Mediator : Jacques Servier tente de reporter son procès

Le pharmacien accusé de « tromperie aggravée » défend que les procédures de Nanterre et de Paris doivent être regroupées. Affaibli, il a quitté l’audience au bout de deux heures. Le tribunal dira ce mercredi si le procès se poursuit ou non.

Les bras croisés, parfaitement immobile comme statufié et le visage fixe, Jacques Servier, à 91 ans, a pris place mardi sur le banc des prévenus, en correctionnelle, à Nanterre ; la même que celle qu’il occupait il y a un an.

L’audience qui s’est ouverte pour juger l’un des volets de l’affaire du Mediator, médicament accusé d’avoir déjà causé des centaines de morts en France, avait un air de déjà-vu. La défense a développé les mêmes arguments que ceux soulevés en mai 2012, un procès qui avait tourné court pour des raisons procédurales. Cette fois encore, elle en réclame l’annulation.

Ainsi, on pourrait dire que Me Hervé Témime, conseil du fondateur des laboratoires Servier, a de la suite dans les idées. Même situation, même plaidoirie. Comme l’an passé, Jacques Servier et quatre coprévenus répondent à Nanterre de faits de « tromperie aggravée », poursuivis par une partie des victimes du Mediator dans le cadre d’une « citation directe », une procédure qui ne nécessite pas d’enquête préalable. En parallèle, deux juges spécialisés dans les affaires de santé publique instruisent au tribunal de Paris les mêmes faits -à l’initiative d’autres victimes- leur saisine étant d’ailleurs bien plus étendue.

En conséquence, pour la défense, Nanterre doit en quelque sorte lâcher l’affaire pour Paris, les avocats du laboratoire assurant du reste que l’instruction des deux juges de la capitale serait quasi achevée. Un argument qui avait déjà été avancé l’an passé…

Pour Me Témime, cette situation juridique à cheval entre Paris et Nanterre n’est pas tenable pour son client. L’avocat du pharmacien ne devrait en effet pas, pour le défendre, se servir de pièces, ou de rapports entre les mains des juges d’instruction et dont il a pourtant connaissance. De même, les juges de Nanterre devraient être parfaitement hermétiques aux « fuites » visant le travail des juges parisiens dont ils pourraient lire le contenu dans la presse.

« Il va revenir demain »

« Ce bal des hypocrites est un peu lassant », lâche l’avocat tentant de faire feu de tout bois pour obtenir gain de cause et demandant que Nanterre se déclare incompétent. Sur le plan pratique, l’existence de ces deux fronts judiciaires parallèles constitue aussi un casse-tête. L’un des prévenus jugé à Nanterre est ainsi convoqué ce mercredi par les juges parisiens. « Que faire ? », s’énerve Me François de Castro, assurant aussi la défense du clan Servier.

Du côté des parties civiles, on ne l’entend évidemment pas de la même manière. Même si un bon nombre d’entre elles épousent la vision de la défense, préférant regrouper les procédures, d’autres, plus pressées, celles qui étaient présentes à l’audience - défendues notamment par Mes Honnorat et Verdier - ne veulent pas voir ce procès s’effondrer.

Sur le fond, le parquet a estimé que les arguments développés par la défense ne devaient pas être retenus. Sur l’incompétence qui a aussi été soulevée, il s’est montré réservé. Le tribunal de Nanterre dira ce mercredi si le procès se poursuit ou non. Affaibli, Jacques Servier, lui, a quitté l’audience après deux heures, soutenu par deux personnes et entouré par des policiers en civil. « Il est parti parce qu’il est malade. Il va revenir demain » mercredi, a assuré Lucy Vincent, porte-parole de l’entreprise.

lefigaro.fr, Angélique Négroni, le 21/05/13


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