Au procès AZF, réquisitoire contre les théories du complot

«  Il n’y a pas de mystère AZF » : au troisième procès de la pire catastrophe industrielle récente en France, l’accusation s’en est prise aux « hypothèses folles  » qui courent depuis quinze ans sur les causes du drame.

Deux avocats généraux se partagent la tâche de requérir mercredi et jeudi devant la cour d’appel de Paris contre la société exploitante de l’usine, Grande Paroisse, filiale du géant Total, et contre l’ancien directeur du site Serge Biechlin.

Les deux sont jugés pour « homicides involontaires ».

Un dossier « terrible »

Stéphane Chassard parle le premier, pendant plus de quatre heures, avec un grand souci de pédagogie pour expliquer son « cheminement personnel  » dans un dossier aussi touffu que « terrible  ».

Rompant un instant avec la grande technicité des débats, qui ont commencé fin janvier, il s’attache d’abord aux victimes de l’explosion du 21 septembre 2001 à Toulouse : 29 morts et des milliers de blessés. Sans compter des dégâts considérables et une ville durablement meurtrie.

« Je pense à cet électricien qui va travailler toute la nuit (sur le site) pour rétablir les circuits avant de se faire hospitaliser. Je pense à cet homme qui va rester toute une journée à côté du corps de sa femme », dit-il.

Puis le magistrat s’en prend aux « rumeurs » et aux « hypothèses plus folles les unes que les autres » ayant circulé sur l’explosion de cette usine à risque, productrice d’engrais et d’explosifs civils.

Chute de météorite, essais nucléaires...

Chute de météorite, essais nucléaires, crash d’avion ou d’hélicoptère, missile… « Il y a dans ce dossier des personnes qui sortent folles », qui soupçonnent un « complot d’État  » pour dissimuler les causes réelles de la catastrophe, lance-t-il.

«  Il n’y a pas de mystère AZF. Il y a une explosion qui a commencé dans le bâtiment 221 », où était stocké du nitrate d’ammonium, assène le magistrat. Il se réfère aux « lois de la physique », sans lesquelles « le monde n’est plus ce qu’il est ».

M. Biechlin risque jusqu’à trois ans d’emprisonnement et 45.000 euros d’amende. Grande Paroisse encourt 225.000 euros d’amende.

Pour la majorité des parties civiles, l’explosion est due au déversement accidentel d’un produit chloré sur un tas de nitrate d’ammonium, rendu possible par une mauvaise gestion des déchets de cette usine classée Seveso 2. La défense, elle, a des doutes sur cette piste dite « accidentelle ».

« Comme dans un western »

Les avocats des prévenus ont avancé d’autres hypothèses : un acte terroriste, dans une ville comptant des foyers de radicalisation islamiste ; ou une explosion due à de très vieux résidus de poudre dans le sol.

L’avocat général Stéphane Chassard traite l’hypothèse terroriste avec un rien d’ironie. « L’heure optimale pour faire péter tout ça, cela aurait été à 8 h du matin », lorsque la rocade proche du site AZF est embouteillée, et non pas 10 h 17, relève-t-il.

Pour le magistrat, d’hypothétiques terroristes auraient choisi d’autres hangars, dont la destruction aurait fait encore plus de ravages que celle d’un tas de nitrate, qu’il est difficile de faire exploser : « Il ne suffit pas d’allumer une mèche comme dans un western.  »

Le second avocat général, Jean-Christophe Crocq, achèvera les réquisitions jeudi matin. C’est alors que l’accusation dira quelles peines elle réclame.

Comme toutes les audiences, les réquisitions sont retransmises en direct à Toulouse, où la frustration de ce procès délocalisé se mêle à la lassitude des parties civiles, qui vivent leur troisième procès AZF.

Le premier procès AZF, en 2009, avait débouché sur une relaxe, au bénéfice du doute sur les causes exactes de la catastrophe. Le second, en appel en 2012, avait au contraire condamné Serge Biechlin et Grande Paroisse aux peines maximales - avant que cette décision ne soit annulée par la Cour de cassation.

La défense plaidera à partir de la semaine prochaine et le procès doit s’achever au plus tard le 24 mai. La cour ne rendra son arrêt qu’après plusieurs semaines.

Source : ouest-france.fr
Date : 17 mai 2017

Crédit photos : Source : ouest-france.fr Date : 17 mai 2017

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