"Nous, victimes d’attentat, on nous fait progressivement glisser dans l’oubli"

Le 13 novembre 2015, Michaël Dias a perdu son père Manuel, unique victime décédée au stade de France. Il déplore la politique du nouveau gouvernement dans l’accompagnement des victimes, notamment la disparition du secrétariat d’État, et s’inquiète des indemnisations à l’avenir.

Lors du match France-Angleterre mardi le président Emmanuel Macron et la Première ministre britannique, Theresa May, ont déposé une gerbe au stade de France, pour votre père. Étiez-vous présent ?

Non, j’étais invité, ma sœur et ma mère y étaient, mais, moi, j’ai décliné l’invitation. A cause de la suppression du secrétariat d’Etat aux victimes lors de la nomination du nouveau gouvernement, et aussi par divergence idéologique avec notre nouveau président.

On a appris via l’association "13 novembre, fraternité et vérité" que le secrétariat général à l’aide aux victimes a été supprimé, alors que le président a tenu un discours à ma famille en disant qu’on ne les oublierait pas… C’est la suite logique pour faire glisser les victimes du terrorisme dans l’oubli. C’était prévisible.

Pourquoi était-ce prévisible ?

Je l’avais déjà dit à Francois Hollande et Manuel Valls. Il y a une volonté de faire taire les voix dissonantes des victimes. Quand il y a des attentats, on essaie de nous caresser dans le sens du poil, nous dire que nous sommes les victimes d’une guerre, de personnes qui nous attaquent.

Avec la disparition du secrétariat d’Etat et du secrétaire général de l’aide aux victimes, que craigniez-vous ?

Nous avons été régulièrement en contact avec les deux. Aujourd’hui, on n’a plus de référent dans ce domaine. Le gouvernement trouvera sans doute quelque chose pour répondre à notre insatisfaction, mais c’est symptomatique, cette disparition n’est pas le fruit du hasard.

Comment avez-vous été soutenus par ces institutions ?

Quand notre père a été tué, il n’y avait rien. On ne savait pas qui appeler. C’était le chaos. C’était un parcours du combattant, d’avoir recours à un avocat, d’être testé pour savoir si notre chagrin était sincère ou pas… Le secrétariat d’État venait essayer d’organiser l’aide aux victimes, sa suppression est inquiétante pour les victimes d’aujourd’hui et celles de demain. Avec toutes les attaques qui ont eu lieu, on a oublié les noms, les lieux…Il y en aura d’autres.

On n’est pas en guerre avec des idéologies, on est juste en guerre avec des pays du Moyen-Orient, qui souhaitent durcir le rapport de force avec l’Occident, à travers les ventes d’armes et de pétrole. Les victimes de terrorisme, c’est juste une façon de négocier, de continuer à prioriser le business par rapport aux vies, et très peu de monde le dit. Vouloir faire taire les victimes, c’est éviter que des voix s’élèvent pour dénoncer cela…

Ces inquiétudes concernent-elles aussi le Fonds de garantie des victimes d’actes de terrorisme (FGTI) et les indemnisations ?

Là, on est dans une phase où les avocats essaient encore de définir la part d’indemnisation totale du préjudice. Aujourd’hui, nos avocats ont beaucoup de mal à joindre le FGTI. C’est peut-être une façon de jouer le rapport de force avec l’État, à travers l’indemnisation. Craint-on d’avoir de plus en plus de victimes qui réclament, demander des aides ? Ça peut jouer sur la baisse des indemnisations.

L’indemnisation à la base est ridicule. Ce qui est inquiétant, c’est surtout pour les gens qui ont perdu une autonomie financière considérable, et qui ne sont pas compensés à la hauteur de ce qu’ils perdent tous les mois, et qui ne peuvent plus vivre raisonnablement pour une raison qui ne dépend pas d’eux. Ils ont été frappés par des dommages collatéraux. Je ne parle pas du chagrin, ni de compensation morale, qui ne sont pas quantifiables.

Quel rôle ont joué les associations de victimes ?

C’est un peu la seule chose qui nous reste. Elles sont importantes. Si on veut être entendu et reçu jusqu’à l’Élysée, c’est grâce à elles… On peut avoir du poids, des fonds aussi pour mener certaines batailles. J’espère que le président va créer quelque chose qui nous permettent de rester dans la lumière. De toute façon, il y aura d’autres attaques, il sera forcément obligé d’apporter d’autres solutions. Ce n’est pas une tragédie aérienne, on est sur quelque chose de récurrent. En espérant que ça réponde aux besoins des victimes d’aujourd’hui et de celles qui suivront.

Source : dna.fr
Auteur : Xavier Frère
Date : 16 juin 2017

Crédit photos : Source : dna.fr Auteur : Xavier Frère Date : 16 juin 2017

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