La SNCF à l’épreuve de la catastrophe de Brétigny

L’accident, qui a coûté la vie a six personnes, intervient à une période clef pour l’avenir de la compagnie. En interne, le débat risque d’être rude avec les syndicats.

6 morts, 62 blessés : le bilan du terrible accident ferroviaire qui a eu lieu vendredi après-midi à Brétigny-sur-Orge (Essonne) a choqué les Français, qui sont tous, de manière régulière ou épisodique, des usagers du rail. Mais la tragédie met aussi sous pression la SNCF, au moment où l’établissement public s’apprête à négocier plusieurs virages cruciaux pour son avenir.

« La SNCF se considère comme responsable : elle est responsable de la vie de ses clients », indiquait dès samedi matin le président de la SNCF, Guillaume Pepy. La formule est générale, mais la compagnie ferroviaire devra, dans ce cas précis, faire la lumière sur son éventuel part de responsabilité dans le déraillement du Paris-Limoges. Certes, il faudra encore plusieurs semaines au moins pour que les 3 enquêtes lancées (celle de la SNCF, celle du Bureau enquête accidents du ministère des Transports et l’enquête judiciaire) rendent leur conclusions officielles. Mais la SNCF l’a révélé elle-même dès le lendemain du drame, le déraillement est dû à la défaillance d’une éclisse, une pièce métallique de 10 kilos servant à fixer deux rails dans l’aiguillage, qui s’est détachée et a bloqué le mécanisme. Pour quelle raison ? C’est ce que devront déterminer les investigations.

Le réseau ferroviaire appartient à Réseau Ferré de France (RFF), mais son entretien est délégué à SNCF Infra, l’une des plus importantes branches de la compagnie, avec 50.000 cheminots. Une opération de contrôle de l’aiguillage incriminé avait d’ailleurs eu lieu le 4 juillet. La thèse de la négligence, dans l’entretien ou le contrôle, est donc l’une des hypothèses parmi d’autres (au même titre qu’un acte de malveillance notamment).

Dans l’attente de certitudes sur les causes de l’accident, la SNCF voit sa culture de la sécurité, l’un des piliers de l’entreprise, pointée du doigt. Pourtant, le train reste le moyen de transport le plus sûr, largement devant la voiture. Surtout, « une défaillance individuelle d’un salarié, si elle était avérée, ne remettrait pas en cause les procédures mises en place par l’entreprise, qui sont au meilleur niveau international », souligne Bruno Gérard, PDG d’Oxand, une entreprise indépendante spécialisée dans la sécurité industrielle. Et il n’y a pas de hiérarchie selon le type de ligne : les méthodes de vérification des éclisses sont les mêmes, des TER au TGV. « S’il y a le moindre doute sur la sécurité, la SNCF comme RFF n’ont jamais transigé et préfèrent fermer la ligne », résume cet expert, qui a participé à l’audit du réseau menée l’an dernier par l’Ecole polytechnique de Lausanne. Selon l’Agence européenne du rail, la France est troisième sur le continent en matière de sécurité ferroviaire.

Préparation du plan stratégique

L’image de l’établissement public sur ce point n’en est pas moins écornée. Les associations de voyageurs les plus critiques n’ont pas hésité ce week-end à établir un lien (formellement contesté par la SNCF et RFF) entre la vétusté du réseau, avérée, et la sécurité. En interne, les débats risquent également d’être rudes avec les syndicats (voir ci-contre), même si ceux-ci se sont gardés pour l’heure de polémiquer. La direction est en pleine préparation de son plan stratégique 2013-2018, qui doit être dévoilé en septembre. Ce dernier doit notamment préparer la SNCF à l’ouverture à la concurrence en 2019. Guillaume Pepy a déjà indiqué qu’il souhaitait porter la marge opérationnelle du groupe de 3 à 4 milliards d’ici à cinq ans, ce qui passe par de substantielles économies et gains de productivité. La question de la sécurité va sans doute s’inviter dans la préparation du plan.

La tragédie du Paris-Limoges intervient enfin au moment où se met en place une réforme de première importance pour la compagnie. L’objectif est de « réunir la famille cheminote », c’est-à-dire la SNCF et RFF, dans un même groupe public ferroviaire. Ce rapprochement entre le propriétaire du réseau et celui qui l’entretient est de nature à favoriser la sécurité, à condition que le schéma d’organisation retenu ne soit pas trop alambiqué. Le drame de Brétigny pourrait, là encore, peser sur l’examen du projet de loi, espéré cet automne.

Lionel STEINMANN - 14 juillet 2013


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