudices, comme le préjudice sexuel par exemple. Toute ma vie est par terre mais je préfère être clochard que d’accepter l’offre. Avec mon avocate, on a décidé d’assigner le Fonds de garantie."

Source : Le journal de Soane et Loire
Auteur : Coralie DREYER
Date : 20/08/2019

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