Vol AF447, pourquoi Airbus se défausse

Les boîtes noires de l’airbus Rio-Paris vont donc parler. Mais cette quasi-certitude de connaître bientôt les causes de la catastrophe, après le travail d’assèchement et d’extraction des cartes mémoire auquel s’est livré, depuis qu’elle a récupéré les enregistreurs de vol, l’équipe du Bureau d’enquêtes et d’analyses, n’autorise pas pour autant à anticiper l’analyse des données comme vient de le faire Airbus avec une légèreté étonnante.

Manifestement, l’avionneur est pressé de prendre date pour s’exonérer de toute faute dans l’accident de l’A330 qui, le 1er juin 2009, a entraîné la mort de 228 passagers et membres d’équipage. Aussi le constructeur, dont un millier d’appareils du même type volent aujourd’hui sous le pavillon de nombreuses compagnies, a-t-il adressé, lundi 16, un message dit "accident-information-telex" à ses clients.

Le Figaro blanchit Airbus

Le but de cette circulaire est de leur faire savoir que "les analyses préliminaires" de l’enregistreur des paramètres de vol (DFDR) permettaient de conclure "qu’il n’y avait pas de recommandation immédiate" à faire aux utilisateurs de l’A330.

Comprenez : puisque aucune mesure nouvelle n’est à prendre pour assurer la sécurité des vols des A330, ce n’est pas Airbus qui peut être tenu pour responsable de l’accident du Rio-Paris. Et si ce n’est pas le constructeur, c’est donc l’équipage. Ou accessoirement, comme le rapporte Le Figaro, en embrayant sur les informations de l’avionneur, les procédures imposées par Air France à ses équipages. En omettant le fait que ces "check lists" sont pour l’essentiel imposées par le constructeur de l’avion, donc par Airbus.

Le BEA furieux

Quinze jours à peine après la récupération des boîtes noires au fond de l’Atlantique Sud, les grandes manoeuvres ont donc commencé entre les deux protagonistes qui peuvent être tenus pour responsables de la catastrophe : Airbus et Air France et ses équipages. Avec comme arbitre de cette bataille, à peine feutrée pour se repasser la patate chaude : le BEA. Très agacé de voir qu’Airbus, dans ses accusations, ne tient pas compte du fait que le seul DFDR, l’enregistreur de paramètres, détient 1 300 données qu’il faut non seulement décrypter, mais analyser - ce qui prendra des semaines -, le BEA a publié un communiqué : "Sacrifier au sensationnalisme en publiant des informations non validées alors que l’exploitation des données des enregistreurs de vol ne fait que commencer est une atteinte au respect des passagers et des membres d’équipage décédés." Et il précise : "Toute information sur l’enquête provenant d’une autre source est non avenue si elle n’a pas été validée par le BEA. Il s’agit d’un travail long et minutieux. À ce stade de l’enquête, aucune conclusion ne peut être tirée."

Le Bureau d’enquêtes et d’analyses a quelques raisons de manifester cette prudence quant à l’exonération de l’avion et de ses équipements de toute responsabilité. Dans un rapport récent sur la fiablilité des fameuses sondes Pitot dont la défaillance avérée pourrait être une des causes de la catastrophe du Rio-Paris, le BEA, après avoir répertorié plus d’une trentaine d’incidents de vol, signifiait que ces sondes "ne paraissent pas adaptées aux vols à haute altitude", en raison d’un risque d’obturation par des cristaux de glace. Fort heureusement, toutes les compagnies ont depuis l’accident remplacé les anciennes sondes Pitot. Ce qu’Airbus avait jugé inapproprié avant le crash.

Le Point.fr - Publié le 17 mai 2011


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