Françoise RUDETZKI décorée des insignes de commandeur de la Légion d’honneur par M. Alain JUPPE

Mardi 15 novembre, Monsieur Alain JUPPE, Ministre d’Etat, Ministre des Affaires étrangères et européennes a remis à Mme Françoise RUDETZKI les insignes de Commandeur dans l’ordre national de la Légion d’honneur.

De nombreuses victimes d’attentats, des plus anciens aux plus récents, étaient présentes ainsi que de nombreuses personnalités telles notamment M. Jean -Louis DEBRE, Président du Conseil constitutionnel, M. Dominique BAUDIS, Défenseur des droits, Xavier EMMANUELLI, fondateur du SAMU Social.

L’ensemble des interlocuteurs institutionnels de Mme RUDETZKI, déléguée au terrorisme au sein de la FENVAC étaient présents parmi lesquels Mme Martine MONTEIL, préfet de la zone de défense, M. Serge MOSTURA, directeur du Centre de crise, Mme Elisabeth MOIRON-BRAUD, Chef du bureau de l’aide aux victimes au ministère de la Justice, Mme Maryvonne CAILLIBOTTE, directrice des affaires criminelles et des grâces, M. le Préfet Rémi ENFRUN, directeur de l’ONAC, M. François WERNER, directeur du FGTI, Dr CREMINTER, responsable de la CUMP, M. Christophe REGNARD, Président de l’Union syndicale des magistrats, Mme Sabrina BELLUCCI, directrice de l’INAVEM. Etaient également présents M. François MOLINS, directeur de cabinet du Garde des Sceaux, M. Jean Pierre PICCA, conseiller du Président de la République, M. Jérôme DEHARVENG, conseiller du Premier Ministre et M. Laurent MARCADIER, conseiller du Ministre de l’Intérieur.


ALLOCUTION DE M. ALAIN JUPPE

Mesdames, Messieurs,
Chère Françoise RUDETZKI,

Lorsque nous nous sommes rencontrés pour la première fois, vous veniez de fonder « SOS Attentats ». C’était en 1986, trois ans après la tragique explosion qui vous avait marquée au plus profond de votre chair et de votre âme, trois ans après le drame qui avait changé à jamais le cours de votre vie.

Lorsque nous nous sommes revus, une dizaine d’année plus tard, votre engagement avait trouvé un écho considérable. Pour tous les Français, vous incarniez désormais l’ensemble des victimes du terrorisme. Vous étiez leur voix et leur visage, leur soutien et leur espoir.

Et puis, il a eu Triple peine. Avec ce témoignage bouleversant, nous avons découvert d’autres souffrances, d’autres combats.

Aujourd’hui, nous sommes réunis avec vos amis et vos proches pour vous dire notre respect et notre gratitude.

A travers votre engagement, vous nous donnez en effet une triple leçon : une leçon de vie, de solidarité et de confiance.

Leçon de vie, d’abord. Vous qui n’avez jamais baissé les bras, vous nous avez appris que les victimes ont leur voix à faire entendre, leur bataille à mener. Vous qui avez toujours regardé vers l’avenir, vous nous avez appris que la quête de la vérité est la meilleure voie vers la guérison, le chemin le plus sûr pour sortir du statut de victime. Vous qui êtes restée debout, vous nous avez montré ce qu’est la détermination ; vous nous avez montré ce qu’est la dignité ; vous nous avez montré ce qu’est le courage.

Leçon de solidarité, ensuite. Depuis la vague d’attentats des années 1980 et 1990, vous êtes aux côtés des victimes, pour que jamais plus l’une d’entre elles ne soit laissée seule - seule avec sa souffrance et ses difficultés, seule face au silence, à l’incompréhension et à l’indifférence.

Vous êtes d’abord à leurs côtés pour les accompagner et faire en sorte que leurs droits soient mieux reconnus.
-  Pendant plus de vingt ans, vous vous êtes mobilisée à la tête de « SOS attentats ». C’est grâce aux travaux scientifiques lancés à votre initiative que la gravité du symptôme post-traumatique a été mise en lumière et que les cellules de soutien psychologique, aujourd’hui déployées de façon systématique, ont été mises en place. Vous êtes également à l’origine de la création du Fonds de garantie des victimes d’actes de terrorisme, qui a été élargi en 1990 à l’ensemble des victimes d’infractions pénales.
-  Aujourd’hui, vous avez choisi de conjuguer vos efforts avec ceux de la Fédération nationale des victimes d’attentats et d’accidents collectifs (FENVAC), dont vous êtes déléguée au terrorisme. C’est un nouveau cadre d’action, mais c’est toujours le même combat, toujours le même engagement à rechercher, en lien avec les pouvoirs publics et les grandes entreprises, les meilleures solutions pour prévenir, protéger, soutenir.

Vous êtes également aux côtés des victimes pour nourrir la flamme de la mémoire. Je pense bien sûr au mémorial « Parole portée, à la mémoire des victimes du terrorisme », érigé en 1998 à votre initiative à l’Hôtel national des Invalides et inauguré par le Président de la République. A travers ce monument, la France affirme son devoir de mémoire ; pour que les victimes de cette nouvelle forme de guerre qu’est le terrorisme ne soient pas les oubliées de l’histoire ; pour que nous ne baissions jamais la garde face à ce fléau. Elle affirme aussi sa solidarité, celle de la Nation tout entière, car c’est bien la Nation tout entière qui est visée à travers ces actes odieux.

Enfin, vous êtes aux côtés des victimes pour porter leur voix dans les actions judiciaires, comme vous le faites aujourd’hui dans le cadre du procès CARLOS.

A travers cet engagement, c’est une leçon de confiance et d’espoir que vous nous donnez.

Votre conviction, c’est que le droit est la meilleure arme contre le terrorisme. C’est que l’humanité, la démocratie et la justice sont plus fortes que le fanatisme, la lâcheté et la barbarie. C’est aussi que dans un monde qui change de plus en plus vite et où les défis auxquels nous sommes confrontés sont à l’échelle de la planète, la communauté internationale doit unir ses efforts pour lutter contre la menace.

Je sais que vous appelez de vos vœux davantage de fluidité et d’intégration judiciaire en Europe, notamment pour faciliter les extraditions. Cette position est aussi la mienne. Nous devons partager nos renseignements, faire collaborer nos services. C’est la vocation d’Eurojust, l’agence européenne chargée de renforcer la coopération judiciaire entre les Etats membres. C’est aussi le sens du mandat d’arrêt européen, qui permet des procédures d’extradition simplifiées entre les Etats membres de l’Union européenne.

Beaucoup reste à faire, mais la France ne ménage pas ses efforts, pour faire progresser l’Europe de la justice comme pour améliorer la coopération judiciaire internationale contre le terrorisme. Je pense aux accords portant sur les échanges de données relatives aux passagers aériens, aux accords destinés à lutter contre le financement du terrorisme, et plus généralement, à notre action de lutte contre la criminalité organisée, dont on sait les liens avec le financement des groupes terroristes.

Mesdames, Messieurs,

Je ne saurais conclure cet hommage sans y associer vos proches, qui ont été vos soutiens les plus précieux tout au long de ces années de combat. Pour eux comme pour l’ensemble des victimes, vous avez toujours refusé de renoncer. En eux, vous avez toujours su pouvoir puiser la force de continuer à avancer.

De cette détermination, de cette générosité, de cette lumière sereine et confiante que vous portez au monde dans votre lutte contre le terrorisme, nous voulons vous remercier ce soir.


ALLOCUTION DE MME FRANCOISE RUDETZKI

Monsieur le Ministre d’État,

Messieurs les Ministres,

Monsieur le Président du Conseil Constitutionnel,

Chers amis,

Je me réjouis particulièrement, Monsieur le Ministre d’État, que vous ayez accepté de me remettre cette distinction, car, tout au long de mon combat en faveur des victimes d’attentat – initié il y a 26 ans –, nos itinéraires se sont maintes fois croisés.

Au début de l’année 1986, l’association SOS Attentats, que j’ai fondée et que je présidais, cherchait à obtenir le vote d’une loi d’indemnisation en faveur des victimes d’attentat.

Sollicitant le soutien de l’opinion publique par le biais d’un envoi de cartes postales, 500 000 courriers furent déposés, en avril, dans la cour du Ministère du Budget.

Vous étiez alors le titulaire de cette charge et c’est donc à cette occasion que vous m’avez reçue dans votre bureau.

Dès lors, le processus de la loi créant le Fonds de garantie était lancé, cinq lois suivront.

Puis, dans un contexte infiniment plus dramatique, je vous ai retrouvé en 1995. Lors de la vague d’attentats qui ensanglanta Paris de juillet à octobre, vous étiez à cette époque Premier Ministre.

Me trouvant le 17 août, avec ma fille, près de la place de l’Étoile, lorsqu’éclata une bombe, je me rendis sur place et découvris, au milieu des sauveteurs évacuant les blessés et des enquêteurs, la désolation laissée par les terroristes.

C’est alors que votre voiture vous déposa sur les lieux. Vous aviez tenu à constater immédiatement, par vous-même, l’ampleur des dégâts et manifester votre solidarité.

Pris par l’horreur de la scène, nous n’avions en cette circonstance, échangé que quelques mots, l’éloquence du désastre se suffisant à elle-même.

Quelques jours auparavant, à la suite de l’attentat commis dans la station de métro Saint-Michel, vous m’aviez reçue à Matignon afin de faire le point sur les besoins des victimes.

Restée en contact avec vos services, je suis retournée rue de Varenne, mais, cette fois, pour recevoir de vos mains l’insigne de Chevalier de la Légion d’Honneur. C’était il y a 16 ans.

Aujourd’hui, vous m’honorez, une fois encore, sous les lambris du Quai d’Orsay, ministère aux destinées duquel vous présidez.

Ceci ne signifie pas, pour autant, que la boucle soit bouclée, car les combats en faveur des victimes sont loin d’être achevés.

Mais, il s’agit d’une étape symbolique et j’espère qu’à l’avenir, nos chemins se croiseront à nouveau dans l’intérêt de ceux dont je suis fière d’être le porte-parole.

Fière d’être entourée par celles et ceux qui représentent près de 3 000 victimes civiles dont j’ai eu à connaître le destin :
- victimes d’attentats ou de prises d’otages en France, quelle que soit leur nationalité depuis le premier attentat contre le Drugstore Publicis Saint-Germain, le 15 septembre 1974
- victimes françaises à l’étranger
- victimes des quatre attentats commis entre 1982 et 1983 et pour lesquels Carlos et trois autres inculpés sont actuellement jugés par la Cour d’assises de Paris
- victimes des attentats de 1985, 1986, de l’attentat contre le DC 10 en 1989, des attentats de 1994, 1995, 1996, puis des attentats de 2001, de l’attentat du Caire en février 2009 et de celles de Marrakech en 2011.

Je n’oublie pas non plus les otages encore détenus et le décès de Marie Dedieu lors de sa détention en Somalie.

Fière également de ceux qui incarnent la continuité de mes combats, au service des victimes de grandes catastrophes et du terrorisme, la FENVAC, SOS Catastrophes & Terrorisme, avec le soutien du Président de la République, du Premier Ministre, des Ministres de la Justice, de l’Intérieur, de vos services qui gèrent, au Centre de crise, la prise en charge des Français de l’étranger ou des étrangers en France, du Défenseur des Droits, de la Préfecture de Police, de la Ville de Paris, des élus, des représentants du Fonds de Garantie, de l’ONAC, de l’INAVEM, des membres de l’Ambassade des États-Unis et de dirigeants de Sociétés.

J’ai tenu aussi, à ce que soient réunis tous ceux qui ont jalonné les différentes étapes de mes combats, les urgentistes, les médecins, les psychologues, M. le Président du Conseil Constitutionnel qui était juge d’instruction en 1982, puis Ministre de l’Intérieur en 1995 et les magistrats de l’anti-terrorisme, avec une pensée particulière pour M. Gilles Boulouque.

Je tiens également à saluer les Directions des administrations, les services de Justice, de Police et les avocats au civil et au pénal, fière du travail de Me Francis SZPINER et de Me Georges Holleaux.

Je souhaite qu’ensemble, face aux défis que représente la gestion de grandes catastrophes et d’attentats nous puissions travailler collectivement à l’amélioration de la prise en charge des victimes, à leur reconstruction et à leur réinsertion, grâce à la solidarité nationale qu’incarne le Fonds de garantie.

Pour le futur, le risque zéro n’existe pas. Simplement, soyons prêts, anticipons, luttons pour la sécurité, contre le terrorisme, avec les moyens d’une grande démocratie.

La reconnaissance régulière et constante de la République pour mon action témoigne, malheureusement, de la permanence des difficultés que vivent les victimes de la violence.

Ma nouvelle implication, en tant que Déléguée au terrorisme, au sein de la FENVAC permettra, je l’espère, de pérenniser les acquis et de faire évoluer le droit.

Gardons espoir en l’Europe qui doit abolir ses frontières judiciaires, qui protègent tant de criminels. Développons la coopération judiciaire internationale, rendons les extraditions automatiques au sein des 27 États européens. Facilitons les commissions rogatoires internationales, l’application des mandats d’arrêt internationaux afin que les auteurs d’infractions n’échappent aux immunités et ne restent pas impunis.

À défaut de compétence universelle, oeuvrons pour que la Cour pénale internationale soit compétente pour juger les terroristes ou que des tribunaux ad hoc soient créés par l’ONU. Les auteurs de crimes doivent être poursuivis, jugés et condamnés au nom des peuples, pour les victimes, pour l’histoire, dans le plein respect des droits de l’Homme.

Tel est le message que j’aimerais faire passer, ce soir, grâce à vous, M. Alain Juppé.


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