Drame d’Allinges : les fautes de la SNCF et de RFF, causes "indirectes" du suicide du professeur

Le 16 juillet 2008, six semaines après l’accident qui avait coûté la vie à sept adolescents du collège Théodore-Monod de Margencel (Haute-Savoie) et en avait grièvement blessé une dizaine d’autres, leur professeur d’histoire-géographie, Eric Jandin, était retrouvé pendu à un arbre dans un bois.

Dans une lettre adressée à sa famille, l’enseignant qui avait organisé la sortie scolaire expliquait sa décision de mettre fin à ses jours par son incapacité à supporter un drame dont il se sentait responsable et dont il ne se pardonnait pas d’être sorti indemne.

Assis à l’avant du car, Eric Jandin était en train de réviser ses fiches juste avant la visite de la cité médiévale d’Yvoire (Haute-Savoie) lorsque le TER a percuté le véhicule sur le passage à niveau. C’est à lui que les gendarmes avaient ensuite demandé de les aider à identifier les corps des victimes.

A l’audience, plusieurs témoins avaient raconté comment cet homme de 44 ans "gai, enthousiaste, sportif", avait sombré dans une profonde dépression après le drame, perdant 8 kg en trois semaines, refusant de serrer ses deux filles dans ses bras et d’accepter le cadeau qu’elles lui offraient pour la Fête des pères "car les autres pères ne peuvent plus le faire". "Il demandait tout le temps pardon, il disait : ’Ils m’ont fait confiance et je ne les ai pas tous ramenés’", avait témoigné son épouse.

"SUPPLICE"

Dans les jours qui avaient suivi l’accident, Eric Jandin avait rendu visite aux familles des élèves décédés ou blessés. "Il avait le regard vide, ce n’était plus le même homme. Le 2 juin, il n’y a pas eu sept décès, mais huit. Monsieur Jandin est mort ce jour-là", déclarait à la barre un des collégiens. "En cours, il ne supportait plus le silence, chaque heure pour lui paraissait un supplice", indiquait une autre de ses élèves.

Dans son jugement, le tribunal souligne qu’Eric Jandin "n’a manifestement pas pu surmonter le choc émotionnel et traumatique" de l’accident et son terrible bilan humain. "Son suicide est un acte conscient mais irréfléchi d’un homme qui ne s’appartenait plus", observent les juges, qui ajoutent : "En l’absence d’accident le 2 juin 2008, Eric Jandin ne se serait pas suicidé le 16 juillet suivant."

Le tribunal considère par conséquent que "si les fautes pénales retenues à l’encontre de la SNCF et de RFF sont doublement indirectes de son suicide, elles sont en lien de causalité certain" avec le décès du professeur. Il déclare donc les deux sociétés coupables de l’homicide involontaire d’Eric Jandin.

Le professeur a été fait chevalier des palmes académiques à titre posthume.

LeMonde.fr - Pascale Robert-Diard - 2 aout 2013


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