Attaque à la préfecture de police, pourquoi la piste terroriste est privilégiée

Après 24 heures d’enquête, le parquet national antiterroriste s’est saisi des investigations sur l’attaque qui a fait quatre morts au sein de la préfecture de police de Paris, jeudi 3 octobre. Interrogé ce dimanche 6 octobre, le ministre de l’intérieur Christophe Castaner a dénoncé des « failles », tout en refusant de démissionner.

Après la sidération, les questions. Alors que la piste terroriste est désormais privilégiée dans l’enquête sur l’attaque meurtrière qui a coûté la vie à quatre agents de la préfecture de police, jeudi 3 octobre, le ministre de l’intérieur a reconnu sur TF1, dimanche 6 octobre, qu’il y a eu « évidemment des failles », « évidemment du dysfonctionnement ».

Comment la radicalisation violente d’un agent habilité secret-défense au service informatique à la direction du renseignement de la préfecture de police de Paris, l’un des principaux services français, a-t-elle pu passer inaperçue ? Christophe Castaner a notamment pointé le refus de ses collègues de signaler par écrit des propos tenus par l’assaillant justifiant les attentats de Charlie Hebdo, en janvier 2015. Et répété « qu’aucun signe » de radicalisation n’apparaissait dans le dossier administratif de cet homme de 45 ans, employé à la PP depuis 2003. Sous le feu des critiques depuis jeudi, le ministre de l’intérieur a par ailleurs exclu, dimanche, toute démission.

Un faisceau d’éléments

L’enquête judiciaire a pourtant révélé de nombreux éléments qui ont conduit à la saisine du parquet antiterroriste. Dans une conférence de presse, samedi 5, le procureur, Jean-François Ricard a mentionné la conversion de l’auteur à l’islam il y a une dizaine d’années, l’adhésion à une « vision radicale », des témoignages sur son changement de comportement récent vis-à-vis des femmes ou dans les vêtements traditionnels portés à la mosquée, des contacts découverts avec des individus de la mouvance salafiste ou encore les 33 SMS à « connotation exclusivement religieuse » échangés avec sa femme une demi-heure avant l’achat des couteaux, le matin de l’attaque. L’un d’eux concluait : « Suis notre prophète bien-aimé Mohammed et médite le Coran ».

Tous ces éléments, qui relèvent en grande partie de la vie privée de l’assaillant, ont-ils pu être totalement dissimulés sur son lieu de travail, être rendus totalement indétectables pour ses collègues ? Ou y a-t-il eu négligence, aveuglement voire défaillance de la part d’un des plus grands services de renseignements français ?

Une « bombe à fragmentation »

Durant les premières 24 heures après les faits en tout cas, le parquet antiterroriste n’a pas été saisi, les enquêteurs hésitant entre la piste terroriste et celle d’un coup de folie. Tous les témoignages de policiers convergeaient pour dire qu’il ne pouvait pas s’agir d’une attaque terroriste.

Certains ont vu dans cette saisine tardive un calcul politique ou une tentative d’étouffer la nature de l’affaire. Un policier y lit surtout la violence du choc : « J’ai des collègues qui se sont pris une bombe à fragmentation en pleine figure. Parce qu’ils connaissent à la fois l’auteur et les victimes : comment une idéologie peut-elle t’amener à un tel niveau de haine de tes collègues de tous les jours ? » Comme si on avait préféré, même au plus haut sommet de l’État, croire en une autre histoire que celle qui semble s’être déroulée.

Des questions en suspens

Car celle-ci relève, selon l’expression anglophone, du « worst-case scenario », le scénario du pire : l’attentat venu de l’intérieur. Les mots de Jean-François Ricard ont bien dit toute la détermination et la dangerosité de l’auteur : « Il doit être souligné que durant toute cette séquence, le comportement de l’individu ne trahit aucune fébrilité ».
L’enquête, désormais ouverte sous les qualifications d’« assassinat et tentative d’assassinat sur personne dépositaire de l’autorité publique en relation avec une entreprise terroriste », ainsi que pour « association de malfaiteurs terroriste criminelle », devra maintenant déterminer comment une telle attaque a pu se produire. Mais aussi quels étaient les réseaux de l’assaillant, quel a été son parcours de radicalisation, à quels documents il a pu avoir accès par son travail et ce qu’il en a éventuellement fait…

Une cérémonie en hommage aux victimes de la tuerie aura lieu mardi matin à la préfecture de police de Paris, en présence d’Emmanuel Macron.

Par Flore Thomasset pour La Croix, le 06/10/2019 à 12:38 Modifié le 06/10/2019 à 16:51

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