Attentat du 13 novembre : le procès d’une vidéo qui avait soulevé l’indignation

Le gérant d’un restaurant parisien, qui avait été pris pour cible par les terroristes, est accusé d’avoir divulgué des images de l’attaque issues des caméras de surveillance de son établissement. Il comparaît à Paris avec deux autres prévenus.

Après l’horreur des attentats du 13 novembre 2015, le sordide. Les magistrats de la 17e chambre correctionnelle de Paris vont juger, ce mercredi 26 avril, la transaction financière qui avait eu lieu autour d’une vidéo qui avait fait le tour du monde et avait soulevé une vague d’indignation.

Le gérant de Casa Nostra, une pizzeria parisienne située dans le XIe arrondissement, qui avait été prise pour cible par les terroristes, est accusé d’avoir divulgué des images de l’attaque, issues des caméras de surveillance de l’établissement. Peu après l’opération commando qui avait provoqué la mort de 130 personnes à Paris et à Saint-Denis, un journal britannique, le Daily Mail, s’était retrouvé en possession de ce film terrifiant qu’il avait mis en ligne sur son site Internet.

Ces scènes montrent des personnes affolées qui, le soir de la fusillade, trouvent refuge dans la salle de Casa Nostra et se jettent à terre sous les tables. Elles montrent aussi un des attaquants qui met en joue deux clientes installées sur la terrasse. Celles-ci ne doivent leur salut qu’au problème technique touchant brusquement la kalachnikov du tueur. L’arme qui est pointée vers elles s’enraie. Les deux femmes paniquées quittent les lieux tandis que le terroriste tourne les talons. Alors que les clients d’autres établissements périront, personne ici ne sera blessé, ni tué. Dans cette course à l’image post-tragédie, le Daily Mail aurait versé 50.000 euros au gérant de Casa Nostra.

Certaines victimes s’étaient reconnues sur la vidéo

Ce sont certaines victimes qui, après s’être reconnues sur la vidéo, avaient saisi la justice. Mais ne parvenant pas à obtenir le retrait de la vidéo auprès du quotidien britannique, elles s’étaient tournées vers la justice française qui, en janvier 2016, avait ouvert une enquête préliminaire.

Plus d’un an après, s’ouvre donc le procès autour de cette opération nauséabonde. Mais sur la base de chefs de prévention qui étonnent les avocats des mis en cause. Au lieu d’avoir choisi des poursuites pour atteinte à la vie privée, la justice a réduit, selon eux, l’affaire à des considérations techniques. « On reproche à mon client une installation de caméra sans autorisation préalable et une divulgation d’images à des personnes non habilitées », souligne Me Jeffrey Schinazi, l’avocat de Dimitri Mohamadi, le gérant du restaurant. Celui-ci doit comparaître aux côtés de son cousin qui aurait participé à l’opération ainsi qu’un hacker sollicité pour récupérer le film. « Ces poursuites sont mal fondées », renchérit Me François Gibault, le conseil de ce dernier. Or pour un spécialiste de ces questions, « l’atteinte à la vie privée n’a pas pu être retenue dans ce dossier car sur ces images, on ne peut pas reconnaître les personnes et on ne voit ni blessé ni personne décédée. » L’audience devrait donc s’ouvrir sur un débat juridique.

« Il était ébranlé par les attentats »

Celle-ci pourrait aussi aborder, par le biais des poursuites retenues, la manière dont cette vente d’image s’est faite. Si tel est le cas, Me Jeffrey Schinazi regrette l’absence au procès d’un représentant du journal anglais mais aussi d’un journaliste indépendant, présent au moment de la transaction, et qui avait filmé la scène en caméra cachée. L’avocat compte laver l’honneur de son client. « Mis en cause par divers médias, il n’a jamais participé à cette transaction », indique-t-il. Il poursuit : « S’il est présent quand l’argent est mis sur la table, c’est parce qu’il est chez lui », dit-il. Dimitri Mohamadi aurait pu alors montrer plus de fermeté pour empêcher cette vente mais, selon son conseil, il n’avait pas toute sa tête. « Il était ébranlé par les attentats. Lui et ses clients ont échappé à la mort. » Le film de la transaction devrait être projeté à l’audience.

Avant que la justice ne se penche sur cette affaire, Casa Nostra avait essuyé un autre écueil. Après les révélations sur cette transaction, la mairie de Paris avait bloqué une subvention de 40.000 euros pour l’établissement, qu’elle avait délivrée aux autres commerçants touchés par les attentats. Depuis, Casa Nostra a rouvert ses portes.

Source : lefigaro.fr
Auteur : Angélique Négroni
Date : 26 avril 2017

Crédit photos : Source : lefigaro.fr Auteur : Angélique Négroni Date : 26 avril 2017

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