Le spectre du crash de Madrid, à Lourdes…

« Miraculeux », résume un témoin lourdais. Mais personne n’a envie de rire ni même de sourire à ce mot. Car le 16 septembre, les 159 pèlerins et le bébé qui étaient à bord d’un MD82 aux couleurs d’Airbee ont eu le sentiment de passer à deux doigts du crash. Des pèlerins qui repartaient vers Naples « et qui, vu les vibrations et l’explosion qu’ils ont entendue dans un moteur, se sont tous levés et ont exigé d’être débarqués, ce qui les a sans doute sauvés », estime notre interlocuteur.
Le même avion…

Même avion qu’à Madrid (1), un MacDonnell Douglas, et chronique là aussi d’une catastrophe quasi annoncée pour ce MD 82 immatriculé I-ADWW ? Comparaison n’est pas raison : « Il faut refuser l’amalgame entre les deux situations et éviter la psychose. La réaction de l’équipage a été sérieuse et la sécurité des passagers n’a, à aucun moment, été mise en cause », souligne-t-on posément du côté du Bureau enquête accident. N’empêche… L’histoire fait froid dans le dos, comme on recueille les témoignages des témoins de l’affaire.

« Ce qui est sûr, c’est que dès l’arrivée de cet avion, il était évident que les gens avaient eu peur, qu’il s’était passé quelque chose et puis, lorsqu’ils sont repartis, l’avion est donc allé s’aligner en bout de piste et au moment de la mise en puissance des réacteurs, freins bloqués, il y a eu un grand boum. Le pilote a insisté et refait un essai, c’est là que les passagers ont commencé à paniquer, que le ton est monté et que le pilote est revenu au parking pour les débarquer », relate l’un d’eux, professionnel du tourisme.

Ce qui se passe alors ? Eh bien malgré tout, le pilote, visiblement persuadé qu’il s’agit d’un problème de freinage et non pas de moteur, veut en avoir le cœur net. Il repart à vide faire de nouveaux essais en bout de piste… « Et là, il y a eu deux pompages sévères sur le réacteur gauche avec deux explosions », confirme-t-on à l’Aviation civile.

Un pompage ? C’est un manque d’air dans la chambre de combustion qui peut provoquer l’extinction du réacteur mais aussi des dommages irréparables au moteur… Seulement voilà, le pilote avait-il les bonnes informations concernant l’état de son moteur ?

« C’est l’une des questions essentielles, dans cette affaire, puisque visiblement, il n’y a pas eu d’alarme », explique une autre personne au contact du dossier, qui a vu le MD 82 de près et décrit un appareil « dans un état lamentable » et dont « on a retrouvé un morceau de tôle en bout de piste ». Lamentable ? L’Aviation civile et le Bureau enquête accident, notifiés du problème par le commandant de bord, font ouvrir le capot du réacteur et ne peuvent que constater l’étendue des dégâts : « Tout le revêtement du moteur était tombé dans le réacteur.Il était mort.

Quant au réacteur droit, il pissait l’huile », poursuit la même personne.Que se serait-il passé si les passagers ne s’étaient pas « révoltés », si le commandant de bord n’avait pas assumé ses responsabilités en refusant finalement de décoller ? La question que beaucoup se posent aujourd’hui. « Un crash potentiellement équivalent à celui de Madrid », estime un technicien. Hypothèse que refuse le BEA, strictement factuel, qui retient surtout que « l’équipage a été sérieux, qu’il nous a notifié immédiatement le problème et qu’il a protégé la sécurité des passagers suite à cette panne moteur ».
Liste noire

Laquelle n’en pose pas moins à nouveau la question de la liste noire des compagnies aériennes. Airbee a ainsi été créée au printemps, puis a été arrêtée pour trois semaines à dater du 11 septembre… ce qui n’a pas empêché l’un de ses avions de voler sous le numéro de vol d’une autre compagnie le 16 septembre à Lourdes…

Opacité ? « On n’a même pas le temps de faire de liste noire car ces compagnies-là, on n’a même pas le temps de les connaître », constate un voyagiste en colère. Tandis qu’Airbee reste injoignable au téléphone, si l’on compose le numéro affiché sur son site, mais que les forums italiens de passagers mécontents méritent le détour sur Internet. Quant à l’avenir du MD82 bloqué à TLP ? Il est peut-être juste de l’autre côté de la piste. Chez Tarmac, pour être enfin démantelé.

(1) Le 20 août dernier, le crash d’un MD82 de Spanair a fait 153 morts et 19 blessés à Madrid.

La Dépêche du Midi, Pierre Challier, 27/09/2008


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