Crash de la Yemenia : vers un non-lieu

Les magistrats français vont devoir clore l’enquête en raison d’un manque de coopération internationale.

Huit ans d’information judiciaire. Et à l’arrivée, un flop. Selon nos informations, l’enquête menée par les juges français prend le chemin d’une ordonnance de non- lieu faute de coopération internationale entre les différents pays concernés.

Le 30 juin 2009, à 1 h 51, un Airbus A310 de la Yemenia Yemen Airways, le vol 626 effectuant la liaison Paris-Sanaa-Moroni, s’abîme en mer au large des Comores. L’arrivée à Moroni (Comores) était prévue à 2 h 30 locales. À son bord, 153 personnes trouvent la mort et un passager survit miraculeusement, une fillette de 12 ans. Bahia Bakari passera dix heures dans la mer avant d’être sauvée des eaux par un pêcheur comorien. Funeste mois de juin 2009. Quelques semaines plus tôt, le 1er juin, un Airbus 330 d’Air France, effectuant la liaison entre Rio de Janeiro et Paris, s’écrasait dans l’Atlantique avec 228 personnes à bord.

L’enquête concernant la Yemenia a pointé les fautes de manière certaine. Les experts nommés par les juges français ont conclu, le 14 décembre 2010, à des manœuvres des pilotes contraires aux règles de l’art. Ils ont estimé que la conduite de vol était manifestement inadaptée aux situations rencontrées, que la formation et l’entraînement technique des pilotes n’étaient pas adéquats, le commandant ne pouvait réglementairement pas être aux commandes de l’avion le jour du crash.

Mais ce n’est pas tout. Les feux de signalisation du relief montagneux à proximité de la piste étaient soit en panne soit éteints, ce qui aurait normalement dû interdire l’atterrissage de nuit. La compagnie Yemenia sera mise en examen en novembre 2013.

Au cours de cette affaire, les magistrats instructeurs ont eu les pires difficultés à obtenir des réponses de la part du Yémen ou des Comores. Un exemple ? En 2009, ils demandent notamment les noms, adresses et numéros d’agrément des sociétés de maintenance de la Yemenia ainsi qu’un organigramme, l’historique de l’avion (heures de vol, incidents, pannes).

Préjudice successoral

Trois ans plus tard, pas de réponse. D’où cette question des juges, le 6 décembre 2012, au directeur général de la Yemenia à Paris : «  Ne pensez-vous pas que cela nous conduit à nous demander si cette absence de réponse n’est pas le signe que la compagnie a des choses à se reprocher en termes de maintenance par exemple ? »

Dans un jugement du 19 février 2015, le tribunal de grande instance d’Aix-en-Provence reprenait la jurisprudence du préjudice d’angoisse de la mort - une spécificité française - né après l’accident de la passerelle du Queen Mary II à Saint-Nazaire, en novembre 2003, qui avait fait seize morts. Le tribunal estime «  indéniable que l’accident ne s’est pas réalisé en un trait de temps ou avec une immédiateté et une soudaineté qui auraient empêché les passagers de prendre conscience du péril qui les attendait. Il existe donc un préjudice successoral du fait de cette souffrance spécifique, constituée par l’anxiété existentielle ressentie par les passagers préalablement à leur décès, avec la certitude de savoir celui-ci inévitablement advenir ». Le jugement chiffre à 50 000 euros ce préjudice accordé aux héritiers de chacun des passagers.

Les connaisseurs du dossier ne sont pas étonnés de la tournure qu’a prise l’enquête judiciaire, et ce malgré le travail fourni par les juges d’instruction. Ainsi, un haut fonctionnaire du ministère des Transports français, en poste à l’époque du crash, se souvient : « Dès le début, nous avons eu des doutes, nous savions que la coopération concernant l’enquête sur l’accident ne se passait pas très bien. Il n’y avait pas de volonté de toutes les parties de faire éclater la vérité, surtout de la part des Comores, puisque la faute vient de ce pays. »

Amer, un spécialiste des dossiers de crash aériens conclut : « De toute façon, les catastrophes aériennes se terminent de plus en plus souvent par une ordonnance de non-lieu ou bien, quand elles sont renvoyées devant le tribunal correctionnel, personne n’est condamné. »

Source : Le Figaro
Auteur : Anne Jouan
Date : 8 mai 2017

Crédit photos : Source : Le Figaro Auteur : Anne Jouan Date : 8 mai 2017

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