Procès Merah : un verdict en demi-teinte pour les familles de victimes

La condamnation d’Abdelkader Merah et de Fettah Malki pour association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste, a suscité des réactions mitigées parmi les parties civiles.

Le président de la cour d’assises a demandé le silence avant de procéder à la lecture du verdict, jeudi 2 novembre. Mais à l’annonce de l’acquittement d’Abdelkader Merah du crime de complicité d’assassinats, les familles des victimes n’ont pas pu réprimer un soupir de surprise mêlé d’indignation.

Certes, Abdelkader Merah et Fettah Malki ont été condamnés à la réclusion criminelle de 20 ans pour le premier et 14 ans pour le second pour association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste, mais les parties civiles espéraient voir les condamnations maximales requises lundi par l’avocate générale appliquées, notamment la perpétuité pour complicité d’assassinats.

"On est trop naïf en France"

Latifa Ibn Ziaten, mère de la première victime de Mohamed Merah, n’a pas caché ses larmes, ni sa déception en sortant de la salle d’audience. "Je suis vraiment déçue, mon fils est mort pour rien. Je pense qu’ils (les magistrats de la cour, NDLR) n’ont pas été jusqu’au bout", a réagi cette femme de 57 ans aujourd’hui engagée dans la lutte contre le radicalisme. "On est trop naïf en France. Il faut qu’on se réveille pour protéger notre pays, pour protéger nos enfants", a-t-elle lancé.

Les deux accusés, fidèles à l’impassibilité dont ils ont fait montre durant les cinq semaines qu’a duré le procès, n’ont rien laissé paraître sur leur visage. Éric Dupond-Moretti, l’avocat d’Abdelkader Merah, conspué à la sortie de la salle d’audience, a pour sa part salué la décision de justice : "En acquittant Abdelkader Merah du crime de complicité d’assassinats, la cour d’assises a rappelé que même dans les affaires de terrorisme les plus graves, la preuve et la règle de droit n’étaient pas reléguées au rang d’accessoires".

Le ténor du barreau a en outre estimé que les juges avaient "résisté à la pression de l’opinion publique" après la décision de la cour de ne pas reconnaître son client complice des assassinats perpétrés en mars 2012 par son frère jihadiste, Mohamed Merah. La défense d’Abdelkader Merah a dit envisager de faire appel mais s’est montrée modérée sur la décision de la cour d’assises.

Certains avocats de la partie civile se sont déclarés satisfaits, même si la peine maximale qu’ils souhaitaient pour Abdelkader Merah n’a pas été prononcée. "Nous respectons cette décision de justice", a dit Olivier Morice, avocat d’une d’entre elles. "Ce qu’il faut reconnaître et saluer, c’est que la justice française a condamné sereinement des terroristes pour association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste."

"Nous savions depuis le début que la complicité était délicate à qualifier et je crois que c’est une décision, aussi, qui peut avoir pour conséquence qu’il n’y ait pas d’appel de ce verdict. Les magistrats, très probablement, dans leur réflexion, se sont interrogés sur ce point", a relevé Me Morice.

"Un renoncement de la justice"

Pour Patrick Klugman, avocat d’un des parents de victimes, la "justice a été rendue et nous respectons la justice, car c’est la justice que nous attendions". Il a néanmoins regretté "que la cour n’ait pas été au bout de sa propre démarche", car "il était possible sereinement, juridiquement de condamner l’accusé pour la complicité d’assassinats".

"Ce soir, la justice est passée. Même si la complicité n’a pas été reconnue, les faits de terrorisme ont été relevés et la condamnation à ce titre est exemplaire", a abondé Me Elie Korchia.

D’autres en revanche se montrent plus amers. "Cette décision est un renoncement de la justice, je suis sous le choc", commente Laure Bergès-Kuntz, avocate de Loïc Liber, le militaire laissé tétraplégique. "Le verdict est d’une sévérité incroyable [pour les proches des victimes]", surenchérit Jean Talamet, avocat d’un parachutiste tué.

"C’est mieux que rien, mais nos enfants, eux, ont pris perpétuité. Bien sûr que je suis déçu", a déclaré à l’AFP Samuel Sandler, père et grand-père de trois des victimes tuées à l’école juive Ozar Hatorah de Toulouse. "Il (Abdelkader Merah) aura tout oublié dans quinze ans. Nous, notre peine, notre malheur est éternel."

Date : 03/11/17
Auteur : Aude Mazoué
Source : France 24

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