Le rapport sur l’affaire Merah pointe des "défaillances objectives"

Le rapport sur l’affaire Merah, rendu public mardi, met en exergue "plusieurs défaillances objectives", notamment le loupé du Renseignement dans l’évaluation de la dangerosité du tueur au scooter.

Jugeant que ce rapport, qui lui a été remis vendredi, "prend acte des dysfonctionnements passés", le ministre de l’Intérieur Manuel Valls a dit sa volonté de "mettre en oeuvre rapidement les adaptations nécessaires".

Dans ce document de 17 pages, les deux rapporteurs de l’Inspection générale de la police nationale (IGPN, la police des polices) jugent que "plusieurs défaillances objectives ont été mises en lumière" par leur travail.

Critiqué lors du siège de l’appartement de Mohamed Merah en mars à Toulouse, le Raid sort toutefois conforté par le rapport selon lequel ses "choix tactiques", notamment celui d’interpeller l’assassin de sept personnes, chez lui plutôt qu’à l’extérieur, "paraissent cohérents".

Sur la traque, du premier assassinat le 11 mars, au début du siège dans la nuit du 20 au 21, Guy Desprats et Jérôme Léonnet se montrent peu diserts. Tout juste expriment-ils leur sentiment "que des cloisonnements (persistent) entre services, notamment entre police judiciaire et renseignement intérieur". Une source proche du dossier invoque la "procédure judiciaire en cours".

Même discrétion sur les relations entre le Renseignement intérieur (DCRI) et les autres services de renseignement, étrangers ou français, en particulier la DGSE. Là, c’est le secret-défense qui est mis en avant.

In fine, c’est l’évaluation de la dangerosité de Merah qui est la plus critiquée, même si les défaillances ne relèvent pas de "l’erreur caractérisée" mais "tiennent à la conjonction d’omissions et d’erreurs d’appréciation", "à des problèmes de pilotage et d’organisation des services et à des cloisonnements (...) entre renseignements intérieur, police judiciaire et sécurité publique".

Squarcini "pas entendu"

Ainsi, alors que Merah était connu depuis 2006 comme gravitant autour de la mouvance salafiste toulousaine, sa fiche de surveillance est désactivée en 2010 de manière "inopportune".

Contrôlé en Afghanistan en 2010, il est de nouveau l’objet de l’intérêt des Renseignements intérieurs, mais son "debriefing", le 14 novembre 2011, est raté, selon le rapport, et il n’est plus surveillé en janvier 2012. Pendant le siège de son appartement, lors de ses échanges avec un agent de la DCRI, Merah s’amusera de ce loupé.

Autre défaillance dont a pu profiter Merah, selon l’IGPN, le manque de fluidité dans le partage des informations entre services. Ainsi, quand une femme se plaint en juin 2010 que Merah a montré à son fils des vidéos de décapitation, l’information ne remonte pas à la DCRI. Merah s’est "ré-islamisé" en prison en février 2008, mais cet élément, qui aurait pu déclencher l’alarme, ne sera connu qu’à la mi-2011.

De même, le départ de Merah au Pakistan depuis Roissy, le 19 août 2011, passe inaperçu : le jeune homme choisit de faire une escale à Oman, qui ne fait pas partie des 31 destinations sensibles surveillées de près par les services.

Les rapporteurs souhaitent également que puissent être développés "de nouveaux moyens d’enquête", avec la "détection préventive dans le domaine financier". Merah louait un appartement et des véhicules sans bénéficier de revenus fixes.

Il souhaitent aussi que soit établi "un cadre juridique" permettant de suivre de près les sites jihadistes dont la consultation a pesé dans "la formation et (...) l’endoctrinement de Merah".

Interrogé par l’AFP, l’ancien patron de la DCRI a répondu qu’il réservait ses observations à la justice et affirmé qu’il ne mettait "pas en cause l’impartialité" des rapporteurs, relevant toutefois qu’ils ne l’avaient "pas entendu"

AFP - 23 octobre 2012


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