Annabelle Delory : "On veut que la France reconnaisse sa responsabilité dans la mort de Vincent"

Yves Calvi recevait vendredi Annabelle Delory. Dimanche prochain, cela fera un an que son frère Vincent, l’otage français du Sahel, a été tué pendant l’opération militaire qui devait le libérer. Annabelle Delory a lancé un appel au chef de l’Etat pour qu’enfin on reconnaisse que son frère est mort pour la France. Elle revient sur les zones d’ombres de ce dossier. Elle reste persuadée que ce sont les militaires français qui ont causé la mort de Vincent.

Ecouter l’interview sur le site de RTL

Yves Calvi : quelle est votre première réaction aux nouvelles révélations de la Voix du Nord et de Libération ?

Annabelle Delory : Aujourd’hui, ce témoignage vient confirmer l’idée qu’on s’était faite de la façon dont les choses se sont déroulées. Là, où on est plus contrarié, plus surpris, c’est que ces confirmations viennent des terroristes plutôt que du gouvernement français. Puisque aujourd’hui la thèse du ministère de la défense et de nous dire qu’ils ne savent pas pour quelle raison le véhicule a explosé.

Est-ce que vous comprenez que l’on puisse s’interroger sur le témoignage de terroriste affilié à Al Quaida, même face aux non-dits de l’armée française ?

Oui parce que pour nous c’est important de prendre en compte tous les éléments pour savoir vraiment ce qui s’est passé. Alors effectivement, ça demande d’être regroupés avec d’autre choses mais ça vient confirmer les éléments qu’on a déjà pu avoir et qui n’ont ont permis de nous faire une idée sur la façon dont ça c’est terminé.

Voulez-vous établir une responsabilité de nos militaires ?

On veut qu’il y ait une reconnaissance de la part de la France, du fait que Vincent a été sacrifié, que l’opération ne lui a laissé qu’une infime chance de s’en sortir. On n’en veut pas aux militaires qui sont intervenus. Mais on veut que la France reconnaisse qu’il y a eu une responsabilité.

Est-ce qu’on n’est pas en train d’inverser les rôles ? Ce sont les terroristes et kidnappeurs qui fuyaient… et qui d’ailleurs ont tué froidement, selon le même témoignage, l’ami de Vincent, Antoine de Léocour.

Oui, c’est sûr que Vincent a été victime du terrorisme par son enlèvement. Mais la décision politique qui a été prise d’intervenir, quand on voit la violence de l’intervention, ça ne leur a laissé quasiment aucune chance. C’est cela que l’on veut savoir. Pourquoi on les a sacrifiés, pourquoi dans leur cas on est intervenu aussi violemment alors que l’on savait qu’il y avait des risques énormes pour leurs vies.

Ce qu’on nous explique, du côté des militaires français et de la version officielle, il fallait intervenir le plus vite possible sinon on prenait des risques énormes de ne plus jamais pouvoir remettre la main dessus.

Oui, mais ils auraient été vivants. Tant qu’il y a de la vie il y a de l’espoir. Aujourd’hui l’espoir on en a plus.

Dans "Libération" de ce matin, Me Berton votre avocat, réclame une entrevue avec Nicolas Sarkozy, et se demande si le but de l’opération était véritablement de sauver les otages.

Aujourd’hui, nous dans les éléments qu’on a, l’ordre de mission des militaires s’était d’arrêter le convoi, de l’empêcher de repartir, et de ramener les otages. A aucun moment, il n’y mis en priorité de préserver leurs vies.et cela ça nous fait mal.

Pensez-vous qu’on puisse imputer à l’armée française la mort de votre frère ? Je rappelle que deux jeunes militaires français ont été blessés dans cette opération.

Oui, on sait que les militaires ont pris aussi des risques. Mais nous, là où l’on s’interroge c’est pourquoi être allé aussi loin, et aussi fort. Oui il fallait sans doute intervenir. Mais quand on a vu que ça tournait mal, pourquoi être allé jusqu’à exploser tous les véhicules au mépris de la vie de mon frère.

Que réclamez aujourd’hui ? Et quelles suites immédiates comptez-vous donner à ce dossier ?

Nous aujourd’hui, tout ce que l’on veut, c’est qu’on reconnaisse la responsabilité de la décision qui a été prise, qu’on reconnaisse qu’il y a une décision politique qui a été prise. Une volonté d’affirmer la fermeté de la France vis-à-vis du terrorisme qu’il fallait peut-être marquer un grand coup mais que mon frère a été sacrifié pour la France. Et cela on ne nous le reconnait pas. Officiellement mon frère est mort pour rien !

Quels sont les contacts que vous avez eu avec les militaires français ?

On a été reçu en juillet au ministère de la Défense où on a pu visionner le film qui a été tourné par l’avion mais qui ne nous apporte pas de confirmations. Puisque juste au moment où le véhicule explose, on filme autre chose. Officiellement on n’a pas filmé au moment où il explose ce qui nous parait extrêmement surprenant.

RTL.fr - 6 janvier 2012


Nous soutenir

C’est grâce à votre soutien que nous pouvons vous accompagner dans l’ensemble de vos démarches, faire évoluer la prise en charge des victimes par une mobilisation collective, et poursuivre nos actions de défense des droits des victimes de catastrophes et d’attentats.

Soutenir la FENVAC

Ils financent notre action au service des victimes