L’exécutif en service de prévente

Le gouvernement a multiplié jeudi les déclarations sur la lutte antiterroriste, à quelques jours de l’examen du projet de loi renseignement.
Dès jeudi matin, ils étaient trois ministres au chevet de TV5 Monde, victime d’une cyberattaque dans la nuit de mercredi à jeudi. Bernard Cazeneuve (Intérieur), Laurent Fabius (Affaires étrangères) et Fleur Pellerin (Culture) ont tenu à réaffirmer leur détermination face « aux terroristes ». Fleur Pellerin l’a répété sur son compte Twitter, parlant « d’un véritable acte terroriste », un ton au-dessus de la secrétaire d’Etat à la Francophonie, Annnick Girardin, qui parlait, elle, « d’un acte écœurant et lâche ».

Même le Premier ministre a réagi sans tarder, toujours sur Twitter, condamnant « une atteinte inacceptable à la liberté d’information et d’expression ».Il a réitéré depuis la Loire, où il est en déplacement : « Les entreprises de communication peuvent être victimes d’attaques et de cyberattaques. C’est sans doute l’un des défis majeurs de notre société. » Alors que personne, pas même les services de police saisis de l’enquête, n’a encore la moindre idée de ce qui s’est passé à TV5 Monde, le gouvernement, lui, envoie le son.

Cette communication extensive ne doit rien au hasard. Lundi, l’Assemblée nationale commence l’examen du projet de loi sur le renseignement. Officiellement, il ne s’agit pas d’une loi antiterroriste, mais sa rédaction a été accélérée après les attentats de janvier. Depuis qu’il a été présenté en Conseil des ministres, le 19 mars, la société civile alerte contre de possibles dérives liberticides. A la mobilisation des défenseurs des libertés publiques et des acteurs du numériques a succédé un scepticisme qui gagne l’Hémicycle, voire l’exécutif. Selon le Canard Enchaîné, Christiane Taubira aurait fait part de ses doutes à des proches : « La loi sur le renseignement, qui permet une intrusion dans la vie privée, est aux antipodes de mes idées. »

A 17 heures, dans un vaste salon doré du ministère de la Culture, l’instrumentalisation politique de la cyberattaque contre TV5 Monde était encore plus éloquente. Après une courte introduction sur « la nécessaire protection des médias contre le terrorisme », Fleur Pellerin s’est effacée devant un Bernard Cazeneuve très martial. « Je ne dispose d’aucune information sur ce qui s’est passé techniquement. Il y a juste une revendication, débute-t-il. Mais il y a de fortes présomptions nous permettant de penser qu’il s’agit d’un acte terroriste. »

Devant les chaînes d’infos en continu, Bernard Cazeneuve a ensuite endossé le costume de VRP du projet de loi renseignement : « Notre pays, la France, est actuellement la cible d’une menace intense. C’est pourquoi nous recrutons 500 agents supplémentaires à la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), que nous débloquons 233 millions d’euros, etc., etc., etc. »

Au fond de la salle, Patrick Calvar, le patron de la DGSI, écoute attentivement. Le ministère de la Communication n’a jamais aussi bien porté son nom.

Source : liberation.fr
Auteur : Pierre Alonso et Willy Le Devin
Date : 9 avril 2015


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