Un an après le crash du vol Egyptair reliant Paris au Caire, le gouvernement a organisé une cérémonie pour les proches des victimes, qui continuent de réclamer la vérité sur la catastrophe aérienne.
Banlieue est du Caire, vendredi soir. Devant le siège de l’Aviation civile, près de l’aéroport, une tente blanche abrite les proches des victimes. Un an après le crash du vol MS 804 reliant Paris au Caire, l’Égypte organisait une commémoration. Le 19 mai 2016, un Airbus A320 d’Egyptair s’était écrasé en Méditerranée avec 66 personnes à bord, parmi lesquelles 30 Égyptiens et 15 Français.
La logistique est très stricte : les invités sont divisés en petits groupes et amenés séparément sur les lieux pour empêcher tout contact entre eux. En amont de la cérémonie, les reporters sont briefés par un membre d’Egyptair. Les consignes sont claires : interdiction d’approcher les familles, de leur parler, de les filmer ou de les photographier. Quand on demande pourquoi, il nous est répondu : « C’est comme ça. C’est interdit en Égypte... C’est leur demande. Il faut respecter leur peine. » Des membres des services de renseignement égyptiens et des employés de Kenyon International Emergency Service (Kies), spécialisés dans la gestion de crise, veillent à ce que les reporters n’approchent ni les familles ni le personnel d’Egyptair.
Au premier rang, deux drapeaux tricolores attendent l’ambassadeur de France et le consul. Sous le velum, les mines sont graves quand soudain se produit ce que les organisateurs voulaient éviter. Une femme voilée de noir pousse un cri, mais elle est vite encerclée par un groupe d’hommes qui la somment de se calmer. Surtout ne pas faire de scandale. À côté, les ambassadeurs ne se retournent pas. À la tribune, les noms des victimes sont énoncés un à un. Puis, moment surréaliste, un « life coach », comme présenté sur le programme, prend la parole. Il loue la nécessité « d’abandonner la colère, de se débarrasser des sentiments négatifs et
d’aller de l’avant ». Les invités le regardent, sceptiques. Le large rideau blanc traversant la salle s’ouvre, dévoilant une plaque avec les noms d’une cinquantaine de victimes, des familles, notamment françaises, ayant refusé que leurs proches figurent sur le monument. Les cameramen égyptiens sont alors sommés de ne pas filmer. Serait-ce pour éviter qu’ils ne montrent que certaines familles, malgré les sollicitations pressantes des organisateurs, refusent d’aller déposer une rose devant le mémorial ?
Interrogé sur les raisons du boycott par les victimes françaises, le ministre de l’Aviation civile égyptien, Sherif Fathi, répond au Figaro : « Je ne sais vraiment pas. » Chez Egyptair, on se contente de nous dire qu’« une commémoration comme celle-ci n’est pas obligatoire » et que les absents « ont eu la même cérémonie en France aujourd’hui ». En réalité, le vendredi matin, il s’agissait d’une manifestation devant l’ambassade d’Égypte à Paris. Les proches des Français décédés, mais aussi des autres nationalités, réclament la vérité sur la cause du crash. Ils demandent au président Macron et au ministre des affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, d’intercéder en leur faveur. Car si, au Caire, Sherif Fathi assure qu’« il y a un haut niveau de coopération » avec la France, à Paris, cette affirmation fait sourire tant l’Égypte n’a eu de cesse de ne pas collaborer. Des familles égyptiennes ont d’ailleurs fait appel à des avocats français en raison de leur défiance vis-à-vis du gouvernement du Caire.
Les juges français viennent de nommer un expert pour travailler sur l’emballement thermique. Ils lui demandent d’étudier la composition et les batteries des iPad et iPhone 6S comme ceux qui étaient à bord du cockpit d’où est partie la fumée. L’Égypte persisterait-elle dans sa théorie de l’attentat ? Au cours de la cérémonie, Egyptair a distribué aux familles une lettre expliquant que des explosifs ont été « détectés sur certains restes humains » par les enquêteurs égyptiens. L’information a pourtant été démentie par les gendarmes français. Une source au renseignement à Paris résume : « L’objectif du Caire est de gagner du temps, de ne jamais nous répondre. C’est un système soviétique, très hiérarchisé. Dans cette affaire, ils nous enfument depuis le début. »
Source : Le Figaro
Auteurs : Anne Jouan et Jenna Le Bras
Date : 22 mai 2017