Loïc Liber, blessé par Mohamed Merah : « Je me bats pour montrer qu’il n’a pas gagné »

Le caporal-chef Loïc Liber, grièvement blessé par Mohammed Merah, veut « bâtir un nouveau projet de vie » pour lui et sa famille.

Sur les murs en face de son lit, Loïc Liber a accroché les photos de sa vie d’avant. Celles où il pose fièrement dans son uniforme du 17e régiment du génie parachutiste, celles où il est entouré de ses « frères d’armes », celles où il pose avec ses proches en Guadeloupe. Une vie de soldat sportif et épanoui qui s’est brutalement interrompue sous les balles de Mohamed Merah, le 15 mars 2012, à la sortie de son régiment à Montauban (Tarn-et-Garonne). Le caporal-chef, alors âgé de 28 ans, a survécu à cette fusillade qui a coûté la vie à ses camarades Abel Chennouf et Mohamed Legouad. En vie mais tétraplégique et cloué sur un fauteuil. Malgré la douleur, ce soldat dans l’âme, qui a accroché son béret rouge sur son lit de l’Institution nationale des Invalides et qui a affiché les paroles de « la Marseillaise » à l’entrée de sa chambre, donne une incroyable leçon de courage.

Comment allez-vous ?
Loïc Liber. Pas très bien. Ce n’est pas évident d’être alité et de savoir que je ne pourrai plus bouger. Je suis totalement dépendant des autres. Psychologiquement, c’est difficile. Chaque jour est différent. En cinq ans, mon état de santé s’est malgré tout amélioré. On m’a installé un stimulateur dans le diaphragme pour m’aider à respirer seul, tous les jours je fais de la kiné respiratoire et de la rééducation, mes membres sont stimulés, ce qui me permet de bouger un peu les épaules. Pendant neuf mois, je n’ai pas pu parler mais aujourd’hui j’arrive à m’exprimer. Auparavant, j’étais debout, j’avais une force incroyable, je me sentais bien dans mon corps. Désormais, je suis engagé dans un nouveau combat. Je me bats avec moi-même, comme je peux.

Vous souvenez-vous des circonstances de l’attaque ?
Oui, très bien. Quand j’ai repris conscience à l’hôpital, j’ai d’abord cru que j’étais dans un cauchemar. Puis mes parents m’ont demandé si je savais pourquoi je me trouvais là. Et d’un seul coup, tout est revenu : la sortie du régiment avec mes camarades, l’arrêt au guichet pour retirer de l’argent puis l’attentat… Je ne l’ai pas vu venir car il nous a attaqués dans le dos. C’est un lâche. Il a entièrement gâché ma vie. Tous mes rêves, tous mes projets dans la vie se sont effondrés. C’est ce qui me rend aussi triste et malheureux.

Vous avez aussi appris la mort de vos deux compagnons de régiment…
C’était mes frès d’armes, mes amis. Je pense à eux et à leurs proches très souvent. Je les associe à mes prières, je leur demande leur soutien et je me bats pour eux. J’ai aussi appris que le terroriste s’en était ensuite pris à des enfants, ça m’a fait très mal. J’en ai pleuré.

Comment avez-vous réagi à la vague d’attentats depuis 2015 ?
J’ai l’impression que tout a démarré avec nous. A chaque attaque, je me sens concerné (NDLR : l’interview s’est déroulée pendant l’attentat de Marseille). La lâcheté de ces terroristes est sans limites. Je ne blâme pas la justice mais je pense que la surveillance des profils à risque doit être renforcée.

Vous allez témoigner au procès d’Abdelkader Merah. Pourquoi ?
C’est très important. J’ai envie de comprendre quel a été son rôle, comment il a pu inciter et encourager son frère à agir. Je parlerai aussi au nom de tous ceux qui ne sont plus là.

Vous ne prononcez jamais le nom de Mohamed Merah…
Son nom ne m’intéresse pas. C’est un type dégueulasse. Je ressens une haine profonde envers lui, du dégoût. Aujourd’hui, il n’est plus là, certes, mais j’aurais aimé le regarder en face. Parce que, dans mon malheur, j’ai eu une chance incroyable, celle d’être encore en vie. Et si je me bats tous les jours pour aller mieux, si je ne lâche pas, si dans ma tête je suis fort, c’est aussi pour montrer qu’il n’a pas gagné.

Comment envisagez-vous l’avenir ?
J’essaie d’aller de l’avant. Je dois bâtir un nouveau projet de vie. C’est un nouveau départ pour moi mais aussi pour ma famille dont la vie a également été bouleversée. Une chose me ferait énormément plaisir : retourner sur mon île, la Guadeloupe. C’est chez moi. Le peuple guadeloupéen me manque beaucoup. Je ressens un grand vide. On m’a fait comprendre qu’un déplacement n’était pas impossible mais ce sera très difficile. J’ai de la patience et du courage, j’espère y arriver.

Que vous a appris ce drame ?
Que la vie peut basculer à tout instant. C’est pourquoi il faut profiter de chaque seconde de l’existence. Et si j’ai la chance d’avoir survécu, je pense que c’est pour faire passer ce message à tous ceux qui souffrent : accrochez-vous, ne désespérez pas, gardez la foi et soyez combatif. Car la vie ne fait pas de cadeau.

Date : 02/10/17
Auteur : Timothée Boutry
Source : Le Parisien

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