Déraillement de Brétigny : il faut "renforcer l’expertise", selon la fédération des victimes d’accidents

Une information judiciaire a été ouverte mercredi 24 juillet pour "homicides et blessures involontaires" par le parquet d’Evry, à la suite de l’accident ferroviaire de Brétigny-sur-Orge (Essonne), qui a fait six morts le 12 juillet. Ce jour-là, le train Intercités 3657 Paris-Limoges a déraillé à l’entrée de la gare de Brétigny, tuant deux passagers ainsi que quatre personnes qui se trouvaient sur le quai, fauchées par le convoi qui circulait à près de 137 km/h.

Trois juges d’instruction ont été saisis du dossier. Une défaillance matérielle – le basculement d’une éclisse qui s’est coincée dans un aiguillage des rails – "semble être à l’origine de la catastrophe", a expliqué Eric Lallement, procureur de la République d’Evry. Cette hypothèse avait également été évoquée par la SNCF dès le lendemain de la catastrophe.

"Les recherches vont se concentrer sur les causes de l’absence, de la rupture et/ou du desserrage des écrous de cette éclisse", une pièce métallique d’une dizaine de kilos fixée aux rails par quatre boulons, a ajouté le procureur, précisant qu’"a priori, aujourd’hui, l’acte de malveillance est écarté".

VÉRIFICATION DES 5 000 AIGUILLAGES DU RÉSEAU

De son côté, ce même mercredi, la SNCF a présenté les premiers éléments de son enquête en dévoilant le contenu d’un rapport interne, remis à la justice ainsi qu’au ministère des transports. "Rien, dans ce rapport, ne contredit les éléments techniques sur les origines immédiates du déraillement telles qu’elles avaient été identifiées dans les premières heures qui ont suivi l’accident", a déclaré son président, Guillaume Pepy, qui a redit sa volonté d’assumer sa "responsabilité pleine et entière". "A ce stade, il n’y a pas de la part de la police ou de qui que ce soit d’indices concordants qui aillent dans la direction" de l’acte de malveillance, a-t-il ajouté.

Pierre Izard, le directeur de la branche SNCF Infra, chargée de l’entretien des infrastructures, a, pour sa part, dit "ignorer encore les causes de la défaillance". L’entreprise, qui a procédé à la vérification des 5 000 aiguillages de son réseau, n’a pas non plus "décelé de risque" pour la sécurité. "Cette campagne de vérification était nécessaire et utile", a estimé Pierre Izard, tout en assurant que le contrôle des installations ferroviaires serait renforcé. Au cours des prochaines semaines, elles seront inspectées "chaque semaine plutôt que tous les quinze jours", a-t-il précisé.

"BONNE NOUVELLE"

La SNCF – qui a reçu 600 demandes d’aide psychologique – a aussi reconnu s’être trompée sur l’heure de l’accident. Celui-ci s’est produit à 17 h 11 et non à 17 h 14, comme cela avait été annoncé initialement. Une "imprécision" qui ne remet pas en cause la vitesse du train lors du déraillement – 137 km/h –, qui était sous la limite autorisée de 150 km/h.

Le parquet a également indiqué avoir la "certitude" qu’au moins deux vols ont été commis sur deux passagers le soir du drame. Des objets appartenant à ces personnes ont été retrouvés dans le quartier du Châtelet à Paris, et des images de vidéosurveillance ont permis de repérer des individus quittant la gare avec des valises qu’ils n’avaient pas en y entrant. S’agissant des caillassages contre les forces de l’ordre qui avaient été dénoncés, notamment par des syndicats de police, le procureur a fait état de pierres lancées en direction de "cinq pompiers".

Pour la Fédération nationale des victimes d’attentats et d’accidents collectifs (Fenvac) – très critique envers le parquet d’Evry il y a encore quelques jours –, l’ouverture de cette information judiciaire constitue "une bonne nouvelle". Mais pour Stéphane Gicquel, son secrétaire général, il faut encore "renforcer l’expertise avec un collège d’experts, notamment un expert ferroviaire". Selon lui, il ne faut, à ce stade, écarter aucun scénario. "L’expérience nous montre qu’il faut être très prudent : si la malveillance n’est pas évidente, il reste des interrogations, et un travail pédagogique important reste à faire."

La SNCF a assuré que le trafic en gare de Brétigny sera de nouveau "normal" à partir du 30 juillet.

Le Monde - Shahzad Abdul - 25.07.2013


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