Drame d’Allinges : les avocats plaident contre la « désorganisation » de la SNCF et de RFF

Ce jeudi 11 avril, les plaidoiries des avocats se sont poursuivies au tribunal de Thonon-les-Bains (Haute-Savoie), au septième et avant-dernier jour du procès du drame d’Allinges.

Me François Favre, avocat de la famille du même nom qui a perdu Fanny a rendu hommage à sa nièce « morte sur le bord de la voie ferrée ».
L’avocat a rappelé la responsabilité du chauffeur, Jean-Jacques Prost : "M. Prost il assumera. Il sera condamné. Mais il ne sera pas le bouc émissaire de la SNCF et de RFF. Il ne sera pas bouc émissaire de décideurs qui ont bien de la chance de ne pas être ici devant vous."

Mais il a surtout plaidé contre la SNCF et RFF. Me Favre a qualifié « la désorganisation de la SNCF et de RFF » de « stupéfiante, inquiétante ».
Il a ensuite regretté l’absence du président de l’entreprise ferroviaire, Guillaume Pepy : « M. Pepy a trahi sa parole. Les parties civiles se sentent déconsidérées et humiliées. Cette absence résonne comme un aveu. Par sa carence il admet qu’il n’a pas de réponse satisfaisante pour exonérer la SNCF de sa responsabilité sur le passage à niveau d’Allinges. »

Pour Me François Favre, « RFF a une obligation légale de sécurité. La responsabilité de RFF est celle d’un propriétaire. A ce titre elle devait assurer la sécurité du passage à niveau d’Allinges. Et doit toujours l’assurer ».

« La sécurité ne se délègue pas »
« La sécurité ne se délègue pas, a-t-il poursuivi. En 2008, RFF n’a qu’un seul responsable de la sécurité sur les passages à niveau. En 2012… il n’y a toujours pas grand monde. En conclusion, RFF n’assume pas son obligation de sécurité sur le passage à niveau d’Allinges. Et Fanny et ses camarades sont accablés. »

A l’attention de la SNCF, il s’est indigné : « Qui fait quoi ? Personne ne le sait ! A la SNCF on va vous dire que la sécurité se délègue, se sub-délègue et se sub-sub-délègue… »

« En cinq ans, qu’ont-il fait ? Rien. C’est au-delà du réel. Quand on a écrit que le passage allait être supprimé, les parents l’ont cru », a conclu Me Favre avant d’être chaleureusement salué par Me Dana, l’avocat du chauffeur.

Me Favre a aussi annoncé que les indemnisations réclamées par Mme Favre « iront à la famille de Fanny, au Vietnam » ; Fanny avait en effet été adoptée.

Les experts ont « respiré des fleurs hallucinogènes »
Maître Georges Rimondi a ensuite pris la parole pendant plus d’une heure. Il a commencé par s’insurger contre les avocats de la SNCF et RFF qui n’ont communiqué leurs arguments qu’au dernier moment, faussant le débat contradictoire. « Les prévenus ont tous les droits et les victimes toutes les souffrances. »

Rappelant une jurisprudence, Me Rimondi a affirmé que « quand les manquements aux règles de sécurité sont établis, la faute est constituée ». Citant, un à un, les incidents relevés par les usagers sur le passage à niveau d’Allinges mais qui n’ont pas été jugés dignes de foi par la SNCF et RFF, l’avocat thononais s’est demandé si leurs experts n’avaient pas "respiré des fleurs hallucinogènes".

« SNCF et RFF ne pourront s’exonérer de leur obligation générale de vigilance, a estimé Me Rimondi. Que le passage à niveau soit conforme est une chose, qu’il soit sécurisé en est une autre. Il est conforme, mais ce n’est pas suffisant.

« M. Pepy a eu plus de courage devant les caméras que devant ses juges »
Me Frédéric Noetinger-Berlioz a conclu les plaidoiries en insistant sur le caractère collectif du drame, une notion que persiste à nier l’avocat de l’assureur des Cars Philippe. « On vient vous dire qu’il ne s’agit pas d’un accident collectif mais de la juxtaposition d’accidents individuels. Pourtant, même le Bureau enquête accident (BEA) écrit qu’il n’y a jamais eu d’accident collectif de ce type en France. Le déplacement des plus hautes autorités de la République montre que c’est un accident collectif. »
« Même M. Pepy est venu ; plus courageux devant les caméras que pour faire face à ses juges », a terminé Me Noetinger.

Cet après-midi, le tribunal entendra les réquisitions du procureur de la République, Patrick Steinmetz. Il dira qui il estime être responsable de l’accident et ce qu’il requiert à l’encontre de chacun des prévenus.

lemessager.fr, EMMANUEL ROUXEL, 11 Avril 2013


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