Procès AZF - 4 mois pour comprendre

Aujourd’hui à 14 heures va débuter le procès en appel de la catastrophe d’AZF, deux ans après le premier jugement. Que peut-on attendre d’un nouveau procès ?

Soulagement pour les uns. Stupéfaction pour certains. Colère pour d’autres. Le 19 novembre 2009, le tribunal correctionnel de Toulouse rendait son jugement du procès de la catastrophe d’AZF, qui s’était déroulé de février à juin. Pour prononcer la relaxe de Serge Biechlin, alors directeur de l’usine, et de la société Grande Paroisse, filiale de Total. Le ministère public avait requis trois ans de prison avec sursis et 45 000 € d’amende contre le directeur, 225 000 € contre Grande Paroisse, estimant qu’ils avaient commis des négligences qui ont été à l’origine de la catastrophe : 31 morts et des milliers de blessés le 21 septembre 2001.

Une relaxe « au bénéfice du doute »… Une décision qui a provoqué un grand trouble chez les Toulousains, qui s’attendaient à une condamnation de Grande Paroisse et de Total, et qui ont eu du mal à comprendre que le tribunal puisse à la fois dire que des erreurs avaient été commises et ne pas désigner des coupables.

SOULAGEMENT D’UN COTE, COLERE DE L’AUTRE

Pour Serge Biechlin, pour le groupe Total, c’était le soulagement. Soulagement aussi pour les anciens salariés de l’usine, qui avaient beaucoup souffert d’être montrés du doigt après la catastrophe. Ce verdict a quelque peu pansé leurs plaies.

Colère, en revanche, du côté des parties civiles, qui attendaient que Total et Grande Paroisse soient condamnés au pénal, et qui sont persuadées que c’est bien une faute, la mise en présence de produits incompatibles, chlore et nitrate, qui est à l’origine de la catastrophe.

Dès le lendemain du verdict, le parquet a fait appel du jugement. L’audience va donc s’ouvrir aujourd’hui à partir de 14 heures, exactement dans les mêmes conditions que lors du procès en première instance, dans la Salle Mermoz de Toulouse. La cour va donc reprendre le dossier tel qu’il a été présenté par l’ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel, comme si le procès en première instance n’avait pas existé, ou presque.

Ce nouveau procès n’aura peut-être pas la dimension émotionnelle qui avait été celle de la première instance. En revanche, il risque d’être beaucoup plus âpre de part et d’autre de la barre. Car le premier procès a laissé beaucoup d’interrogations et de frustrations.


"Confirmer la relaxe" pour Daniel Soulez-Larivière, avocat de Serge Biechlin

« Nous avons obtenu la relaxe devant le tribunal, nous entendons bien plaider la confirmation devant la cour, explique Daniel Soulez-Larivière, avocat de Serge Biechlin.

En ce qui nous concerne, nous avons cherché à approfondir notre travail et les recherches que nous avions menées. Nous n’avons rien découvert de stupéfiant, mais nous allons présenter un certain nombre d’experts, qui devraient défendre notre thèse de manière plus simple et plus compréhensible. Il devrait y avoir moins de personnes convoquées devant la cour que devant le tribunal. Maintenant, l’affaire a été « concentrée » en quelque sorte par le premier jugement.

Nous allons tenter d’aller à l’essentiel, et en particulier nous recentrer sur l’éventualité des deux événements. Ce double phénomène, on n’a pas trouvé ce que c’était, ni de rapport de causalité, mais on peut se poser des questions. Nous allons aussi explorer l’acte volontaire, mais pas sur les recherches qui avaient été faites.

Quant à ces fameux tirs que nous présente l’accusation, nous avons bien approfondi le problème, nous allons démonter que cela ne marche pas. Nous allons être beaucoup plus démonstratifs sur cette question. Nous ne présenterons donc rien de révolutionnaire, mais nous allons essayer de concentrer notre travail, faire des économies de temps et éviter l’émiettement. »


"Tout pour condamner" selon Stella Bisseuil, avocate des familles endeuillées

« Je pense que tout le monde a bien conscience que ce procès sera la dernière ligne droite : après, nous n’aurons plus jamais l’occasion de rouvrir ce dossier du moins à Toulouse, explique Stella Bisseuil, avocate des familles endeuillées.

Il me semble que le climat est encore plus tendu qu’en première instance : les salariés veulent défendre leur honneur, les familles l’honneur de leurs morts. C’est un conflit symbolique très aigu…

La cour d’appel aura tous les éléments en main pour entrer en voie de condamnation : si on examine avec attention le premier jugement, on y découvre que le juge de première instance était sans doute à deux doigts de remplacer le mot « relaxe » par le mot « condamnation » ! On sent que tout cela n’a tenu qu’à un fil, et que la cour d’appel peut saisir ce fil d’une manière différente !

D’autant que désormais on dispose des procès verbaux du comité d’établissement : à partir ce ces documents, on peut en déduire que beaucoup de gens chez Total ont menti ! Le mensonge a été la position de Total dès le départ ! AZF était un site dont Total voulait se débarrasser, et la société ne voulait pas investir un centime sur ce site.

Je suis très motivée : j’ai bien revu ce dossier et pour moi, il n’est pas possible que la cour d’appel ne voit pas ce que moi, je vois ! »

La Dépêche - Dominique Delpiroux - 3 novembre 2011


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