Crash de Charm el-Cheikh : un rapport accable la compagnie

Les experts français sont convaincus que l’accident qui a causé la mort,le 3 janvier 2004, de 148 personnes dont 134 Français était évitable. En cause, le pilote mal formé par Flash Airlines.

Implacable. Quatre ans après l’accident du Boeing 737 de Flash Airlines qui avait fait 148 victimes dont 134 françaises, le tribunal de Bobigny dispose désormais d’un nouveau rapport accablant. Quatre experts (deux pilotes, un spécialiste de la maintenance, un chargé des facteurs humains) ont analysé les quelques minutes de vol entre le décollage de Charm el-Cheikh et la chute fatale en mer Rouge.

Les reconstitutions en simulateur, utilisées pour recréer les pannes possibles, concluent toutes à une défaillance de l’équipage. « Les pilotes n’ont pas su ramener les ailes à l’horizontale et réduire la puissance des moteurs pour retrouver une configuration de vol normale », expliquent les experts judiciaires qui rejoignent en cela les conclusions de l’en­quête tech­nique du BEA français qui avait lui aussi mis en cause le pilote, un ancien militaire, évoquant alors une possible « désorientation spatiale ».

La commission d’enquête égyptienne avait une autre vision de la catastrophe : elle avait évoqué une combinaison de facteurs impliquant notamment « une dé­faillance du pilote automatique ». Le dernier rapport français remis au juge de Bobigny il y a quelques jours pointe donc sans ménagement « une déficience humaine liée à une absence de compétence du pilote. Or c’est de la responsabilité de la société qui les exploite que de les former », a déclaré l’avocat de plusieurs parties civiles, Me Gilles-Jean Portejoie. « La catastrophe aurait pu être évitée si le pilote engagé dans une spirale descendante très inclinée à droite avait braqué manuellement et fermement son volant de gauchissement vers la gauche pour ramener rapidement les ailes à l’horizontale, et s’il avait réduit la poussée des mo­teurs afin d’éviter une augmentation excessive de la vitesse », a ­ajouté l’avocat, lisant le rapport commandité par la justice française. Les quatre experts indépendants sont très critiques à l’égard de « la formation, la sélection et la gestion du personnel technique navigant par la compagnie Flash Airlines », a poursuivi l’avocat.

Ils insistent sur un manque de formation car la situation vécue ce 3 janvier 2004 par le pilote est normalement enseignée dès les premières heures d’apprentissage.

Basée au Caire, Flash Airlines était une filiale de Flash Group, société égyptienne spécialisée dans le tourisme. Fondée en 2000, elle avait avant la catastrophe connu de multiples problèmes de sécurité. En 2002, la Suisse avait interdit à la compagnie d’atterrir sur son sol, et l’office polonais d’aviation civile suspendu sa licence jusqu’en juin 2003.

Compétence des tribunaux

Au mois de juin 2007, l’association des familles de victimes avait elle aussi présenté un rapport de 440 pages qui mettait en cause la compagnie, mais aussi le constructeur Boe­ing, le propriétaire de l’avion (ILFC) et la Direction générale de l’aviation civile (DGAC). Marc Chernet, le président de l’association avait demandé une réouverture de l’enquête par l’OACI, car il regrette « que seules 10 % des pièces de l’avion aient été récupérées ».

Les juges André Dando et ­Stéphanie Tacheau en charge de l’affaire n’ont reçu aucune in­formation de leurs homologues égyp­t­iens, malgré les commissions rogatoires internationales et les dé­marches diplomatiques.

Prochaine étape : le 6 mars prochain, la cour d’appel de Paris doit se prononcer sur la compétence des tribunaux français ou américains en ce qui concerne les actions civiles menées par les familles contre Boeing et le loueur ILFC.

Selon les avocats, la justice américaine est plus favorable aux victimes et demande que soient versées des indemnités conséquentes aux ayants droit. Les tribunaux français condamnent à des amendes plus faibles.

Le Figaro, par Thierry Vigoureux, le 28 janvier 2008.


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