Procès Concorde : l’impartialité des experts judiciaires en question

PONTOISE — La défense de Continental Airlines, l’un des principaux prévenus au procès de l’accident du Concorde (113 morts le 25 juillet 2000 à Gonesse), a mis en doute mercredi l’impartialité des experts judiciaires, dont certains sont d’anciens salariés d’Air France, partie civile.
Deux des principaux experts judiciaires, chargés de missions successives pendant l’instruction, ont été pour la première fois appelés à la barre.

Avant de prêter serment, ils ont comme c’est l’usage décliné leur profession.

L’un, Claude Guibert, 74 ans, a été successivement commandant de bord, instructeur, pilote d’essai, gérant de compagnie aérienne et chef de cabinet d’expertise. Il a travaillé notamment pour la compagnie UTA, "20 ans avant qu’elle ne soit rachetée par Air France", a-t-il expliqué.

Mais le deuxième, Jacques Chauvin, 65 ans, a travaillé pendant plus de 38 ans chez Air France, où il a été successivement copilote et pilote de Concorde.

A compter de mars 2000, il s’est retrouvé en arrêt maladie à cause d’un problème d’oreille interne, ce qui l’a obligé à quitter la compagnie en novembre 2000, date de son "licenciement professionnel pour raison médicale", a-t-il détaillé.

"Lorsque vous avez été nommé expert, vous étiez donc toujours salarié d’Air France ?", s’est étonné Me Olivier Metzner, qui représente Continental Airlines.

D’autant que Jean Belotti, un autre expert, qui ne s’est pas présenté au procès pour raisons de santé, était pour sa part retraité d’Air France quand il a été désigné, a rappelé l’avocat. "Nous avons donc deux experts qui avaient travaillé pour Air France", a-t-il protesté.

Toute responsabilité pénale de la compagnie française, exploitante du Concorde qui s’est écrasé il y a dix ans à Gonesse (Val d’Oise), a été écartée par les enquêteurs. Selon l’accusation, c’est une lamelle perdue par un DC10 de Continental Airlines, ayant décollé de Roissy quelques minutes avant le supersonique, qui a déclenché l’accident en faisant éclater un pneu.

"J’appartiens à une génération pour qui le mot "honneur" a un sens. Je regrette d’être mis en cause de cette façon", s’est défendu M. Chauvin.

Mais la défense n’a pas lâché prise. "Je découvre aujourd’hui que M. Chauvin était salarié d’Air France quand il a été désigné. Je verrai la traduction procédurale qu’éventuellement je peux en faire", a déclaré Me Emmanuel Marsigny, avocat d’un ancien salarié de Continental Airlines, Stanley Ford, l’un des prévenus.

"Je pense à mon client américain, où la procédure est totalement différente", et où ce qui peut sembler "courant et normal" en France peut
étonner, a-t-il ajouté.

Au premier jour du procès, le 2 février, plusieurs avocats de la défense, dont Mes Metzner et Marsigny, avaient plaidé la nullité de l’ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel, au motif qu’elle ne prenait pas en compte les éléments à décharge.

Ce document rédigé par le juge d’instruction est censé répertorier les éléments à charge et à décharge concernant les prévenus.
La présidente du tribunal, Dominique Andréassier, avait décidé de se prononcer sur cette question à l’issue du procès, dans son délibéré.

De Pascale JUILLIARD (AFP)


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