ETA : l’ex-chef militaire Txeroki exprime des regrets, rejetés par Madrid

Un ex-chef militaire de l’ETA, "Txeroki", a fait lundi un pas de plus à l’appui de la demande de l’organisation séparatiste armée basque de négociations avec Madrid et Paris, en exprimant ses regrets à l’égard de ses victimes n’ayant "aucune responsabilité dans le conflit".

Le gouvernement espagnol a rejeté ces regrets, qu’il a qualifiés d’"hypocrites", et a réaffirmé son exigence d’une dissolution de l’ETA.

Avant toute discussion, l’Espagne et la France exigent en effet une dissolution sans conditions et la remise de ses armes par l’ETA, à qui les polices des deux pays infligent revers sur revers et qui, en un an, a appelé à plusieurs reprises à des pourparlers.

Madrid réclame également les excuses du groupe vis-à-vis de ses victimes tandis que l’ETA, de son côté, entend faire de ses prisonniers, au nombre d’environ 700 dispersés dans des prisons des deux pays, le levier d’une éventuelle négociation.

Mais le gouvernement espagnol a vu dans la déclaration de "Txeroki", un militant considéré comme un tenant de la ligne dure, une "rhétorique hypocrite".

Selon le secrétaire d’Etat à la Sécurité, Francisco Martinez, il s’agit d’une "mise en scène" avant le congrès fondateur, samedi prochain, de Sortu, un parti indépendantiste basque créé par d’anciens militants de Batasuna, considéré par Madrid comme le bras politique de l’ETA et interdit en Espagne depuis 2003.

"Le seul communiqué que nous attendons de l’ETA, c’est l’annonce de sa dissolution sans condition et le démantèlement de ses structures clandestines", a encore déclaré M. Martinez.

A l’ouverture de son procès lundi devant la cour d’assises spéciale de Paris, Garikoïtz Aspiazu Rubina, alias "Txeroki", 39 ans, a pris la parole, affirmant s’exprimer "au nom" de son organisation.

"Semons la graine d’une paix juste et durable. Tel est l’engagement de l’ETA", a-t-il lancé.

Depuis plusieurs jours, les milieux séparatistes basques avaient fait savoir que "Txeroki" allait délivrer un message important.

Il comparaît au côté de neuf autres etarras notamment pour l’enlèvement et la séquestration, en 2007, d’un couple d’Espagnols et de leur enfant de quatre ans.

"L’ETA souhaite dire à ces habitants d’Orio (la commune d’où les victimes étaient originaires) qu’elle regrette le dommage qui leur a été causé", a-t-il déclaré en français. "Ces mots peuvent s’étendre à tous les citoyens, qui comme eux, sans aucune responsabilité dans ce conflit, ont subi un dommage du fait de l’activité de l’ETA", a-t-il dit.

829 morts

"Txeroki" a réitéré l’appel de l’ETA au gouvernement français afin qu’il "s’investisse dans cette résolution" du conflit et "ne ferme pas la porte à cette opportunité pour la paix".

Si les prisonniers basques ou la gauche indépendantiste s’étaient déjà exprimés dans ce sens, c’est, semble-t-il, la première fois qu’un ancien dirigeant de l’ETA de ce niveau se prononce aussi clairement.

Arrêté en France en novembre 2008, "Txeroki" a été condamné en 2011 en Espagne à 377 ans de prison pour 21 tentatives d’assassinats et actes terroristes. Il est également soupçonné d’avoir participé à la préparation d’un attentat qui avait tué deux personnes à l’aéroport de Madrid en 2006.

Xabi Larralde, porte-parole de Batasuna, a salué à la sortie de l’audience une "déclaration très importante" et "très positive par rapport aux perspectives d’avancées du processus de paix".

Batasuna, qui n’est pas interdit en France, s’est auto-dissous en début d’année à Bayonne.

Selon M. Larralde, la déclaration de "Txeroki" "ouvre la voie à une résolution globale de ce conflit, qui prendrait en compte la question des victimes".

Classée organisation terroriste par l’Union européenne et les Etats-Unis, l’ETA, dont le dernier attentat meurtrier en Espagne remonte au 30 juillet 2009, a annoncé le 20 octobre 2011 qu’elle renonçait à la violence, après plus de 40 années de lutte armée. L’ETA est tenue responsable de la mort de 829 personnes.

AFP, liberation.fr, 18 Février 2013


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