Condamné à de la prison ferme, l’affabulateur du 13 novembre voulait « se sentir valorisé »

Cet ambulancier de 29 ans était jugé, ce vendredi, au tribunal correctionnel de Versailles. Durant l’audience, le prévenu a reconnu « une faute grave » et expliqué qu’il s’était fait passer pour une victime afin d’avoir « de la reconnaissance ».

Cédric R., jugé pour « tentative d’escroquerie » auprès du Fonds de garantie chargé d’indemniser les victimes de terrorisme, est retourné en prison ce vendredi soir. Au terme de deux heures d’audience, cet ambulancier de 29 ans, qui s’était fait passer pour une victime du Bataclan pendant plusieurs mois, a été reconnu coupable et condamné à deux ans de prison dont 18 mois avec sursis, suivi d’une obligation de soins de deux ans.

Dans cette petite salle d’audience du tribunal de grande instance de Versailles, la presse était venue en nombre pour écouter les explications de ce jeune Francilien qui avait multiplié les interviews mensongères au lendemain des attentats de Paris.

« Aujourd’hui, je vais être honnête car toute ma vie je me suis caché derrière des mensonges », a-t-il déclaré d’une petite voix. Les deux mains accrochées sur la rambarde du box des accusés, Cédric R. a tenté d’expliquer pourquoi il avait fait croire à sa famille, aux médias et même à d’autres victimes des attentats de Paris qu’il était à la terrasse du Bataclan ce soir-là, qu’il avait vu les tireurs et qu’il avait échappé de peu à la mort.

« Un engrenage »

Cheveux brun, vêtu d’un manteau sombre, Cédric R. a reconnu qu’il n’était pas là au moment de l’attaque du Bataclan et qu’il avait décidé de venir sur les lieux après avoir entendu les informations « sur les ondes ». Secouriste et pompier de formation, il raconte qu’il voulait « y être pour aider ». L’enquête a démontré que le prévenu se trouvait en effet à une trentaine de kilomètres du Bataclan au début de l’attaque et qu’il ne s’est rendu sur place que vers minuit, au moment de l’assaut du Raid et de la BRI. Dans son box, entouré de gendarmes, Cédric R. ne regarde jamais le public et poursuit son récit. Les jours qui suivent le 13 novembre, l’ambulancier raconte qu’il est revenu sur les lieux de l’attaque et qu’il y a rencontré une vraie rescapée, la première personne à qui il va mentir. « Je lui ai dit que j’y étais », reconnaît-il, expliquant qu’ils ont passé des nuits entières à errer autour du Bataclan.
« Je n’ai pas joué la comédie devant les médecins, j’ai fait sortir une souffrance »
Cédric R.

La suite n’est qu’un « engrenage » qu’il n’a pas su arrêter, soutient-il. « Je me suis laissé dépasser et je n’arrivais pas à faire machine arrière ». Pendant des semaines, il côtoie les « vraies victimes », participe à des apéros thérapie et en organise même un chez lui. « Vous n’étiez pas gêné vis-à-vis des vraies victimes », lui demande le président. « Si », répond-il, « mais je m’étais trop enfoncé pour sortir » de cette spirale. Il va aussi se faire tatouer une Marianne devant le Bataclan et va voir deux médecins pour obtenir des certificats médicaux, ainsi que des arrêts maladie alors qu’il a volontairement cessé de se rendre à son travail l’après-midi du 13 novembre. Trente jours d’Interruption temporaire de travail lui seront prescrits. « Je n’ai pas joué la comédie devant les médecins, j’ai fait sortir une souffrance », assure-t-il.

« J’étais au fond du gouffre »

À chaque question embarrassante, Cédric R. répond inlassablement la même chose : « J’étais au fond du gouffre, je venais de me faire larguer, je n’aimais pas mon boulot (il travaillait dans la restauration, ndlr) et j’avais des problèmes familiaux. » Le prévenu va même jusqu’à renverser les rôles : « Finalement, c’est eux (les victimes, ndlr) qui m’aidaient. Je me sentais bien auprès d’eux. »

Au-delà des mensonges, c’est surtout sa demande d’indemnisation qui intéresse les juges car c’est précisément l’infraction pour laquelle il comparaît ce vendredi. Le 8 janvier 2016, Cédric R. a fait une demande d’indemnisation, RIB à l’appui, auprès du Fonds de garantie et appelé à de nombreuses reprises pendant plusieurs mois l’organisme pour suivre l’évolution de son dossier. « 18 fois », souligne Me François Laigneau, avocat du Fonds de garantie qui s’est constitué partie civile. Faute d’éléments précis et probants, le Fonds refuse à deux reprises son dossier, ce qui n’empêchera pas le prévenu de relancer l’organisme en joignant de nouvelles pièces justificatives.

Cédric R s’en défend : « L’argent n’a jamais été mon but ».
Le président : « Alors pourquoi effectuer cette demande d’indemnisations ? »
C.R. : « C’était pour officialiser mon statut de victime, pour être comme eux ».
Le président : « Dans ce cas, pourquoi avez-vous refusé d’être auditionné par les policiers et de porter plainte ? »
C. R. : « Pour moi, c’était le fonds de garantie qui officialisait le statut de victime ».
Le président : « Et cette médiatisation, comment vous l’expliquez ? Déjà vous mentez devant les victimes mais vous le faites aussi devant les journalistes… »
C.R. : « Je recherchais de la reconnaissance, du soutien […] Je sais que c’est stupide ».
Le président : « Oui, c’est stupide, comme vous dites… »

Un second tatouage du 11 septembre 2001

Cédric R. tient tellement à son statut de victime qu’il va jusqu’à mentir à ses parents et à ses trois frères. « C’était pour me valoriser, pour être quelqu’un. » Est-il honnête quand il répond aux questions ? Difficile de le savoir au vu des nombreux éléments du dossier qui montrent ses multiples mensonges. Une ancienne collègue affirme

« C’était pour me valoriser, pour être quelqu’un » Cédric R.

qu’il s’était déjà présenté comme une victime du 11 septembre 2001. « Ce n’est pas vrai », soutient-il, expliquant en revanche qu’il a été très marqué par cet attentat et qu’il s’est aussi fait faire un tatouage de la Vierge Marie avec les deux tours du World Trade Center « pour encrer cet événement ».

Les juges se penchent également sur son profil. Cédric R. est le petit dernier d’une fratrie de quatre enfants et a grandi dans les Yvelines. Après avoir décroché son brevet des collèges, il a enchaîné les emplois de secouriste, d’ambulancier et travaillé quelque temps dans la restauration. Le président de l’audience rappelle que le prévenu n’a pas toujours donné satisfaction à ses employeurs, dont certains relèvent déjà à l’époque une propension au mensonge. Les expertises ordonnées par le tribunal relèvent des « carences affectives », un besoin de « se sentir valorisé », « un trouble de l’attachement » mais aucune pathologie psychotique, ni de troubles psychiques.

« Ça n’arrivera plus jamais »

En face, l’avocate générale comme la partie civile tentent de montrer que le prévenu, au-delà des mensonges, avait tout de même une motivation pécuniaire et qu’il s’est montré insistant pour récupérer son indemnisation. « Vouloir escroquer la solidarité nationale, c’est insupportable », a lancé Me Laigneau tandis que l’avocate générale a requis deux ans de prison ferme. De son côté, Me Elodie Vareiro a demandé, expertise à l’appui, que son client puisse sortir de prison, ce dernier ayant déjà fait un mois de préventive. « Il a réfléchi dans sa cellule et comprit qu’il avait fait beaucoup de mal, même s’il ne voulait pas causer du tort », a-t-elle plaidé. Avant que les magistrats ne se retirent, Cédric R. a présenté une dernière fois ses excuses, reconnaissant qu’il avait commis « une faute grave ». « Ça n’arrivera plus jamais », a-t-il promis.

Quand la décision a été rendue, Cédric R. a eu le temps d’échanger quelques mots avec son avocate avant de repartir menotté. Cette dernière a déclaré qu’elle ne faisait pas appel. Son client devra reverser 1 euro symbolique de dommages et intérêts aux Fonds de garantie et à l’association Fraternité et vérité, qui s’était aussi constituée partie civile.

Date : 02/12/17
Auteur : Caroline Piquet
Source : Le Figaro

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