CONCORDE - Les plaidoiries des avocats de la FENVAC

Afin d’être à même d’étudier le volumineux dossier d’instruction et d’être représentée aux 56 journées d’audience, la FENVAC avait mandaté deux avocat, à savoir Me Sébastien BUSY et Me Claude LIENHARD. Ci après, nous mettons en ligne leur plaidoirie respective faite le 18 mai 2010 devant le tribunal correctionnel de Pontoise.

Pour rappel, vous pouvez retrouver l’ensemble des débats du procès sur le blog mis en place par la Fédération : et qui restitue les propos tenus durant ces 4 mois : procesconcorde.fenvac.org


Me LIENHARD

Madame la Présidente,
Mesdames,

Je me présente avec mon Confrère Sébastien BUSY qui prendra la parole dans quelques instants après moi pour la défense des intérêts de la Fédération Nationale des Victimes d’accidents collectifs, la FENVAC, dont vous avez entendu le secrétaire général Stéphane GICQUEL.

Nous voilà donc arrivés, presque à terme d’un nouveau procès de catastrophe aérienne.

Un crash aérien bouleverse tous ceux qui directement ou indirectement y sont confrontés.

Cette observation vaut bien entendu tout d’abord pour les familles des victimes ou les victimes impliquées, mais elle vaut aussi pour les prévenus, voire les civilement responsables et même pour l’institution judiciaire.

Il y a toujours un avant et un après.

Lorsque des vies sont brisées, détruites individuellement ou collectivement, il faut que justice soit rendue.

L’établissement de la vérité judiciaire est un impératif incontournable.

C’est un impératif pour les proches des victimes, c’est une nécessité pour la société toute entière.

Les proches des victimes, parents, enfants, frères et sœurs, ont perdu une part d’eux-même.

Ceux qui ont vu ,entendu et qui ont été confrontés à la catastrophe comme personnes impliquées ont vécu l’effroi et on subi une effraction traumatique psychique lourde.

Votre Tribunal a perçu cette béance irréversible et irréparable au-delà de la douleur, lorsque vous avez entendu les paroles des victimes , leurs difficultés à vivre, à survivre, leur culpabilité même………

Le procès pénal est un moment essentiel de vérité et participe à la réparation même s’il n’a pas en tant que tel de vocation thérapeutique.

Alors disons le clairement, ceux qui représentent l’intérêt collectif des victimes, en l’occurrence la FENVAC, sont satisfaits que ce procès ait eu lieu.
Nous sommes quelques uns dans cette enceinte judiciaire par nos parcours nos choix professionnels, nos spécialisations à avoir connu d’autres procès d’accidents collectifs, notamment aériens ou encore à être engagés dans des instructions en cours, qui déboucheront peut être sur une phase de jugement.

Cela nous permet par notre expérience, d’avoir à la fois du recul et une expertise que nous nous pouvons apporter à votre Tribunal à ce stade, pour l’éclairer dans la décision que vous aurez à prendre, à la fois sur des culpabilités et sur certains enjeux de réparation qui n’ont rien de résiduel.

Tout d’abord, la FENVAC tient à souligner la qualité de la réponse judiciaire apportée dans cette phase de jugement qui s’est déroulée devant le Tribunal de Grande Instance de PONTOISE.

La justice n’a pas à être luxueuse, ou confortable,

mais qu’il nous soit permis de dire que nous avons apprécié la qualité de l’organisation et la façon dont les débats ont été organisés , menés, rythmés, toujours soucieux d’un véritable contradictoire, le tout dans l’intérêt de l’œuvre de justice.

Cela est conforme à ce que nous devions tous à la mémoire des 113 victimes directes et de toutes les autres.

Ce procès se devait d’avoir lieu, et nous sommes bien au bon endroit dans l’enceinte pénale, et nous sommes bien avec les bons outils que sont les incriminations du droit pénal voulu de façon constante et réitérés par le législateur

On ne change pas la loi dans les prétoires, le juge avec sa science et son savoir faire l’applique

C’est cela que veut le droit pénal positif français, dès lors qu’il y a eu des homicides et des blessures involontaires, et qu’il a été porté atteinte à ce qu’il y a de plus précieux, c’est à dire à l’intégrité physique des personnes décédées et à l’intégrité physique et psychique des victimes au sol.

Nous avons encore dans nos oreilles et dans nos regards les quelques témoignages, trop rares, qui ont pu s’exprimer à l’audience.

S’il fallait faire la démonstration de ce qu’est le stress traumatique et psychique, cela a été fait dans cette enceinte vendredi dernier.

Et si nous avions pu entendre les récits des familles des passagers vous auriez pu encore mieux apprécier l’ampleur du choc

Pourquoi fallait-il un procès pénal ?

La répression pénale des violences involontaire en cas d’accident collectif et surtout d’accident aérien, car c’est cela dont il s’agit aujourd’hui et maintenant devant votre Tribunal, est fondamentale au titre d’un ordre public technologique de protection.
L’objectif de cet ordre public technologique de protection dont nous aurons de plus en plus besoin est clair.

Il s’agit d’imposer sans failles, sans concessions aux grands acteurs du risque que sont les constructeurs aériens et leur personnel, les organes de contrôle et leur personnel, à tout ceux qui concourent à la conception, à la construction, à la certification,

D’imposer le respect de la sécurité comme une injonction absolue non négociable ni en terme d’organisation, ni en terme économique.

Les catastrophes aériennes, et il n’y a pas de grande et de petite catastrophe aérienne, sont malheureusement très spécifiques.

L’accident aérien, c’est la mort collective brutale, qui surgit dans le banal d’un vol ordinaire.

En matière aérienne plus qu’ailleurs, l’imprudence la plus bénigne ne pardonne pas, elle est fatale.

C’est la confiance trahie.

Pourquoi acceptons nous de monter dans un avion pour des raisons professionnels ou touristiques. ?

Pourquoi acceptons nous de prendre place dans un aéronef ?

C’est parce que nous avons nécessairement confiance dans la sécurité.

Il est donc pertinent, socialement juste que ce soit le droit pénal qui garantisse la sécurité par rapport aux atteintes aux valeurs que la société tient pour essentielles.

Ce qui est le cas non seulement de la vie des passagers mais bien évidemment aussi de la vie de leur proche que voient leur vie dévasté parce que l’être qui leur était cher n’est plus présent dans les plus petits et les plus grands instants de la vie quotidienne, ou encore ceux au sol qui en sont les victimes également directes.

Si votre Tribunal correctionnel est saisi, au terme d’une ordonnance de renvoi charpentée, structurée et non discutable, c’est parce qu’il y a eu une atteinte gravissime à la vie et à la sécurité.

Il ne peut pas y avoir d’immunité qui serait justifiée par la complexité.

Ce serait « la chose » du monde aéronautique

Il ne doit pas y avoir de sanctuarisation du risque technologique.

Ceux qui en sont comptable ne peuvent demander à être érigé en une caste d’intouchables

Et tout se réglerait en initiés confidentiellement ou au pire au Tribunal de commerce ou en arbitrage

Le territoire du risque ne peut pas être un territoire hors la loi pénale, hors du regard du juge

Nous croyons fondamentalement que le Juge républicain est là pour rendre à chacun ce qui lui appartient.

Il est certains et acquis qu’on peut juger des comportements à risque dans leur dimension pénale,

On sait juger de tels comportements,

On sait jauger les responsabilités et les réparations.

L’exercice est possible parce qu’il a déjà eu lieu devant d’autres juridictions et parce qu’il est en train d’avoir lieu devant votre juridiction.

Le rôle du droit pénal, c’est de mettre dans un cadre défini par le législateur qui est notre droit positif des comportements ;des normes et des conséquences à partir des poursuites menées par l’accusation.

Mais le droit pénal n’est pas binaire, il est par nature subtil, incisif.

Votre Tribunal correctionnel aura une équation à résoudre, dont les paramètres peuvent être rappelé :

-  Un cadre juridique précis, qui est celui de la loi du 10 juillet 2000, dite loi FAUCHON, dont nous savons aujourd’hui après plus de dix ans d’application qu’elle permet d’aller finement sans concession à la juste répression.

-  Des éléments expertaux qui ont été longuement débattus, contradictoirement dans cette enceinte et qui vous permettent de comprendre comment le malheur est arrivé.

-  Un cadre normatif lié à l’imprudence pénale.

Chaque fois que l’on fait une concession à la prudence et à la précaution, on prend un risque qui ne pardonne pas.

La sécurité aérienne doit être pensée et imposée et dans ses 3 dimensions humaine, technique et économique.

Il faut connaître, identifier, savoir, percevoir, comprendre tout ce qui peut de quelque manière que ce soit mettre en danger la sécurité dès lors que l’on a charge d’âme et que l’on en fait commerce.

Les personnes physiques et la personne morale que vous jugez sont intrinsèquement des professionnels.

Vous aurez donc à apprécier des responsabilités pénales professionnelles.

Les maîtres mots qui doivent se décliner par des actions positives sont :

diligence, veille, attention, respect des normes administratives, absence d’immobilisme, aucune tolérance pour l’approximation, la curiosité active

L’arbre des causes, même si l’on tentera de jeter la confusion, le doute, est d’une rare évidence.

Il vous le sera rappelé pour chacun des prévenus par Me BUSY.

Ceux qui sont en position de décider, d’agir, de savoir doivent toujours privilégier la sécurité.

OUI
Il y a bien eu violation d’obligation particulière de sécurité.
OUI
Il y a bien exposition à un risque réel.
OUI
Nous sommes biens en présence d’une faute caractérisée,

Il y a eu fautes au pluriel et votre juridiction à toute liberté pour apprécier souverainement le caractère manifestement délibéré de la norme violée.

Nous nous trouvons en face de professionnels qui n’ont pas agit alors qu’ils auraient du agir, qui ont mal agit alors qu’ils savaient, et qui auraient pu agir autrement.

La FENVAC a pris le soin de vous remettre un outil documentaire, et c’est repris également dans nos écritures, rappelant les très nombreuses décisions rendues par les juridictions pénales en matière d’accident collectif.

Vous y trouverez certainement matière à réflexion et matière à motivation.

Voilà pour le cadre général de l’intervention de la FENVAC.

Quelques mots encore au delà de nos écrits très détaillés et de l’audition de monsieur Gicquel sur le sens de la présence de la Fédération Nationale de défense des victimes d’accidents collectifs au procès pénal, en rappelant que l’article 2-15 alinéa 1 du Code de Procédure pénale dans sa rédaction actuelle, date d’une loi du 9 mars 2004, ce qui explique que la FENVAC ne soit pas intervenue dès le début de la procédure.

La présence à la procédure de la FENVAC est d’autant plus importante qu’il n’existe pas d’association « ad hoc » des proches des victimes ou des victimes qui se soit constituée dans la cadre de l’article 2-15 alinéa 1.

Pour des raisons multiples, alors que très généralement, de telles association existent et interviennent et adhèrent à la FENVAC, cela n’a pas été le cas ici, sans doute essentiellement en raison des éléments de nationalité et d’extranéité de la plus grande partie des victimes.

Je ne vous cache pas qu’il y a eu là, très certainement, un manque, et que derrière l’absence des familles des victimes, des passagers de l’avion il n’y a sans doute pas de l’indifférence comme cela a été souligné, mais au delà e l’indemnisation transactionnellement sécurisée qui est intervenue, sans doute beaucoup d’isolement.

Et il aura sans doute manqué à ce procès cette dimension de la fraternité dans la douleur, qui souvent permet d’aller au-delà.

Et donner du sens à ce qui est tout sauf de la fatalité.

Cela nous pouvons le dire à partir du chemin parcouru par les victimes et avec elles depuis des décennies maintenant

La FENVAC, de par la volonté du législateur, est à la fois une vigie et un repère en matière de risque et de sécurité aérienne.

Le législateur a souhaité que la Société civile dans sa dimension associative et démocratique et forte de ses retours d’expérience, puisse participer pleinement au débat pénal sur les risques subis, réalisés qui relèvent de l’intérêt général.

La FENVAC est aujourd’hui composée d’associations qui se sont créées après une catastrophe ou un accident collectif.

D’hommes et de femmes qui sont allées au delà de leur douleur au service de la prévention et des autres. C’est une somme d’expériences et de parcours vécus.

Elle a un rôle spécifique de prévention.

Elle est le lien entre ces accidents collectifs qui ont endeuillé ailleurs, dans des circonstances toujours semblables, imprudence, manque de vigilance.

L’état de lieux en matière de catastrophe que nous avons repris dans nos écritures, vous rappellera à quel point il y a une constante dans de tels comportements socialement dangereux et donc pénalement répréhensibles.

La FENVAC est au-deçà et au-delà des événements.

Lorsqu’au delà de l’éphémère nécessaire de ce procès, le rideau tombera sur l’audience, et plus tard après votre délibéré, la seule entité qui restera pérenne, c’est la FENVAC au delà de la chose jugée attachée aux décisions judiciaires.

C’est son objet statutaire, c’est son histoire et c’est sa démarche purement altruiste.

La FENVAC joue aujourd’hui un rôle important en matière d’accidents aériens.

-  accompagnant et relayant les familles des victimes

-  accueillant en son sein les association de l’article 2-15

-  elle a un statut d’observateur à l’OACI à Montréal pour participer comme par exemple à une conférence intergouvernementale sur la sécurité aérienne ou à l’adoption di Traité de Montréal en 2009

-  c’est un apporteur d’idée en matière de réforme et de proposition de loi au niveau interne et communautaire

-  de manière plus précise encore dans le cadre de la préparation de ce procès la FENVAC a eu des contacts avec les avocats des familles allemandes. Elle a souhaité être présente de façon active visible à votre audience correctionnelle en mandatant deux conseils qui ont travaillé de façon complémentaire lors de vos audiences, pour les écritures que nous vous remettons, pour le dossier documentaire que nous vous déposons.

-  A cela s’ajoute une initiative tout à fait originale, la FENVAC a rendu compte au jour le jour, au moyen d’un blog, de votre audience.

Point n’a été nécessaire ici d’innover jurisprudentiellement et d’enregistrer un procès pour l’histoire, comme ça été le cas dans d’autres cas avec aval finalement de la Cour de Cassation.
Les deux élèves avocates que vous avez vus présente au jour le jour chaque jour, de l’ouverture de chaque audience jusqu’ à la clôture, ont été les fidèles de votre audience .

Ce qui s’est passé dans cette instance est important. Et de l’éphémère de la construction de la vérité judiciaire il restera un document pour tous qui sera l’histoire de cette audience.

Et par les retours que nous avons eus, par les acteurs de cette audience, et ailleurs, on peut déjà dire que cette initiative a été ressentie très positivement.

Avant d’en terminer, deux observations complémentaires,

La première concerne les incidents que vous avez joint au fond et notamment qui tendent à laisser croire que du côté de la défense le procès n’aurait pas été équitable notamment au visa de l’article 6 de la CEDH.

Je n’entre pas dans le détail de l’argumentaire mais je rappellerai simplement que nous estimons que ces conclusions sont à la fois choquantes et quelque peu cynique, tout comme l’argumentation développée sur l’ancienneté des faits qui rendraient la défense impossible.

Je rappelle encore une fois que nous sommes dans un domaine, ou comme dans d’autre il existe une culture de sécurité et une culture de la sûreté, une histoire de la sûreté et de la sécurité et de la sûreté et nécessairement une mémoire technique et réglementaire.

De même, vous écarterez l’argument tiré de la nullité de l’expertise.

Les dernières observations porteront sur les aspects indemnitaires.

Nous sollicitons dans le cadre de l’action civile d’une part des dommages et intérêts à hauteur de 500 000 euros et d’autre part des frais irrépétibles à hauteur de 326 426,91 euros.

Nous ne demandons pas à votre juridiction d’innover, mais si vous le voulez bien, en appréciant les éléments que nous apportons au débat, de s’inscrire dans le sillage d’une jurisprudence aujourd’hui constante et dont on comprend très bien le sens et la signification au regard de ce qu’a souhaité le législateur, c’est à dire ouvrir le procès pénal et le rendre équitable et conforter une mission d’intérêt général

Vous pourrez vous référer aux précédents que sont la décision du Tribunal correctionnel de Bonneville concernant l’accident du Mont Blanc, du Tribunal correctionnel et de la Cour d’appel de Dijon concernant une explosion au gaz,
du Tribunal Correctionnel de Basse-Terre du 15 septembre 2006 concernant l’accident aérien d’Air Caraïbes, ou encore le Tribunal de Grande instance de Saint-Nazaire ou la Cour d’appel de Rennes concernant l’effondrement de la passerelle du Queen Mary, et plus récemment le Tribunal correctionnel de Toulouse concernant l’explosion AZF.

C’est l’occurrence d’un événement catastrophique qui permet l’intervention de la FENVAC.

Vous êtes absolument souverains pour apprécier le préjudice associatif découlant du dommage causé par l’infraction pénale. C’est une règle générale de notre droit à réparation, c’est même le droit commun.

Vous n’êtes limité par rien dans l’appréciation, si ce n’est le sens de la mesure pour les dommages et intérêts liés à l’atteinte à l’objectif statutaire et vous tiendrez compte dans l’appréciation dans dommages, tout comme dans l’appréciation de l’article 475-1 de deux éléments : la notion de procès pénal équilibré, mais aussi la notion de citoyen expert.

La FENVAC par son engagement, par son expérience, par son retour d’expertise, découlant du savoir faire de chacune des associations membres, s’inscrit dans la durée.

Ce sont des apports en industrie, en talent, en travail.

C’est cet objet social, cette expertise citoyenne au service de la sécurité et de la vérité qui sont atteint par la catastrophe et l’accident collectif.

Chaque euro alloué à titre de dommages et intérêts est remis au service des victimes et de la prévention, nous ne sommes pas un syndicat ou un ordres levant des cotisations importantes

La Fenvac n’a pas vocation à avoir le plus grand nombre d’adhérent cela voudrait dire encore et encore des catastrophes.

Nous ne sommes pas un syndicat des victimes et restons toujours à la juste place dans l’enceinte judiciaire.

Mais le législateur a estimé que nous étions légitimes à défendre la cause de la sécurité et de la prévention.

De même dans l’appréciation de l’article 475-1 du Code de Procédure Pénale, vous tiendrez compte de ce qui ont été nos apports et vous aurez aussi à l’esprit, comme chaque juge qui jauge la réparation, la caractère doublement indemnitaire et préventif de la responsabilité civile sur l’action civile.

Ultime observation.

Elle s’inscrit dans la démarche altruiste de la FENVAC.

Je ne peux pas ne pas dire quelques mots de ce que nous estimons être aujourd’hui quelque chose d’incohérent et injuste ,et de profondément discriminatoire à savoir l’absence d’égalité de traitement indemnitaire entre les passagers de l’avion et les victimes et les familles des victimes au sol.

Cette absence d’égalité de traitement paraît encore plus incohérente lorsque l’on a pris connaissance des prétentions de la personne morale Air France au titre de son préjudice moral.

On nous dit que ce préjudice moral est certain , incontestable à hauteur de 5 millions d’euros.

Simplement pour les victimes que vous avez entendus vous pouvez être, dans le juste indemnitaire en leur appliquant à elle aussi souverainement les quantum de cet accident

C’est votre tribunal qui est la norme. Vous lirez les décisions notamment du TGI de Rennes et CA

Votre tribunal a la possibilité parce qu’il est souverain et ce depuis 1954, ce sont les arrêt fondamentaux applicables aussi bien par le chambre civile que par la chambre criminelle, le juge est d’apprécier les quantum

Madame la Présidente, Mesdames,

Je vais en avoir terminé.

Les décisions pénales et sur les actions civiles ont toujours un caractère d’exemplarité.

Accepter d’envisager la responsabilité pénale de toutes les personnes morales et physique, c’est inscrire celle-ci dans un caractère préventif et inscrire ce qui sera nécessairement dans votre décision la nécessité pour les acteurs du risque, les entreprises, les décideurs publics et privés en situation de décision, d’entrer dans des processus toujours et nécessairement vertueux.

Et alors nous aurons fait œuvre de justice.


Me BUSY

Madame la Présidente, Mesdames du tribunal,

J’ai l’honneur d’intervenir pour la Fédération Nationale des Victimes d’Accidents Collectifs et de plaider après mon Confère Claude LIENHARD qui vous a présenté les buts et objectifs de la FENVAC ainsi que son analyse pertinente sur l’état du droit pénal concernant le délit d’homicide involontaire.

Je vais m’attacher, en ce qui me concerne, à vous présenter l’analyse que fait la FENVAC du dossier qui a été soumis à votre appréciation pendant ces 4 mois d’audience.

Je n’ai pas l’intention de polémiquer sur les demandes indemnitaires et encore moins concernant sur celles concernant les frais irrépétibles qui ont été évoquées par d’autres Confrères et dont le tribunal litière état dans le cadre de son délibéré.

J’entends simplement rappeler que le tribunal a été valablement saisi d’écritures déposées par voie de conclusions et qu’il y aura donc lieu de trancher l’ensemble des questions qu’elles soient juridiques ou indemnitaires.

Bien au-delà de ce simple débat qui s’apparente davantage à des querelles judiciaires, nous avons tous pu constater et pour certains même apprécier la constance de la compagnie Air France dans la manière de considérer la peine des victimes et ce tout au long de ce procès.

Au mois de février 2010, la compagnie Air France a déclaré que les familles des victimes ne sont pas présentes dans la salle d’audience car elles ont tourné la page et qu’elles cherchent dorénavant à oublier le malheur auquel elles ont du faire face et que cet oublie passe également par la décision de ne pas assister au procès.

Cette décision a-t-elle été volontaire ou dictée par d’autres impératifs économiques ou juridiques ?

Ces interrogations trouvent un écho dans ce qui a été notamment plaidé hier par les avocats d’Air France lorsqu’ils ont venus nous expliquer que pour les victimes il convient de distinguer la doucleur de l’indemnitaire.

Pour Air France, cette société a fait, selon elle, tout ce qu’elle pouvait pour accompagner les familles de victimes dans leur travail de deuil en créant des cellules de crise et en mettant en place un corps de volontaires ayant pour objet d’accompagner les familles endeuillées pour leur permettre de mieux affronter leur douleur.

Ces mots, ces idées, ces organisations et cette affirmation au terme de laquelle les familles de victimes sont absentes car elles ont tourné la page n’est pas conciliable avec les larmes de ces femmes qui ont déposé mercredi dernier et qui ont exprimé leur douleur, leur angoisse toujours présente même 10 ans après l’accident.

Comment concilier l’idée que se fait Air France de la douleur des victimes avec les propos du Dr ORIO que la FENVAC a fait citer devant votre tribunal et qui est venu exposer les difficultés qu’il a pu rencontrer pour la mise en place d’un accompagnement efficace auprès des familles de victimes.

Comment concilier une fois de plus les propos de la compagnie Air France avec le témoignage du Dr ORIO lorsque celui-ci vient expliquer au tribunal que les familles attendent toujours beaucoup du procès pénal même si cela peut entrainer beaucoup de déception.

Il est faux de prétendre que les familles ne se sont pas présentées car elles ont tourné la page mais il est en revanche évident d’expliquer qu’un procès quelle que soit son issue constitue pour les victimes et leur famille une nécessité absolue dans la compréhension de l’accident et les causes qui les ont malheureusement amenées à perdre un ou plusieurs de leurs proches.

Comment concilier une fois de plus les affirmations de la compagnie Air France avec les propos de Monsieur GARCIA qui a eu ces mots simples mais tellement sincères « l’absence ne veut pas dire l’indifférence, les accords d’indemnisation ne font pas disparaitre la douleur ».

On perçoit alors le véritable motif à cette absence et il est vain de faire croire que seule la page a été tournée.

Ces 4 mois de procès nous ont permis de voir à quel point l’appréciation des victimes est différent du point de vue des prévenus mais également des avionneurs de manière générale qui utilisent un langage qui leur est propre avec des qualificatifs sur lesquels ils s’arqueboutent pour considérer qu’ils ne peuvent être responsables.

Que de querelles pour savoir si l’accident ou l’incident était mineur ou majeur, mais là encore, rendons la parole à Monsieur GARCIA lorsqu’il est venu expliquer au tribunal qu’une chose est certaine en ce qui le concerne c’est que depuis l’accident on peut qualifier la peine des victimes. Elle est majeure.

Comment oublier cette femme, veuve d’un des membres de l’équipage du personnel naviguant commercial qui a, lors de l’ouverture du procès, changé à plusieurs reprises d’avis s’agissant ou non de sa constitution de partie civile.

On a voulu nous faire croire que le procès du Concorde était le procès d’un avion vide, qu’il s’agissait d’un procès désincarné.

En réalité, c’est le procès d’une catastrophe dans laquelle des accords ont été signés et dont on ignore toujours les termes exacts mais qui, en tout cas, ont rempli leur office en vidant la salle d’audience des personnes qui devaient légitimement s’y trouver.

La victime a un rôle crucial dans le procès pénal et nul ne peut prétendre que cette place est inadéquate.

J’ai bien conscience qu’à cela certains opposeront l’inutilité de la réponse pénale, que ces grandes messes judiciaires n’apportent rien si ce n’est désillusions et frustrations.

C’est peut être le cas mais il n’en demeure pas moins, et l’ensemble des psychologues et psychiatres s’accordent pour le dire, le procès est utile à la victime, il est utile à la manifestation de la vérité même si certains s’en servent comme tribune pour leurs idées ou cherchent à allumer des contrefeux pour tenter de farder leur responsabilité.

Pourquoi les victimes pourraient ou devraient se contenter d’une espèce de simulacre processuel où on leur dirait : « prenez votre argent et allez soigner votre peine ailleurs car vous toquez à la porte d’un monde, d’un milieu que vous ne connaissez pas et qui vous ignore ».

Pour le monde aéronautique, les passagers ne sont pas des êtres humains, ils ne sont que des chiffres qui vont servir à raisonner selon des méthodes statistiques.

Maitre DELHOME a utilité hier le terme « tribu » pour parler du milieu aéronautique.

Je crois que le terme est juste, la tribu a son propre langage.

On vous parle de douleur et la tribu aéronautique va vous répondre par un jeu de sémantique allant de l’incident à l’accident en le qualifiant de critique, sévère ou majeur.

On vous parle de peine, d’incompréhension et la tribu va vous répondre par la statistique, par les impératifs de la certification en considérant que celle-ci étant acquise il ne peut être remis en cause de quelques manières que se soient le travail fait antérieurement dès lors que le langage de la tribu exclu par un jeu de calculs mathématiques et de statistiques la probabilité ou la faisabilité de l’accident.

Les responsabilités doivent-elles être éludées par le simple jeu de la statistique ?

A de nombreuses reprises il nous a été parlé de chiffres, de calculs, de probabilités affublées d’un 10-6 ou d’un 10-9.

Mais que peuvent représenter ces chiffres par rapport à une vie humaine ?

En outre, une statistique ne reste qu’une démonstration mathématique au regard d’une probabilité que l’on va calculer.

Les débats nous ont démontré à quel point les statistiques pouvaient être travaillées voir même parfois modifiées en qualifiant tel ou tel incident de majeur ou de mineur, voir même en qualifiant l’évènement d’incident à la place d’accident afin de modifier l’occurrence statistique et ainsi fausser l’analyse au profit uniquement de la nécessaire certification.

Les responsabilités doivent elles être éludées sous prétexte que la certification d’un appareil a été délivrée par les autorités administratives, les responsabilités doivent elles être éludées sous prétexte qu’il y a l’apparence du respect de la norme et que l’on se trouve du bon côté de la courbe.

Il reste à savoir comment on conçoit cette courbe, selon quelles références, selon quels qualificatifs, selon quelles terminologies.

A cela, seule la tribu aéronautique a accepté de répondre s’arqueboutant sur lesdites réponses et refusant d’aller au-delà de ce qu’elle pouvait admettre.

Les responsabilités doivent elle être éludées sous prétexte que l’un des prévenus vous déclare, à la barre de ce tribunal, « 700 000 personnes volent quotidiennement et vont venir se poser sans problème ».

Cette vérité, cet état de fait, doit il nous faire oublier ou considérer que les 113 victimes du Concorde ne seraient alors qu’une espèce de phénomène marginal, une fatalité à laquelle on ne peut rien et sur laquelle on ne doit en aucun cas chercher à comprendre.

Bien évidemment, à cette question la réponse doit être « non » même si j’ai bien conscience que l’accident est par nature imprévisible, encore faut-il s’interroger sur le fait de savoir s’il était ou non évitable.

Madame le Président, Mesdames du tribunal, j’ai examiné hier le site internet de la Direction Générale de l’Aviation Civile et j’ai pris connaissance d’un document qui portait le titre suivant : « incident ou accident : comprendre pour prévenir ».

Cet article disait en substance ceci : constructeurs, compagnies, exploitants d’aéroports, autorités publiques…

L’aviation civile forme un ensemble cohérent qui a, depuis longtemps, placé la sécurité au premier rang de ses priorités.

Tout est fait pour que le transport aérien reste l’un des moyens de déplacement les plus sûrs qui soit.

Mais tout est fait aussi pour que, lorsqu’un problème survient, incident significatif ou accident, l’enchainement des faits soit établi, les causes identifiées et les décisions correctrices prises.

Le seul objectif pour la DGAC : éviter que cela ne se reproduise.

La question qu’il convient alors de se poser dans le cadre du procès qui nous occupe depuis maintenant 4 mois et de savoir si le nécessaire a été fait en ce qui concerne le Concorde pour que les incidents ne se reproduisent pas, pour que l’accident, pour que le crash ne se réalise pas.

*
* *

Il vous appartient, Madame le Président, Mesdames du tribunal, d’envisager les responsabilités des différents prévenus qui ont comparu devant votre tribunal.

Ces responsabilités ont déjà largement été évoquées hier par mes différents Confères mais permettez-moi au nom de la FENVAC d’en dire quelques mots.

Le tribunal dans le cadre de son plan d’audience a distingué ce qu’il a appelé le volet américain avec la responsabilité de la société Continental Airlines et de ses salariés et le volet français regroupant, cette fois, le constructeur de l’appareil et les autorités de tutelle et plus spécifiquement un responsable de la Direction Générale de l’Aviation Civile.

Je commencerai bien évidemment, comme l’a fait le tribunal, par le volet américain et la responsabilité à mon sens évidente de la société Continental Airlines.

a.Le volet américain

Continental Airlines nous a servi un certain nombre de versions pour ne pas dire théories agrémentées pour certaines d’animations en 3D annoncée à grand renfort médiatique et qui, lorsque nous les avons visionnées, n’ont pas manqué de nous laisser sur notre fain ce qui a d’ailleurs amené Maitre Fernand GARNAULD de qualifier cette production « d’Avatar sans les lunettes » tant cela n’apportait rien aux débats.

Cette reconstitution, partiale et non objective est fondée sur des témoignages contradictoires voir même pour certains totalement erronés, à titre d’exemple comment retenir le témoignage de ce pompier qui affirme péremptoirement avoir vu le feu prendre sous l’aile droite du Concorde alors que nul ne peut ici et aujourd’hui contester que le moteur gauche et le réservoir de l’aile gauche ont été perforés et que le feu ne s’est produit que sous ladite aile gauche.

L’ensemble de cette reconstitution est fondée sur des témoignages minoritaires dont on a exploité uniquement les passages qui pouvaient intéresser Continental Airlines pour faire croire à la théorie qu’elle développe.

Cette même théorie lorsqu’elle est battue en brèche se trouve immédiatement modifiée pour être fardée cette fois d’une autre explication tout aussi peu vraisemblable.

J’en veux pour preuve cette fameuse marche si souvent évoquée au cours de l’audience ou dans des émissions à la télévision qui est devenue lorsque l’on s’est aperçu qu’il ne s’agissait en réalité que d’un trou celui qui serait à l’origine de tout mais qui est devenu une simple ornière lorsque l’on a pu constater au regard des dimensions spécifiques de la piste et de celles du Concorde qu’à aucun moment l’appareil n’avait pu rouler dans cette marche, dans ce trou ou dans cette ornière.

Continental Airlines n’a eu de cesse de modifier ses explications, ses théories qui reposent sur des témoignages dont la fragilité a été démontrée et dont l’absence de pertinence a été à de nombreuses reprises évoquées tout au long des débats.

En outre, quelles que puissent être les explications de la Continental Airlines, celle-ci ne pourra en aucun cas faire oublier les constats techniques qui ont été réalisés par l’ensemble des experts qui sont venus témoigner devant votre tribunal et notamment, le plus flagrant, cette empreinte de la lame perdue par l’appareil de la Continental Airlines qui se trouve gravée dans le pneu du Concorde et qui reproduit à l’identique la forme de cette lamelle.

Comment occulter les constats effectués sur la piste, comment occulter le rapport établi par Monsieur IZTUETA qui a mis en lumière les lacunes dans le système de maintenance de la société Continental Airlines, qui est venu nous expliquer qu’inévitablement les pièces de cet appareil ne pouvaient que tomber eu égard aux réparations qui ont été effectuées en violation de toutes les règles de l’art et sous le contrôle prétendu mais certainement complaisant des chefs de service de la société Continental Airlines.

Comment expliquer le travail effectué par les salariés de cette société à savoir Monsieur FORD en sa qualité de chef de service et Monsieur TAYLOR en sa qualité de chaudronnier qui, pour le second, a effectué un travail alors, que ses qualifications ne sont pas certaines en ce qui concerne cette activité, et que pour le premier celui-ci n’a en aucun cas vérifié la manière dont la tâche a été effectuée ni même sa conformité avec les règlements et le manuel de la société ayant construit le réacteur.

A cela, la seule chose que l’on est venu nous dire avec une espèce de sincérité désarmante : « jamais je n’aurai pensé que cela puisse tomber ».

Malheureusement, les faits nous ont démontré qu’une réparation mal faite sur un support particulièrement altéré par de multiples réparations non conformes aux règles de l’art ont amené cette pièce à tomber.

Quand on constate l’écart existant entre les deux nacelles du même réacteur qui a rendu possible le fait que cette pièce s’échappe du réacteur montre à quel point la maintenance est une des préoccupations les moins importantes de la société Continental Airlines.

Cependant, du côté de Continental Airlines, il y a une véritable volonté de croire que finalement tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes.

Le tribunal, l’ensemble des parties ont reçu les nombreuses pièces communiquées par la société Continental Airlines ainsi que les différentes reconstitutions, notamment en ce qui concerne l’effet guillotine, montrent que de manière absolue tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes.

Cependant, la société Continental Airlines, se faisant, occulte toute une partie du dossier en ne fondant ses démonstrations que sur ce qui aurait du être et non simplement sur ce qui a été.

On ne peut bâtir un système de défense sur le rêve d’un monde parfait en occultant malheureusement la réalité bien plus triviale que nous montre ce dossier.

Il me semble dès lors que la responsabilité de la société Continental Airlines et de ses salariés est parfaitement établie et que le tribunal devra la consacrer.

b. Le volet français

A côté de cette société américaine se trouvent d’autres prévenus que l’on a placé dans ce que le tribunal a appelé le volet français.

Il s’agit de deux représentants du constructeur et d’un membre de la Direction Générale de l’Aviation Civile.

Là encore, je ne vais pas reprendre point par point les éléments qui ont été brillamment évoqués par Maitre Roland RAPPAPORT intervenant pour les syndicats de pilotes de ligne ainsi que pour la veuve du commandant de bord et qui a expliqué à grand renfort d’arguments pour quelle raison la responsabilité des intervenant du volet français est parfaitement établie.

Cependant, je souhaite également dire quelques mots au sujet de ces prévenus non pas pour enfoncer le clou mais simplement pour démontrer, s’il le fallait encore, que leur responsabilité pénale est engagée.

Je dois cependant leur rendre hommage car il est évident qu’ils ont construit un bel avion, vous avez innovez dans la conception de cet avion.

Cet avion a été une belle réussite industrielle démontrant le savoir-faire européen.

Mais cet appareil confronté à la réalité économique, aux choix qui devaient être faits sur un certain nombre de questions qui se sont posées tout au long de sa conception et de sa certification, les stratégies économiques pour parvenir au résultat souhaite ont entrainé des décisions hasardeuses.

Du côté du constructeur, il a été adopté une stratégie qui devait être une vérité absolue et de laquelle on ne pouvait pas déroger.

Ce n’est même plus une stratégie, c’est quasiment un postula voir même un axiom.

En effet, confronté systématiquement à une difficulté on adoptera de manière immuable la même politique à savoir, on trouve une solution à la cause du problème mais on n’envisage pas les conséquences résultant de ce même problème et ce sera le même choix qui sera fait en ce qui concerne les éclatements chroniques de pneumatiques entrainant à de nombreuses reprises une perforation de structure qui conduira inéluctablement à l’accident survenu à GONESSE.

La volonté systématique du constructeur a été de retirer un maillon de la chaine causale pour éviter la réitération.

Le problème de cette philosophie c’est qu’il ne faut pas ôter le mauvais maillon et s’arquebouter systématiquement sur le maillon de la cause en occultant celui de la conséquence qui a provoqué le drame de GONESSE.

Malgré l’ensemble des efforts fournis pour éviter l’éclatement des pneumatiques il n’en est pas moins constant que ces pneumatiques ont, tout au long de la carrière du Concorde, continué à éclater.

Ces éclatements provoquent, il ne faut pas l’oublier, un souffle équivalent à une puissance comparable à 400 grammes de TNT.

On peut alors aisément imaginer les dégâts que peuvent provoquer l’explosion d’un pneumatique dont la force s’apparente à un explosif particulièrement puissant.

Alors pour éviter ces éclatements, on va procéder à un certain nombre d’études qui ont amené un certain nombre de correctifs mais toujours sur le pneumatique, jamais sur les conséquences de ces éclatements.

Or, ce qui était dangereux c’était certes l’éclatement mais essentiellement les conséquences de celui-ci surtout lorsqu’il provoquait des perforations de structures notamment au niveau des réservoirs.

Alors bien sûr le risque de feu a été étudié par le constructeur.

Mais de quelle façon ?

On nous a présenté, à ce sujet, des études réalisées il y a de nombreuses années sur la probabilité de l’arrachage d’une partie du réservoir en nous présentant des calculs théoriques non étayés et qui seront repris au cours des décennies et même après les incidents survenus en 1993 alors que les tests avaient été effectués à la fins des années 70.

Ainsi, faisant fi des améliorations des ordinateurs, des calculateurs mais également des machines à la disposition des ingénieurs, on a continué à raisonner sur la base d’une analyse vieille de plus de 15 années pour considérer que celle-ci était une vérité absolue dont on ne pouvait déroger.

Or, ces calculs étaient totalement faussés tant sur le poids des projectiles résultant de l’éclatement du pneu ainsi que sur leur vitesse.

En privilégiant systématiquement de remédier à ces difficultés en s’efforçant d’éviter que les pneus éclatent, on a totalement occulté l’autre volet de ces éclatements à savoir les conséquences de ceux-ci.

Or, malgré l’ensemble des efforts déployés et ce de façon indéniable pour remédier aux éclatements de pneus ces derniers se sont poursuivis et malgré cela on n’a jamais cherché à remédier pour l’essentiel aux conséquences de ces éclatements.

Pourquoi avoir systématiquement refusé de remédier aux conséquences de ces éclatements car cela passait, vraisemblablement, par une modification de structure de la voilure, par une nouvelle façon de penser l’appareil et donc nécessairement par une nouvelle certification de celui-ci.

Or, la certification d’un appareil impose de recommencer le processus quasiment dans son intégralité avec le coût que cela représente.

A de nombreuses reprises, nous avons entendu lors des débats qu’il était nécessaire d’envisager, un renforcement de la voilure pour diminuer au maximum le risque de perforation.

Pourquoi cela n’a-t-il pas été fait ? Simplement par ce qu’il fallait alors revoir la certification de l’appareil ce qui aurait entrainé de manière inévitable un surcoût particulièrement important pour un appareil déjà économiquement inintéressant.

Cette politique a conduit et a contribué à l’accident de GONESSE et de ce chef, la responsabilité des représentants du constructeur ne pourra, sur le plan pénal, qu’être retenue.

Le Général De Gaulle déclarait le 2 février 1966 soit 44 ans avant l’ouverture de ce procès :

« Ce Concorde est un gobe millions, les experts mentent, les industriels mentent et j’ajoute les administrations laissent passer les mensonges ».

Cela nous permet d’envisager dorénavant l’autre aspect du volet français à savoir la responsabilité des autorités de tutelle et notamment de Monsieur FRENTZEN qui travaillait pour la Direction Générale de l’Aviation Civile.

La DGAC est l’organe qui a procédé à la certification de l’appareil et a délivré le certificat de navigabilité.

Cette autorité pouvait-elle être consciente des difficultés rencontrées par l’appareil et ce de manière chronique et endémique.

La réponse est affirmative et elle résulte d’un certain nombre de notes de travail qui ont été établies par cette autorité et qui constate les difficultés rencontrées par le Concorde.

Lorsque Monsieur FRENTZEN est interrogé par le tribunal sur un certain nombre de documents on obtient alors toujours la même réponse, les notes de la DGAC dont il est fait état par le tribunal ne sont pas décisionnelles ou bien alors je n’ai pas le souvenir de ce document.

Interrogé alors sur ses fonctions plus précisément, celles-ci se transforment comme par magie en de simples fonctions d’animation et non de décisions.

Cependant, il convient de ne pas oublier les différents documents adressés au constructeur du Concorde par la DGAC lui imposant un programme de modification et menaçant même le constructeur de suspendre le certificat de navigabilité ce qui démontre à quel point les autorités de tutelle étaient conscientes des risques que pouvait représenter cet appareil.

Ont-elles pour autant exigé que l’on envisage les conséquences aux éclatements de pneus sans se contenter de remédier aux causes de l’éclatement du pneu ? La réponse est bien évidemment non.

Alors comment concilier l’impératif rappelé au début des mes observations et qui figure sur le site de la DGAC à savoir éviter que cela se reproduise avec l’acceptation implicite de certaines notes, de certains rapports et l’oubli systématique des échéances fixées alors que le risque est manifestement connu.

Comment accepter que la succession des incidents n’entraine pas de réaction plus vive avec des obligations de remédier de façon efficace tant aux causes que sur les conséquences de ces éclatements de pneus.

A cela nous n’avons pas obtenu de réponse claire si ce n’est de vagues explications concernant des notes non décisionnelles prises dans le cadre d ‘une fonction d’animation entrainant notamment la rédaction de notes collectives sans qu’une quelconque responsabilité individuelle puisse être dégagée.

C’est ce que la défense de Monsieur FRENTZEN a tenté de vous faire croire et vous ne vous ferez pas prendre à ce leurre qui cherche uniquement à dissimuler le fait que la DGAC connaissait les faiblesses de l’appareil, le fait que la DGAC ne pouvait ignorer les conséquences des éclatements de pneus et le fait que la DGAC a laissé le constructeur faire en fonction du rythme qu’il s’imposait et toujours pour éviter d’avoir à procéder à une nouvelle certification de l’appareil.

Sur le plan pénal, la faute caractérisée peut résulter d’une série de négligences et d’imprudences qui entretiennent chacune un lien de causalité certain avec le dommage et dont l’accumulation permet d’existence d’une faute caractérisée.

C’est bien précisément le cas en ce qui concerne l’ensemble du volet français, une succession de négligences et d’imprudences qui ont toutes entretenu un lien de causalité certain avec le dommage provoqué par le crash de cet appareil à GONESSE en juillet 2000.

*
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Il me reste encore à envisager un point qui va faire réagir.

Il y a dans ce genre de procès et plus précisément dans le domaine aéronautique une espèce de consanguinité qui n’a pas manqué de me surprendre.

Pourtant, cette consanguinité parait évidente tant le BEA est devenu un auxiliaire de la défense des prévenus du volet français.

Cette consanguinité est inévitable quand on constate de façon systématique qu’une personne commence sa carrière chez un constructeur, la poursuit chez un opérateur et la termine dans une autorité administrative qu’elle soit de certification et de contrôle voir d’analyse et de recherche des causes d’un accident.

La consanguinité est tout aussi patente lorsqu’un représentant du constructeur participe directement à l’enquête après l’accident tout en avisant de façon régulière son employeur en l’assurant qu’il est présent au cours de l’enquête et qu’il fait le nécessaire pour éviter toute difficulté.

Il est dès lors évident que ces interactions sont de la consanguinité et c’est malheureusement ce monde que vous avez à juger qui s’interpénètre et qui se défend mutuellement.

Malgré les difficultés que vous pourrez avoir à juger ce monde, cette tribu, il convient de ne pas oublier que 113 personnes ont rencontré leur destin tragique en trouvant la mort le 25 juillet 2000, ces 113 personnes dont vous avez lu les noms ont définitivement fermé les yeux.

Il appartient à votre Tribunal, à la Justice de déterminer les responsabilités et les sanctions non pas à ce « malheureux accident » de GONESSE, mais à un drame effroyable qui a endeuillé bien trop de personnes.


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