Sept ans après Xynthia, il reste beaucoup à faire

Pourvoi en cassation, procédures devant le tribunal administratif, reconstruction… La Faute-sur-Mer, station balnéaire vendéenne endeuillée (29 morts) par la tempête Xynthia, se remet lentement de la tragédie de 2010.

Dans l’attente du pourvoi en cassation

Tout le monde attend la date du pourvoi en cassation avec impatience. À commencer par les parties civiles. Car elles n’ont jamais digéré le jugement rendu par la cour d’appel de Poitiers (Vienne).

Au-delà de la condamnation jugée trop clémente, notamment pour l’ancien maire, René Marratier (deux ans de prison avec sursis), elles n’acceptent pas que la cour d’appel ait rejeté la faute personnelle, celle-ci ayant considéré que la faute commise par l’ancien maire n’était pas détachable du service. Autrement dit, que René Marratier a agi dans le cadre de ses fonctions d’élu, et que sa responsabilité personnelle ne peut être engagée pour indemniser les victimes.

Une décision qui change beaucoup de choses, à la fois pour le prévenu - qui n’est pas comptable, sur ses deniers personnels, des fautes commises - et pour les plaignants. Les parties civiles (130) ont donc décidé de contre attaquer et de se pourvoir en cassation. À ce jour, la date du procès en cassation n’est pas connue.

Des victimes toujours pas indemnisées

La cour d’appel de Poitiers a invité les parties civiles à se tourner vers le tribunal administratif de Nantes, pour obtenir réparation de leur préjudice.

Entre les estimations des avocats des victimes, qui ont chiffré le montant des préjudices civils à près de 21 millions d’euros, et celles du tribunal de grande instance des Sables-d’Olonne (Vendée), qui les a évalués à près de 5 millions d’euros, la fourchette est large.

En parallèle à cette procédure judiciaire, « qui peut durer 4 à 5 ans », estime Renaud Pinoit, président de l’Association des victimes des inondations de La Faute (Avif), les différentes parties continuent d’échanger pour tenter de trouver un accord à l’amiable.

« Nous n’avons rien perçu, à part des remboursements pour nos frais lors des procès notamment », indique Renaud Pinoit.

Triple peine pour La Faute-sur-Mer

La cour d’appel ayant jugé que la faute du maire n’était pas détachable du service, le maire est « couvert » par la commune. C’est donc à elle de supporter les conséquences financières de la tragédie, sauf si la Cour de cassation revient sur cette décision.

Concrètement, la commune pourrait être amenée à payer les intérêts civils à verser aux parties civiles, qui se chiffrent à plusieurs millions d’euros, le tribunal administratif devant se prononcer prochainement.

D’autres ne s’y sont pas trompés, comme le Crédit mutuel océan qui réclame à la commune de La Faute-sur-Mer le remboursement des indemnités versées à des assurés victimes de la tempête. Montant de la facture ? 1,5 million d’euros.

Et ce n’est pas tout. Me Antonin Lévy, avocat de René Marratier, réclame 240 000 € à la commune. Là encore, l’avocat considère que ces frais d’honoraires sont à la charge de la commune.

Seule bonne nouvelle pour la commune, la demande de l’avocat parisien vient d’être rejetée par le bâtonnier du barreau de Paris. Mais rien n’empêche le très médiatique avocat parisien (qui défend François Fillon aujourd’hui) de faire appel.

Si elle devait payer, La Faute se tournerait vers son assureur, la Smacl. À ce jour, entre frais d’avocats et frais de justice, la Smacl a déjà versé environ 600 000 €.

Patrick Jouin, maire de La Faute-sur-Mer, veut croire que la raison va l’emporter. « Comment une commune de 700 habitants peut-elle payer de telles sommes ?, interroge-t-il. Ça n’a aucun sens. Nous sommes victimes d’une triple peine, avec la mort de 29 personnes, les destructions aveugles des maisons voulues par Sarkozy dénoncées par un rapport de la cour des comptes et la baisse des ressources, qui représente 30 % de notre budget, et l’image de la commune qui a été abîmée.  »

La résilience en marche

Le mot résilience (popularisé par Boris Cyrulnik) prend à La Faute-sur-Mer tout son sens.

Le drame puis le procès ont profondément divisé le village, entre défenseurs de l’ancien maire, René Marratier, et ceux qui veulent faire toute la lumière sur ce drame. « Certains sont encore dans le déni, mais ils sont de moins en moins nombreux », constate le maire.

Sept ans après, La Faute-sur-Mer se reconstruit lentement. Un golf neuf trous est né à l’emplacement des maisons déconstruites. Des pistes cyclables ont vu le jour. De nouvelles protections (digue du Platin notamment) sont apparues. « Ça redonne un élan à la commune, tout le monde a envie de se battre pour la redresser », ajoute le maire.

Chacun tente d’y mettre du sien, conscient que le moindre grain de sable peut raviver les tensions. Un simple regard sur les échanges - désormais filmés -, en conseil municipal suffit pour se convaincre que la situation reste très tendue.

« Personne ne souhaite que la situation s’éternise, il faut régler les problèmes sans en créer d’autres », constate Renaud Pinoit, président de l’Avif.

Repères

27 au 28 février 2010. La tempête Xynthia frappe les côtes françaises. Bilan : 29 morts à La Faute-sur-Mer (Vendée).

Avril 2010. Gisèle Arnault, dont le père est décédé lors de la tempête, est la première à déposer plainte contre X.

8 avril 2010. L’État présente les zones noires, qui délimitent les secteurs où les maisons seront détruites. C’est un tollé dans la population.

13 avril 2010. René Marratier est mis en examen. Il est poursuivi pour homicides involontaires et mise en danger de la vie d’autrui. Deux autres élus de La Faute, Françoise Babin et Patrick Maslin, puis Alain Jacobsoone, directeur départemental adjoint des territoires et de la mer, et enfin, Philippe Babin, président de l’association gérant la digue incriminée dans le drame sont, dans les jours suivants, mis en examen.

Septembre 2014. Procès Xynthia aux Sables-d’Olonne (Vendée). René Marratier est condamné à 4 ans de prison ferme, Françoise Babin a deux ans et demi de prison ferme,

4 avril 2016. La cour d’appel de Poitiers (Vienne) condamne finalement René Marratier à deux ans de prison avec sursis. Françoise Babin et son fils, Philippe, sont relaxés, de même que l’ancien directeur adjoint de la DDTM. Quant à Patrick Maslin, autre adjoint qui était poursuivi, les poursuites se sont éteintes, puisqu’il est décédé lors du procès en 1re instance aux Sables-d’Olonne, fin 2014.

Source : ouest-france.fr
Auteur : Philippe Ecalle
Date : 3 mars 2017

Crédit photos : Source : ouest-france.fr Auteur : Philippe Ecalle Date : 3 mars 2017

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