MH370 : le grand désarroi de la famille Wattrelos

Ghislain a perdu sa femme et deux de ses trois enfants dans le Boeing de la Malaysia Airlines dont on est sans nouvelles depuis trois mois. Avec sa belle-sœur, il réclame "une enquête internationale sérieuse".

Il a d’abord gardé le silence : "Nous n’avions pas grand-chose à dire à part notre douleur." Mais trois mois après la disparition du vol MH370, transportant sa femme, Laurence, et deux de ses trois enfants (Hadrien, 17 ans, et Ambre, 13 ans), Ghislain Wattrelos n’y tient plus : "Nous sommes en colère. L’enquête officielle raconte n’importe quoi, on nous cache des choses.Le Boeing 777 de la Malaysia Airlines s’est volatilisé le 8 mars, avec 239 personnes à bord. Depuis, aucune épave, aucune piste sérieuse permettant de comprendre pourquoi cet appareil, qui devait relier Kuala Lumpur à Pékin, a délibérément changé de cap. "Ce n’est pas un accident, mais un détournement d’avion", affirme Ghislain, avant de sortir des cartes : "L’avion a changé plusieurs fois de direction. Il n’a pas été mis en pilotage automatique, sinon il aurait gardé le cap initial. Il a, au contraire, modifié sa trajectoire pour éviter les radars. De plus, il n’a pas tenté d’atterrir en urgence à l’aéroport le plus proche, il a continué à voler pendant plusieurs heures."

L’enquête a fait naître des soupçons

Dès le 14 mars, le père a donc porté plainte pour "acte de terrorisme dû à un détournement d’aéronef". Le 5 mai, la famille fait de même en se constituant partie civile. Mais rien ne bouge. La justice française, elle, a engagé une procédure dès le début, puis désigné un juge d’instruction le 7 mai, mais pour "homicide involontaire". "Qu’est-ce que cela signifie ?, s’indigne Pascale Derrien, avocate et sœur de Laurence Wattrelos. Quelqu’un aurait tué les passagers par accident ? Pourtant, tout nous montre l’inverse. Que sait réellement la France ?"

Trois mois d’enquête, émaillés de contradictions, ont fait naître chez eux des soupçons. Comment expliquer, par exemple, que la Malaisie oriente au départ les recherches en mer de Chine, à l’est de Kuala Lumpur, alors que les radars ont détecté l’avion à l’ouest ? Pourquoi nier, dans un premier temps, que l’appareil a volé près de sept heures après la coupure des systèmes de communication ? "Depuis le début, on cherche à nous vendre une histoire qui n’est pas la bonne", confie le père de famille.

Les recherches internationales menées dans l’océan Indien – où l’avion se serait abîmé – n’ont rien donné pour l’instant… Les objets repêchés n’ont pas de lien avec le Boeing. Les signaux assimilés aux balises des boîtes noires étaient vraisemblablement émis par le bateau cherchant à les localiser. "L’avion n’est pas là où on le cherche, analyse Ghislain. Tout ceci n’est qu’une mise en scène afin de pouvoir dire, dans deux ans, que tout a été mis en œuvre mais que l’on n’a malheureusement rien trouvé…"

Récompense à ceux qui donneraient des infos

Comment admettre qu’un Boeing 777 puisse disparaître ? "Cette zone de l’Asie est extrêmement militarisée et surveillée. Les États qui ont des satellites sur la zone savent ce qui s’est passé", estiment-Ghislain et sa belle-sœur. Ils ont été reçus par le Quai d’Orsay, mais se sentent malgré tout "complètement abandonnés" : "Aucune autorité française n’est allée en Malaisie demander des comptes. Il y a pourtant quatre Français dans cet avion." M. Wattrelos a donc envoyé une lettre à François Hollande, il y a dix jours, lui demandant de "communiquer les données militaires à des enquêteurs indépendants" et de "faire pression pour qu’il y ait une vraie enquête internationale menée par des gens compétents". Il espère une réponse : "Il y a une telle omerta dans cette affaire."

Les familles de disparus ont lancé une collecte pour lever 5 millions de dollars afin de récompenser "les gens qui donneront des informations". Chacun peut faire un don (à partir de 5 dollars). "Que ceux qui savent parlent !, insiste Ghislain, membre du comité de gestion. Abrégez nos souffrances ! Dites-nous ce qui s’est passé."

Mais tant qu’il n’y a pas de preuves du crash, il conserve un espoir. "L’avion a peut-être atterri quelque part. Après, les passagers ont été tués, sont retenus en otages, je n’en sais rien." Annonces, démentis, "depuis trois mois, c’est infernal !", souffle Pascale.

Mi-mai, tous deux sont retournés à Pékin pour vider la maison des expatriés. "Vous imaginez ? Vous ne savez pas quoi ramener en France. Faut-il recréer la chambre de sa fille, de son fils ? Cela a été un moment…" Le père n’achève pas sa phrase. "Ce qui me fait tenir, c’est qu’il me reste mon fils aîné. Je dois lui montrer l’exemple. Ma priorité, c’est de l’aider à se reconstruire, de faire bien mon boulot, et de me battre pour connaître la vérité."

JDD - Le 15 Juin 2014


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