La FENVAC, partie civile au procès Belkacem et Beghal

Du 12 au 22 novembre 2013 se tenait le procès de Smaïn A. B. et Djamel B., parmi d’autres prévenus, pour tentative d’évasion aux fins de préparation d’une action terroriste d’envergure.

Le 17 octobre 1995, une rame du RER C était perforée par l’explosion d’une bombe entre les stations RER « Musée d’Orsay » et « Saint-Michel ». Très vite, l’enquête déterminait l’identité du poseur de bombe : Smaïn Aït Ali B., arrêté alors qu’il projetait un nouvel attentat, l’explosion d’une bombe sur le marché de Wazemmes à Lille.
Cette explosion s’inscrivait dans une vague d’attentats commis dans les transports parisiens en 1995, notamment celui du 25 juillet 1995 à la station RER « Saint-Michel » qui fît 8 morts et 117 blessés.

Au total, ce sont 8 personnes qui ont perdu la vie dans ces attentats, tandis que plus de 300 autres étaient blessés.

Du 1er au 30 octobre 2002, la cour d’assises spéciale de Paris jugeait les auteurs de cette vague d’attentats, parmi lesquels Belkacem donc. Elle condamnait ce dernier à la réclusion criminelle à perpétuité.
Durant le procès, Belkacem reconnaissait son rôle d’artificier et manifestait à plusieurs reprises son engagement dans l’Islam radical.

Depuis les attentats et jusqu’à la fin de la procédure, devant la Cour de cassation, et au-delà encore en réalité, SOS Attentats, avec son conseil Me Georges HOLLEAUX, accompagnait les 313 victimes de ces attentats, en sa qualité d’unique association habilitée à défendre les victimes du terrorisme.

De son côté, Djamel B. a été condamné le 15 mars 2005 par le tribunal correctionnel de Paris à 10 ans d’emprisonnement pour association de malfaiteurs avec cinq coprévenus, plus précisément pour sa participation à l’élaboration d’un projet d’attentat contre l’ambassade des Etats-Unis à Paris.

La cour d’appel de Paris a confirmé sa condamnation le 14 décembre 2005.

LES FAITS ACTUELS

Les prévenus sont poursuivis pour avoir été occupés par deux projets délictueux, à savoir l’évasion de plusieurs de leurs « frères » se trouvant incarcérés et la préparation d’une action violente dont les contours n’ont pu être déterminés précisément.

Smaïn AIT ALI B.et Djamel B. sont renvoyés devant le Tribunal correctionnel pour participation à un groupement formé ou à une entente établie en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d’un des actes de terrorisme mentionnés à l’article 421-1 du Code pénal.

Fouad B. est renvoyé pour avoir participé à un groupement formé ou à une entente établie en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d’un délit puni de 10 ans d’emprisonnement, en l’espèce l’évasion avec usage d’une arme et en bande organisée de plusieurs détenus dont Smaïn AIT ALI B. et lui-même. Il est également retenu la circonstance que ces faits ont été commis en relation, à titre connexe, avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur.

Fouzi B., Teddy V., Thamer B., Amedy C. et Kamel/Omar B. sont renvoyés devant le Tribunal correctionnel pour avoir participé à un groupement formé ou à une entente établie en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d’un délit puni de 10 ans d’emprisonnement, en l’espèce l’évasion avec usage d’une arme et en bande organisée de plusieurs détenus dont Smaïn A. B. et Fouad B., avec cette circonstance que ces faits ont été commis en relation, à titre connexe, avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur.

Teddy V. et Thamer B. sont également renvoyés pour avoir sciemment recelé un véhicule volé.

Teddy V. et Amedy C. sont également renvoyés pour avoir acquis et détenu sans autorisation des munitions de la 1ère ou 4e catégorie et, pour le premier des deux uniquement, une arme des mêmes catégories.

L’AUDIENCE DEVANT LA 16ÈME CHAMBRE CORRECTIONNELLE DU TGI DE PARIS

Ce dossier est venu à l’audience de la 16ème Chambre correctionnelle du Tribunal de grande instance de Paris des 12 au 22 novembre 2013. La FENVAC, SOS Catastrophes & Terrorisme, représentée par Me Georges HOLLEAUX, était partie civile. Il s’agit de la seule association de victimes ayant fait entendre sa voix lors des plaidoiries des parties civiles.

1. Le déroulé de l’audience

Les avocats des prévenus ont soulevé la nullité de l’ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel (ci-après ORTC) le 12 novembre. Le Tribunal a joint l’incident au fond.

Monsieur Smaïn A. B., ayant pour avocat Me Philippe VAN DER MEULEN, a comparu devant le Tribunal les 12 et 13 novembre. Monsieur Djamel B., ayant pour avocat Me Béranger TOURNE, a comparu les 13 et 14 novembre. Monsieur Fouad B., ayant pour avocat Me Delphine BOESEL, a comparu le 14 novembre. Monsieur Teddy V., ayant pour avocat Me Eddy ARNETON, a comparu les 15 et 18 novembre. Monsieur Thamer B., ayant pour avocats Me Corinne BLANC et Me Zoé ROYAUX, a comparu devant le Tribunal le 18 novembre. Monsieur Kamel/Omar B., ayant pour avocat Me Isabelle COUTANT PEYRE, a comparu le 18 novembre. Monsieur Amedy C., ayant pour avocats Me Yassine Y. et Me Georges SAUVEUR, a comparu devant le Tribunal le 19 novembre. Monsieur Fouzi B., ayant pour avocat Me Alexandra HAWRYLYSZYN, a été absent lors du procès pour des raisons de santé.

Me Georges HOLLEAUX, avocat de la FENVAC, a plaidé le 20 novembre. Monsieur le Procureur de la République a pris ses réquisitions le 20 novembre.

Les avocats des prévenus ont plaidé les 21 et 22 novembre 2013.

Le Tribunal rendra sa décision le 20 décembre prochain à 13 heures 30.

2. Les arguments soulevés par les parties au procès

Messieurs AIT ALI B. et B. ont nié avoir projeté de commettre une quelconque action terroriste. (S’il a nié tout projet terroriste, ) Monsieur AIT ALI B. a en revanche reconnu qu’il avait effectivement pour projet de s’évader, mais a prétendu que son seul objectif était de retourner vivre en Algérie.

a) Les parties civiles
Pour rappel, seul Me HOLLEAUX, conseil de la FENVAC, a plaidé.

Dans sa plaidoirie, Me HOLLEAUX a rappelé que Messieurs AIT ALI B. et B. avaient bel et bien deux projets, à savoir l’évasion de Monsieur AIT ALI B. d’une part et la commission d’un attentat d’autre part. Me HOLLEAUX a ainsi affirmé que Monsieur BEGHAL l’avait très clairement exprimé au cours d’une conversation téléphonique avec Monsieur AIT ALI B. en ces termes :

« Ecoute Smaïn, il y a deux choses. Moi j’ai du travail, mais ça demande du temps pour de vrai, ce n’est pas une plaisanterie (…). Ne te prends pas la tête. Moi j’ai deux choses auxquelles je pense depuis longtemps, une chose que je prépare pierre par pierre depuis des années, pour pouvoir donner un bon coup après, comme on dit : « Parce qu’un coup avec une pioche vaut mieux que dix coups avec une binette. Ca demande du temps car ce n’est pas une plaisanterie et ce n’est pas un jeu ».

De la même façon, Monsieur AIT ALI B. l’avait également évoqué avec Monsieur B. au cours d’une conversation téléphonique en affirmant :

« Je vais te dire un truc, Inchallah si Dieu me couronne de succès (note : c’est-à-dire si l’évasion réussit), le truc de « mariage », moi je le règle bien, tu as compris ? ».

Me HOLLEAUX a ainsi insisté sur le fait que dans les propos de Monsieur AIT ALI B., la deuxième phrase est conditionnée par la première. Me HOLLEAUX a ensuite rappelé au Tribunal que Monsieur AIT ALI B. avait indiqué aux enquêteurs qu’en 1995, un attentat était désigné par le terme « fête » et qu’il y avait tout lieu de considérer que le terme de « mariage » pouvait avoir une connotation similaire.

Par ailleurs, Me HOLLEAUX a insisté sur la personnalité de Monsieur AIT ALI B., ainsi que sur les actes qu’il avait commis en 1995 et les propos qu’il avait tenus devant le Tribunal correctionnel de Paris en 1999, à savoir : « Vous irez en enfer. Nous ne reculerons devant rien, aucun sacrifice, nous aimons la mort comme vous aimez la vie », « J’ai été envoyé par l’émir du GIA pour combattre la France » mais encore « J’avais d’autres projets. J’aurais continué à poser des bombes si je n’avais pas été arrêté ».

Me HOLLEAUX a donc considéré que Monsieur AIT ALI B. souhaitait mettre en œuvre les projets qu’il avait annoncés en 1999 en préparant la commission d’un nouvel attentat, à l’aide des recettes de poisons, toutes mortelles, opérationnelles et faciles d’utilisation (comme la fabrication des bombes en 1995), retrouvées en sa possession.

Me HOLLEAUX a ainsi affirmé que tous ces éléments ne pouvaient s’analyser qu’en la préparation d’un projet d’attentat par Messieurs AIT ALI B.et B.

b) La défense
Me VAN DER MEULEN, assurant la défense de Monsieur AIT ALI B., s’est d’abord efforcé d’expliquer les raisons derrière le projet d’évasion de Monsieur AIT ALI B.. Il a ainsi affirmé qu’un homme qui est condamné à un âge si jeune de purger une peine de réclusion criminelle à perpétuité a besoin de se projeter dehors et de s’évader d’esprit. Me VAN DER MEULEN a ensuite prétendu qu’il n’existait aucun élément permettant de considérer que son client avait préparé la commission d’un attentant. Il a ainsi sollicité du Tribunal la relaxe de son client pour la prévention de terrorisme.

Me TOURNE, assurant la défense de Monsieur B., a très longuement plaidé la théorie du complot selon laquelle son client serait victime de la raison d’Etat, ce dossier serait vide et aurait été monté de toute pièce depuis le départ par la DCRI afin de mettre fin à l’assignation à résidence de son client pour le placer une nouvelle fois en détention. Il a ainsi sollicité du Tribunal la relaxe de son client pour la prévention de terrorisme.

Monsieur Fouad B. a reconnu avoir eu le projet de s’évader. En revanche, il a nié avoir préparé ce projet en bande organisée de plusieurs détenus dont Smaïn AIT ALI B. et lui-même. Il a aussi nié toute participation à un projet terroriste.

Messieurs Teddy V., Thamer B., Amedy C. et Kamel/Omar B. ont tous nié avoir participé à une entente établie en vue de la préparation de l’évasion des détenus Smaïn AIT B. et Fouad B.. Les prévenus ont également nié avoir participé à la préparation d’une quelconque attaque terroriste.

Les avocats de Messieurs Fouad B., Teddy V., Thamer B., Amedy C. et Kamel/Omar B. ont plaidé l’absence d’éléments dans le dossier, permettant de considérer que leurs clients avaient préparé la commission d’une attaque terroriste. Ils ont ainsi sollicité du Tribunal la relaxe de leurs clients pour la prévention de terrorisme.

3. Les réquisitions de Monsieur le Procureur de la République

Monsieur le Procureur de la République a affirmé que trois points ressortaient clairement du dossier et devaient être soulevés :
-  Le projet d’évasion des Messieurs Smaïn AIT ALI B. et Fouad B. devait se réaliser par un commando et devait se concrétiser avec l’usage d’armes ;
-  Ce projet d’évasion concernait deux hommes, dont l’un avait été condamné d’avoir participé aux attentats de 1995 et d’avoir ainsi propagé la terreur sur le territoire national ; or, ce projet avait une portée symbolique toute particulière ;
-  Cette évasion préexistait à un autre projet, qui était celui de commettre une attaque terroriste.

Monsieur le Procureur de la République a requis la condamnation de Messieurs AIT ALI B. et B. respectivement à 16 et 14 années d’emprisonnement assortis aux deux tiers d’une période de sûreté pour avoir préparé un projet d’évasion et un attentat de grande ampleur.

Monsieur le Procureur de la République a requis la condamnation de Monsieur Teddy V. à 10 ans d’emprisonnement assortis aux deux tiers d’une période de sûreté pour avoir préparé un projet d’évasion.

Monsieur le Procureur de la République a requis la condamnation de Messieurs Fouad B., Thamer B., Kamel B. et Amedy C. respectivement à 9, 7, 6 et trois années d’emprisonnement pour avoir préparé un projet d’évasion et un attentat de grande ampleur.

Enfin, Monsieur le Procureur de la République a requis la condamnation de Monsieur Fouzi B. à 2 ans d’emprisonnement avec un an avec sursis pour avoir participé à la préparation d’un projet d’évasion.

Plusieurs victimes membres de SOS Attentats à l’époque sont venues assister aux audiences en mémoire de ceux qui sont morts en 1995 et par respect pour le travail accompli par Me Georges HOLLEAUX et Françoise RUDETZKI.


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