Fils électriques rongés, boulons manquants… l’alarmant rapport sur l’état du réseau ferré

Un rapport confidentiel du gendarme du ferroviaire, l’EPSF, révèle que les problèmes de maintenance persistent à la SNCF. Les défauts qui ont conduit aux accidents de Brétigny et Denguin perdurent.

Les mauvaises pratiques persistent à la SNCF. Six ans après le déraillement d’un train à Brétigny-sur-Orge (Essonne) qui a fait sept morts et des dizaines de blessés, et cinq ans après la collision entre un TER et un TGV qui a fait une trentaine de blessés à Denguin (Pyrénées-Atlantiques), force est de constater que les errements de maintenance se poursuivent au sein de la compagnie ferroviaire.

Pendant un mois, entre le 29 avril et le 23 mai 2019, dix enquêteurs de l’Etablissement public de sécurité ferroviaire (EPSF) ont effectué neuf opérations de contrôle sur des parties de la zone Atlantique (Bretagne, Pays de la Loire, Centre-Val de Loire, Nouvelle-Aquitaine et Occitanie). Soit environ 14 000 km de voies ferrées commerciales où ils ont contrôlé la maintenance réalisée sur les rails et sur la signalisation électrique.

Le résultat est un rapport inquiétant de 96 pages, que nous avons pu consulter, dans lequel l’EPSF constate « un écart majeur sur le niveau de maîtrise du processus de maintenance de l’infrastructure ». Le Parisien vous en révèle sa teneur.

Un câble défectueux pendant près d’un an

Les enquêteurs ont relevé que sur les 413 anomalies de signalisations électriques repérées par la SNCF qui pouvaient avoir un impact sur la sécurité des circulations, 80, soit près de 20 %, ont été traitées hors des délais réglementaires. Une trentaine n’était d’ailleurs toujours pas réparée lors du contrôle. Certaines affichaient même un an de retard !

Pire, en effectuant l’audit, les gendarmes du ferroviaire ont découvert un fil électrique rongé sur un passage à niveau de la ligne Le Dorat - Limoges (Haute-Vienne). Après des vérifications plus poussées, un second fil rongé a même été découvert. « On dirait que nous n’avons rien appris de l’accident de Denguin ( NDLR : des fils électriques avaient été dénudés par des rongeurs ), s’agace un cadre de la SNCF qui souhaite garder l’anonymat. Depuis ce drame, le BEATT ( NDLR : bureau d’enquêtes sur les accidents de transport terrestre ) a pourtant recommandé de renforcer la protection des installations contre les rongeurs. Ce rapport montre que ce n’est pas fait partout. »

Les gendarmes du ferroviaire n’étaient pas au bout de leur surprise. Toujours sur la même portion de voie, mais sur un passage à niveau différent, c’est un autre problème électrique, pouvant avoir un impact sur la sécurité, qui a été détecté. Le câble défectueux a été remplacé dans la foulée. Mais en épluchant les rapports, l’EPSF a découvert que l’anomalie avait été repérée il y a près d’un an, le 15 juin 2018. Mais aucune mesure n’avait été prise par la SNCF.

Des anomalies pas repérées par la SNCF

Les mêmes constats détonants ont été faits sur l’entretien des rails. Ainsi, plusieurs centaines d’anomalies n’ont pas été traitées dans les délais, dont une avait même presque deux ans de retard. « Pour réaliser les travaux, il y a toujours une marge en fonction des urgences, précise ce même cadre anonyme. Mais est-ce qu’on peut attendre une semaine, un mois, un an ? L’EPSF s’est aperçu qu’il n’y avait pas d’analyse des risques. » Un manque de rigueur d’autant plus problématique que la SNCF est une nouvelle fois épinglée pour son suivi chaotique de sa maintenance : « Il n’est pas possible d’avoir la garantie que les anomalies identifiées lors de ces opérations de surveillance ont bien été traitées », écrivent les auteurs du rapport.

Plus grave, en effectuant eux-mêmes des contrôles le long des voies ferrées, les enquêteurs ont découvert des dizaines d’anomalies, certaines pouvant impacter la sécurité, qui ne figuraient pas dans les rapports de la SNCF. Et pourtant, la dernière tournée de contrôle de la SNCF remontait à… une semaine. Des éclisses, ces pièces métalliques qui relient deux rails, ont été découvertes avec des boulons desserrés voire manquants. « Pas de suivi et des boulons absents, on connaît la suite : c’est l’accident de Brétigny, déplore le même cheminot. C’est d’autant plus regrettable que Denguin est en zone Atlantique et que Brétigny y était au moment de l’accident, avant le nouveau découpage. Plus qu’ailleurs, les cheminots devraient être sensibles au problème de maintenance. »

Source : Le Parisien
Auteur : Vincent Vérier
Publié le 20 août 2019

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