Le « procès Merah » s’ouvre dans une atmosphère tendue

Le procès du grand frère de Mohammed Merah, jugé pour « complicité d’assassinats », s’est ouvert lundi à la cour d’assises spéciale de Paris, alors que la mère du terroriste affirmait devant les médias que son fils aîné était innocent.

Le « procès Merah » s’ouvre dans une atmosphère tendue

Des mots simples, avant le vertige : « La justice a besoin de calme. Les faits sur lesquels nous allons nous pencher sont terribles et ont suscité un vif émoi. L’unique objet de ce procès est de déterminer si les accusés ici présents sont coupables. » C’est ainsi que Franck Zientara, le président de la cour d’assises spéciale, a ouvert le « procès Merah ». Un préambule sobre, mais essentiel.

Depuis l’aurore, les couloirs du palais de justice de Paris trahissent une intense nervosité. Cent-soixante journalistes se tiennent prêts à fondre sur les principaux acteurs d’une audience historique. Durant cinq semaines, la justice examine l’implication de deux proches de Mohammed Merah dans les tueries que ce dernier a perpétrées du 11 au 19 mars 2012. Trois militaires, un rabbin, et trois enfants juifs ont été abattus par le Toulousain de 23 ans, avant qu’il ne soit lui-même tué par le Raid à son domicile. Cinq ans et demi plus tard, ils ne sont donc que deux dans le box des accusés : Fettah Malki, 34 ans, une connaissance lui ayant fourni des armes. Et Abdelkader Merah, le grand frère, suspecté d’être celui qui l’a lentement conduit vers l’irréparable.

Tout de blanc vêtu, Abdelkader apparaît. La salle bruisse. Chemise et pantalon blanc immaculés, catogan lissé, l’accusé a soigné sa sortie. D’une voix éteinte, il prononce ses seuls mots de la journée : « Je suis Merah Abdelkader, né en 1982, détenu à Fleury-Mérogis. » Lorsqu’il se rassoit, le président entame l’appel de tous les témoins qui défileront à la barre. Arrive Zoulikha A., voilée de noir, la mère des frères Merah. Après s’être vue fixer une date d’audition, elle se retourne et salue brièvement son fils. La salle s’embrase. Des huées et des insultes descendent des bancs des parties civiles. Samuel Sandler, père de Jonathan et grand père de Gabriel et Arieh morts à l’école Ozar-Hatorah, éructe : « Ils ont tué mes enfants, elle n’a pas le droit ! »

La scène se poursuit dehors. Cette fois-ci, Zoulikha A. tente de fuir les objectifs. « Pensez-vous qu’Abdelkader est responsable de ce qu’a fait Mohammed ? » lui lance-t-on. « Non, Mohammed a fait ça tout seul », répond-elle, transparente de peur. Le matin, sur France Inter, son autre fils, Abdelghani, convaincu de la dangerosité d’Abdelkader, a réitéré les accusations qu’il assène inlassablement à son encontre : « Il restera un danger pour la France. » Entre ses deux fils, Zoulika A. a choisi.

Bernard Squaricini se ravise

Malgré quatre ans d’instruction, les magistrats n’ont récolté que de maigres éléments contre Abdelkader. Tout au plus a-t-il reconnu avoir participé au vol du scooter utilisé par Mohammed lors de ses crimes. Abdelkader lui a également acheté un blouson de moto, le même jour, dans la boutique Maxxess à Toulouse. Le reste réside dans des notes de la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI), attestant de la radicalité religieuse d’Abdelkader. Si elle ne se dément pas – il a côtoyé au plus près les frères Clain et les frères Essid, tous partis depuis rejoindre l’Etat islamique (EI) en Syrie –, elle ne saurait constituer une preuve judiciaire de l’influence d’Abdelkader sur les projets de Mohammed. Et ce alors qu’un témoin clé, Bernard Squaricini, ex-taulier du renseignement intérieur, a d’abord refusé de venir éclairer la lanterne de la cour, avant de se raviser de deux tweets lundi en fin de journée.

« Le Squale » se savait très attendu. Son service a été vivement critiqué pour le fiasco qu’a constitué la gestion du cas Merah. Entre failles dans le suivi et erreur d’interprétation, le terroriste s’est joué de sa surveillance avec une facilité déconcertante. A l’époque, Squarcini avait en outre évoqué la piste « du loup solitaire » concernant Merah. Une analyse qui avait fait tousser les magistrats instructeurs. Il y a quelques jours, « le Squale » a adressé une lettre au président de la cour d’assises. Il y explique qu’il a été placé sous le statut de témoin assisté après une plainte « pour mise en danger de la vie d’autrui » déposée en octobre 2012 par Albert Chennouf, le père d’un militaire tué par Merah. Squarcini désirait donc « réserver ses déclarations au juge instruisant cette procédure ». Une façon habile de s’éviter un camouflet. Mais devant la colère des parties civiles comme de la défense, l’ex-patron de la DCRI a fait savoir qu’il serait présent au procès le 19 octobre.

Date : 02/10/17
Auteur : Willy Le Devin
Source : Libération

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