Justice : le tragique incendie de Palasca devant le tribunal le 11 mars

Deux jeunes sapeurs pompiers étaient morts et cinq autres avaient été grièvement brûlés dans un feu de maquis le 17 septembre 2000 à Lozari. Un officier est appelé à comparaître. Il aura fallu sept longues années pour instruire le dossier de l’incendie de Palasca qui sera examiné le 11 mars devant le tribunal correctionnel de Bastia sous la présidence de Thierry Desplantes.

Un feu à la suite duquel deux jeunes militaires de l’USC5 de Corte, âgés de 22 et 23 ans, ont trouvé la mort, tandis que quatre de leurs camarades étaient grièvement brûlés ainsi qu’un officier du CSP de Calvi. Audiencée sur une seule journée, cette affaire, dont le retentissement a été considérable en Corse comme sur le Continent, pose, outre les questions de la responsabilité et de la culpabilité, une problématique philosophique qui, bien au-delà du cas présent, n’a guère été résolue à ce jour : celle de l’obéissance aux ordres.

Faute de temps, cet aspect du dossier restera sans doute en marge des débats mais il participe pour une large part à la dimension de la tragédie qui s’est jouée le 17 septembre 2000 à Lozari, le long du chemin de terre qui surplombe le VVF (village vacances familles). Un certain nombre de témoignages démontrent en effet que les hommes envoyés sur le terrain pour empêcher les flammes de franchir les crêtes et d’évoluer vers la vallée de l’Ostriconi désapprouvaient le modus operandi.

Risque « très sévère »

Ce drame est d’autant plus insoutenable que l’incendie d’origine criminelle qui s’était déclenché en début de matinée, classé à l’échelle du risque au niveau « très sévère » par les autorités, fut circonscrit par les Canadairs « en quelques rotations », en début d’après midi.

L’auteur des deux mises à feu n’a jamais été identifié mais un homme doit aujourd’hui répondre des conséquences du sinistre : Patrick Botey, chef de corps du CSP de l’Ile Rousse, poursuivi pour « homicide involontaire, blessures involontaires ayant entraîné une ITT supérieure à 3 mois et subornation de témoins ». Il lui est notamment reproché d’avoir, « dans le cadre du commandement d’une manœuvre de lutte contre l’incendie, fait établir une ligne d’arrêt sur une piste exclusivement réservée au transit, en violation des préconisations du règlement en vigueur ».

29 parties civiles

En clair, on conteste un choix de positionnement qui ne laissait pas d’échappatoire et faisait donc courir des risques importants aux hommes. Dans ce procès, la difficulté sera de déterminer qui assurait effectivement le commandement ce jour-là. Le prévenu estime en effet que le lieutenant Beneteau qui fut très gravement brulé en portant secours aux jeunes pompiers pris au piège du brasier, l’en avait déchargé par son arrivée sur les lieux. Selon l’enquête, cependant, les pompiers présents ont affirmé que celui-ci n’en a pas eu le temps matériel.

Le président Desplantes a commis un expert aux fins de déterminer dans quelles conditions précises s’est effectuée la gestion du commandement. Sur un plan strictement juridique, il faudra s’atteler à établir un lien de causalité entre la faute éventuelle et les décès. Pas moins de 29 parties civiles seront en présence dont l’association « pour la recherche de la vérité » constituée en 2003 et présidée par François Gidel, assistées de Me Gilles Simeoni, et le Service département incendie, assisté de Me Benoît Bronzini de Caraffa.

Patrick Botey sera défendu par Me Jean-Louis Seatelli qui pourrait demander le renvoi de ce dossier pour des raisons de disponibilité : il est en effet appelé à plaider sur le Continent au même moment.

Piégé dans le brasier, Nicolas Cameau, d’Auxerre, avait été retrouvé mort en contrebas du chemin de terre, il n’avait pas eu le temps de rejoindre le camion où ses camarades de la section Vulcain 11 de l’UISC 5 de Corte, surpris comme lui par un retour de flammes, s’étaient réfugiés : Jérôme Pages, originaire de Chinon, David Cohuau, de Lyon, Michel Brazet de Tonnens, Frédéric Kreit, tous grièvement atteints. Ainsi que le sapeur Pascal Fauvel, de Nîmes, qui devait décéder à l’hôpital de la Conception, à Marseille le 11 octobre 2000. « Nous étions un peu plus d’une trentaine d’hommes sur le terrain, rappelle François Gidel, sapeur-pompier, président de l’association « pour la recherche de la vérité sur le feu de Palasca ». Cette affaire a fini par aboutir, elle aura été un combat très dur et très long.

Les gendarmes ont travaillé avec beaucoup de détermination pour tenter de faire la lumière sur toutes les circonstances de ce drame ». David Cohuau avait 23 ans à l’époque des faits. Brûlé sur 35 % du corps au 2e et 3e degré (visage, mains, bras et membres inférieurs), il avait été transporté dans un état critique à l’hôpital des Armées de Toulon et maintenu dans un coma artificiel durant 1 mois. « Je suis resté hospitalisé durant 4 ans, j’ai subi à ce jour 70 opérations chirurgicales, explique-t-il.
Physiquement et moralement, cette épreuve a été très dure à surmonter mais j’ai toujours eu la volonté de guérir. Aujourd’hui, je me sens un peu mieux.

Depuis 2003, j’ai progressé régulièrement. J’ai hâte que cette affaire se termine, de pouvoir tourner la page mais j’ai perdu deux amis, et il me sera très difficile de l’oublier ».

La rédaction, par H.R., le 11 janvier 2008.


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