Attentat de Strasbourg : la colère d’une association de victimes du terrorisme

Evincée du dispositif de crise mis en place après l’attentat de Strasbourg, la Fédération nationale des victimes d’attentats et d’accidents collectifs (Fenvac) s’alarme.

Fini les demandes policées d’explications. La Fédération nationale des victimes d’attentats et d’accidents collectifs (FENVAC) a décidé de sortir du silence. Et de pousser un coup de gueule. « Exclusion des associations de victimes », titre le communiqué diffusé depuis jeudi soir sur les réseaux sociaux.

« Après les attentats de Trèbes, Carcassonne et Paris Opéra, l’attaque de Strasbourg confirme une nouvelle fois la volonté manifeste du gouvernement de tenir les associations de victimes à l’écart des dispositifs d’aide aux victimes », s’alarme-t-il. Sophia Seco, codirectrice de la FENVAC, explique les raisons de cette colère.

Pourquoi ce coup de gueule ?

SOPHIA SECO. Nous sommes restés compréhensifs lors des événements précédents, lors desquels nous avons déjà senti une mise à l’écart. Trèbes, Carcassonne, Paris Opéra… Nous pensions qu’il fallait laisser se mettre en place les mécanismes de la nouvelle DIAV (Délégation interministérielle à l’aide aux victimes). Avec l’attaque de Strasbourg, c’est l’éviction de trop. Nous n’avons plus confiance. Pourquoi ce silence ? Pourquoi cette mise à l’écart ? Pourquoi priver les victimes d’une expérience ? Qu’on nous explique !

Comment se traduit cette mise à l’écart ?

Comme nous l’avions fait à Paris pour le 13 novembre 2015, à Nice, Londres ou Barcelone, les associations de victimes spécialisées (FENVAC, AFVT) se sont mises immédiatement à la disposition des autorités. Depuis 48 heures, on appelle, on écrit et en clair, on ne nous répond pas ou on nous explique qu’il n’y a « pas de besoins ».

Au nom de quoi les autorités choisissent, à la place des victimes, ce dont elles ont besoin ? Pourquoi les priver de notre rôle de conseil et du partage d’expérience de personnes qui ont déjà vécu de telles situations ? D’autant qu’une instruction ministérielle sur la prise en charge des victimes du terrorisme, édictée en 2015, a consacré notre utilité et notre spécificité.

Quelle est cette spécificité ? Quel savoir-faire défendez-vous ?

Le premier, c’est le fait d’être des victimes nous-mêmes, d’avoir vécu ça dans nos chairs et nos cœurs. Nous apportons une compréhension de ce que ressentent les victimes et leur donnons des conseils qui découlent directement de l’expérience de nos membres. Ensuite, parce que nous sommes spécialisés dans la prise en charge exclusive des victimes de terrorisme ou d’accidents collectifs. Nous ne nous limitons pas à une information sur les droits, à une prise en charge froide voire technocratique. Nous sommes en mesure d’aider les gens tout de suite, sans perdre de temps, avec efficacité et en allant à l’essentiel.

Par exemple ?

Par exemple, conseiller à une victime d’aller porter plainte sans lui expliquer comment ne sert à rien. Elle peut se retrouver à ne pas savoir quoi dire face à un officier de police judiciaire et voir son dossier de demande d’indemnisation plus tard rejeté par le Fonds de garantie (NDLR : FGTI) à cause de ça. Il faut qu’elle sache qu’exprimer son ressenti à ce moment-là est important parce que cela peut ensuite compter pour établir certains préjudices. Un juriste local qui n’a jamais eu à traiter de ce type de situation de crise l’ignore.

C’est ce vécu que nous voulons mettre à profit, pour que les épreuves que nous avons subies servent aux autres. Notre expérience a également prouvé qu’il fallait que les victimes agissent en collectif pour voir leur combat pour la vérité, l’indemnisation la plus juste et la mémoire avancer. »

N’est-ce pas une façon de défendre une chapelle ?

« Non ! Nous n’y avons aucun intérêt. Cela ne nous permettra pas d’obtenir davantage de subventions ou de reconnaissance ! Si nous voulons être partout où le terrorisme frappe, c’est parce que notre intérêt est celui des victimes. L’Etat avait compris notre utilité. Là, il s’active et nous écarte. Pourquoi, je le répète, priver des personnes confrontées au pire de notre expérience, de ce vécu, de nos conseils ? Nous ne prenons la place de personne ! Nous sommes là en complément, en tant qu’association spécialisée, indépendante et militante, pour parfaire l’information diffusée. Nous voulons que l’Etat rende aux victimes leur liberté de choix.

Qu’attendez-vous ?

Nous voulons connaître les raisons d’un tel changement dans la réponse publique aux victimes. Le recul, perceptible pour le terrorisme, l’est aussi pour les accidents collectifs : depuis mai dernier, sous couvert du nouveau règlement européen de protection des données (RGPD), nous sommes privés de l’accès aux listes des victimes, ce qui nous empêche de proposer notre assistance. Nous exigeons la restauration d’un schéma d’aide aux victimes complet, tel qu’il existait sous le précédent gouvernement.

Source : Le Parisien
Auteur : Pascale Egré
Date : 14/12/2018

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