Un présumé recruteur de djihadistes en procès

La cour d’assises spéciale de Paris juge cette semaine Mourad Farès, soupçonné d’avoir incité de nombreux jeunes à rejoindre la Syrie. Parmi eux, un futur terroriste du 13-Novembre...
Le nom de Mourad Farès, jugé de ce lundi 20 janvier au vendredi 24 janvier par la cour d’assises spéciale de Paris, n’est pas forcément très connu du grand public. Le trentenaire apparaît pourtant dans plusieurs filières de recrutement de djihadistes pour la Syrie, ce qui lui a valu le surnom de « sergent recruteur du djihad ». Il comparaît aujourd’hui pour « participation à une association de malfaiteurs terroriste », « direction ou organisation d’une association de malfaiteurs terroriste » et « financement d’entreprise terroriste ». Il encourt vingt ans d’emprisonnement.

Mourad Farès est notamment accusé d’avoir recruté plusieurs jeunes originaires de Strasbourg, partis en Syrie en décembre 2013. La plupart de ces jeunes sont revenus en France en mars 2014, avant d’être interpellés en mai de la même année. Mais l’un d’eux est resté sur place et n’a refait parler de lui qu’en novembre 2015 : il s’agit de Foued Mohamed-Aggad, l’un des membres du commando du Bataclan lors des attentats du 13-Novembre...

Le mis en cause, originaire de Thonon-les-Bains (Haute-Savoie), serait aussi intervenu dans plusieurs autres dossiers : la filière emblématique de Lunel (Hérault), le bref séjour en Syrie de deux adolescents toulousains en janvier 2014, le départ en Syrie d’une lycéenne avignonnaise en février 2014... Dans une interview accordée à Vice en 2014, il n’hésitait d’ailleurs pas à s’en vanter. « Je suis l’un des principaux prêcheurs. Tous les djihadistes dont on parle dans les journaux sont passés par moi. »

« Individu dangereux » ou « petit poisson » ?
Dans cette interview surréaliste, Mourad Farès se livre par ailleurs sur l’élément déclencheur de sa propre radicalisation en évoquant la « mort subite » de son cousin de 32 ans en 2012. « Ça m’a rappelé qu’on n’est que de passage sur Terre et qu’on peut mourir à tout instant. À chaque fois, je me disais : bientôt j’arrête les bêtises, et je remplirai mes obligations religieuses pour gagner le Paradis, mais je repoussais sans cesse... La mort de mon cousin a été un déclic. »

Le jeune homme part en Syrie lors de l’été 2013. Sur place, il aurait d’abord rejoint l’État islamique en Irak et au Levant (EIIL), puis créé avec son mentor Omar Diaby un groupe de djihadistes affilié au Front al-Nosra, branche locale d’al-Qaida. Il est arrêté en Turquie en août 2014 puis remis à la France. Le ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, salue l’arrestation d’un « individu particulièrement dangereux ». Ce que conteste le frère du principal intéressé, qui déclare à France Info que Mourad Farès « est un petit poisson » et qu’il « s’est rendu car il en avait marre des combats en Syrie ».

Aujourd’hui, Mourad Farès semble en tout cas adopter une posture de « repenti ». Il comparaîtra aux côtés d’un certain Ala Eddine Benali, soupçonné d’avoir tenté de rejoindre la Syrie, mais sans y parvenir. Deux autres hommes, Bilel Ben Mimoun et Hachmi Hattabi, sont également poursuivis dans le même dossier, mais sont à l’heure actuelle toujours recherchés. Ils seront donc jugés en leur absence, comme de plus en plus de djihadistes présumés - ce qui rend la présence de Mourad Farès particulièrement précieuse.

Publié par Aude Bariéty pour Le Figaro, le 20 janvier 2020.

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