Joola : la justice française délivre neuf mandats d’arrêts internationaux

Un juge français a délivré vendredi neuf mandats d’arrêts internationaux contre de hauts dignitaires sénégalais, dont l’ancienne premier ministre Mame Madior Boye, pour leur responsabilité présumée dans le naufrage du Joola, qui avait fait plus de 1.800 morts en septembre 2002.

Outre l’ex-premier ministre en fonction au moment du drame, ces mandats délivrés par le juge Jean-Wilfrid Noël, qui valent mise en examen, visent l’ex-ministre des forces armées Youba Sambou, et l’ex-ministre des transports Youssouf Sahko, ainsi que des responsables de l’armée et de la marine. Parmi eux se trouve le général Babacar Gaye, alors chef d’état-major général des armées et actuellement commandant de la Monuc (mission de l’Onu en République démocratique du Congo).

Une information judiciaire pour homicides involontaires et non-assistance à personnes en péril avait été ouverte à Evry le 1er avril 2003, après le dépôt de plaintes de familles de victimes françaises.

Selon Me Etienne Rosenthal, l’un des avocats des parties civiles françaises, une expertise complémentaire produite à la suite du déplacement au Sénégal du magistrat instructeur en janvier dernier confirment que la responsabilité de neuf personnes peut être engagée.

Selon lui, les experts ont constaté dans ce dossier 19 manquements à trois conventions internationales maritimes, ratifiées par la France et le Sénégal.

"Si, pour des actes quelconques, on recherche en cascade la responsabilité des auteurs pour arriver à des hommes d’Etat sénégalais, dont manifestement aucun acte n’a de lien avec ce délit-là, il est évident que cette chose est très grave et nous appliquerons la réciprocité", avait dit le porte-parole du président sénégalais Abdoulaye Wade, Me El Hadji Amadou Sall le 25 janvier dernier alors que le juge français se trouvait sur place.

Le juge Noël avait pu entendre une dizaine de personnes, mais les autorités sénégalaises avaient refusé que les personnes les plus haut placées soient auditionnées.

A la sortie d’une réunion de plusieurs heures vendredi avec le juge Noël, le président de l’association des familles de victimes Bernard Meyzie a fait part à l’AFP de sa "grande satisfaction".

Me Rosenthal a toutefois déploré que le parquet, qui a fait part oralement de ses réquisitions, qui ne sont pas encore rédigées, souhaite recourir à des mesures moins coercitives "pour apaiser la dimension politique du dossier".

Le parquet souhaite en effet que le juge délivre des commissions rogatoires internationales demandant aux autorités sénégalaises la mise en examen des personnes dont la responsabilité paraît engagée, selon l’avocat qui voit là une position "indéfendable".

Des commissions rogatoires avaient en effet déjà été délivrées, sans pouvoir aboutir faute de coopération de la part du Sénégal.

Le juge n’est toutefois pas tenu de suivre ces réquisitions.

Le Joola avait chaviré au large de la Gambie le 26 septembre 2002, alors qu’il reliait Ziguinchor, la principale ville de Casamance, à Dakar.

La catastrophe avait fait 1.865 morts et disparus (dont 22 ressortissants français), selon le bilan officiel, plus de 2.000 selon les associations de familles de victimes, soit plus que le naufrage du Titanic (1.500 morts).

Seules 64 personnes ont survécu. Il s’agit de la plus grande catastrophe maritime civile mondiale, selon Me Rosenthal, qui a souligné que le navire avait été déclaré en état "d’inavigabilité totale" peu avant.

L’enquête ouverte au Sénégal avait conclu à la responsabilité exclusive du capitaine du bateau, et avait été classée sans suite.

TV 5, AFP, 12/09/2008


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