Joola : L’association des familles victimes sénégalaises en phase avec le juge d’Evry

Que le président de la République signe le décret d’application de la loi relative à la prise en charge, par l’Etat, des orphelins du Joola ; et que le navire, qui gît dans les profondeurs des côtes gambiennes, soit renfloué. Telles sont les principales demandes formulées par les familles victimes du Joola, aujourd’hui mobilisées pour soutenir l’action du juge français.

L’Association nationale des familles victimes et rescapés du Joola semble voguer à contre-courant du ministre sénégalais de la Justice, Me Madické Niang. Lequel ministre a vigoureusement réagi, lors de sa sortie sur les ondes de la Radio futurs médias, contre la décision du juge d’instruction français du tribunal de Grande instance d’Evry Courcouronnes, Jean Wilfried Noël, de décerner un mandat d’arrêt international contre neuf personnalités de l’Etat sénégalais. Des personnalités parmi lesquelles l’ancien Premier ministre, Mame Madior Boye, l’ancien ministre des Forces armées, Youba Sambou, et Youssouf Sakho ancien ministre de l’Equipement et des transports. Toutes personnalités que le juge français en charge de l’instruction de l’affaire du bateau Le Joola entend poursuivre pour les délits d’homicide involontaire et de défaut d’assistance à personnes en danger.

Aussi, le ministre sénégalais de la Justice de non seulement fustiger la décision du juge français mais aussi de menacer d’appliquer, au besoin, la loi du talion, pour dire la loi de la réciprocité. Cette position de Madické Niang n’est, du tout, pas celle de l’association des familles victimes et rescapés du Joola. En effet, si l’on en juge par la sortie, samedi dernier, de son vice-président Cheikhna Keïta, coordonnateur de l’antenne régionale de ladite association, l’ensemble des deux organisations que sont le Collectif des familles des victimes et l’Association des familles victimes et rescapés du Joola est en phase avec le juge français à qui il assure un soutien total.

Ce soutien, il l’explique par le fait que la décision du juge français est un début de réponse à leur principale doléance. ‘Dès les premières heures, nous avions demandé que justice soit rendue et que les responsables soient punis. Mais le procureur de la République de l’époque nous avait opposé l’argument selon lequel le seul responsable du naufrage, c’est le commandant Diarra qui avait surchargé le navire’. ‘Et pourtant, poursuit-il, nous savons tous que lors de son voyage inaugural le bateau avait connu des défaillances consécutives à une panne d’un de ses moteurs’.

Ces défaillances, selon Cheikhna Keïta, feront dire au commandant Diarra, dès son arrivée à quai au port de Ziguinchor, qu’il n’est pas question pour lui de revenir à Dakar avec ce même bateau dont l’un des moteurs ne tourne pas. Mais, ‘il reviendra sur cette décision puisque, pour des raisons d’ordre politique, le ministre des Forces armées, Youba Sambou, en relation avec la hiérarchie militaire, le colonel Combo qui commandait la marine en son temps, l’obligera à faire ce qu’il ne voulait pas’, regrette Cheikhna Keïta. Aussi, le vice-président de l’Association des familles victimes et rescapés du Joola d’estimer que toutes les personnes, visées par le mandat d’arrêt international, ont chacune en ce qui la concerne une part de responsabilité dans le naufrage, ‘à commencer par Youssouf Sakho qui avait la charge de faire changer les moteurs à raison de 450 millions de francs l’un et qui s’est contenté de faire du colmatage’.

Quant au général Babacar Gaye, Cheikhna Keïta dira qu’il tombe sur le coup de la loi 49 du code de procédure pénale, relatif au défaut d’assistance à personnes en danger puisque, souligne notre interlocuteur, le général aurait reçu un appel lui demandant d’alerter la marine française pour des secours d’urgence. Appel qu’il aurait qualifié de ‘laconique’ avant d’aller le lendemain à Saint-Louis pour installer un colonel à Bango. Ce même coup de fil, Cheikhna Keïta fera savoir que Mame Madior Boye l’a aussi reçu.

En tout état de cause, le vice-président de l’association dira la volonté des familles des victimes et rescapés de soutenir toute personne mue par un désir d’apporter la fin la lumière sur ce qu’il considère comme la plus grosse catastrophe connue par le Sénégal sous l’ère de l’alternance. Il demandera en plus que le président de la République signe enfin le décret d’application de la loi, votée depuis trois ans, et relative à la prise en charge par l’Etat des orphelins du Joola. ‘Des orphelins qui, pour la plupart, dira-t-il, sont devenus, par la force des choses, des enfants de la rue’. Aussi, Cheikhna Keïta d’assurer que ses camarades et lui ne lâcheront jamais prise ‘tant que justice n’est pas rendue aux familles meurtries’.

Aussi, Cheikh Keïta demandera, en plus de cette justice, qu’il réclame à cor et à cri, le renflouement du bateau Le Joola qui gît toujours dans les profondeurs des côtes gambiennes.

Walfadjiri - L’Aurore (Sénégal), Sidy DIENG, 15 septembre 2008


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