Procès AZF en appel : l’ancien membre du CHSCT croit à la piste chimique

Depuis l’ouverture de l’audience en appel de la catastrophe d’AZF, les témoignages « vrais », ceux qui demeurent dans les mémoires, ont été rares. Georges Paillas et Jacques Mignard restent dans les esprits. Serge Baggi, 63 ans, les a rejoints hier à l’occasion des 2 h 20 qu’il a passées à la barre. Cet ancien du laboratoire de l’usine, 14 ans d’AZF, Cégétiste engagé, a appartenu à la commission d’enquête du comité d’hygiène de sécurité et des conditions de travail (CHSCT). Il parle du travail collectif réalisé à cette occasion, des rapports rendus qui écartaient la piste chimique. Au-delà, il évoque ses doutes, ses discussions avec ses amis, ses « camarades » de Mémoire et solidarité dont il est membre. « On n’est pas toujours d’accord. Pas souvent d’ailleurs. Vous savez, ils défendent tout sauf la piste chimique ! »

Cette piste, le CHSCT l’a écartée en 2003. « Nous n’avions pas la preuve », admet Serge Baggi. Pourtant, aujourd’hui, le témoin ne le cache pas : « Par élimination, c’est la plus probable ». Et aussi « Progressivement, sans preuve, beaucoup d’arguments plaident pour l’accident ». Serge Baggi sait sa position compliquée et très critiquée. D’ailleurs les avocats de la défense, Mes Courrégé et Bonnard, s’en agacent, titillent, ironisent mais l’homme a les idées claires et un long passé de syndicaliste. Pas simple à contrer.

Alors que dit-il ? D’abord il affirme que Jean-Claude Panel, chargé d’un inventaire dans le demi-grand, le 335, lui a dit qu’il avait décompté des sacs de dérivés chlorés. « Ce n’était pas une surprise. On pensait qu’ils étaient lavés… » Problème, ces sacs ont « disparu » des listes de la commission d’enquête interne. Commission dont Serge Baggi admet, au passage, que certaines positions de ses membres, ou « oubli », lui sont restées en travers de la gorge. Et notamment la « disparition » de la fameuse dernière benne déversée par Gilles Faure au 221.

Il propose également une vision de la réalité du chaos de l’usine après la catastrophe et de l’état d’esprit des ouvriers. « Bien sûr qu’on n’y croie pas à l’accident chimique. Personne. Toulouse c’est une super-usine : 20 % du chiffre d’affaire des onze sites (Grande Paroisse), 20 % de la valeur ajoutée. Il y a une fierté. Là, nous nous retrouvons face à des gars morts à leur poste. 21 morts dans l’usine ! Il existe un vrai sentiment de culpabilité ».

Ce sentiment, aux yeux de Serge Baggi, explique encore aujourd’hui le refus de la piste chimique par certains ouvriers. « Beaucoup s’attachent à des témoignages pour la décréter impossible. Les témoignages, c’est difficile. Certains, je ne peux les expliquer. Mais les faits, la réalité, elle s’impose aussi. On peut parler de l’hélicoptère, de la météorite, de l’électricité… Mais au final, il reste quoi ? »

Jean COHADON - La Dépêche - 15 février 2012


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