Accident du car polonais : Les contradictions de l’enquête

UN AN après l’accident du car de pèlerins polonais dans la descente de Laffrey (Isère), qui avait fait 26 morts et 24 blessés le 22 juillet 2007, les familles des victimes et des rescapés sont venues hier spécialement de Pologne pour rendre hommage aux disparus. Au pied du pont où le car s’est écrasé et a pris feu, ils se sont longuement recueillis, ont déposé des bougies, des fleurs. Beaucoup étaient en pleurs.Une stèle sur laquelle figurent les noms des 26 morts a ensuite été inaugurée sur le pont.

Renislawa Fursiaz, blessée dans l’accident, a tenu à revenir sur les lieux du drame : « Il fallait que je sois là, même si c’est pour moi une grande émotion, une grande douleur. Mon mari Miroslaw est mort dans le car. Quarante-trois ans de vie commune, ça ne s’oublie pas comme ça. Je tenais aussi à remercier tous les sauveteurs car c’est grâce à eux que je suis en vie. » Et en s’aidant d’une béquille, Renislawa a déposé un bouquet au pied du pont, en mémoire de son mari.

Un risque d’incident diplomatique

Du côté de l’enquête, le procureur adjoint du parquet de Grenoble, Luc Fontaine, a surpris tout le monde en déclarant qu’une première expertise n’avait mis en évidence « aucun problème d’entretien du car ». « Objectivement, faute d’éléments nouveaux, ce sera le non-lieu », a-t-il ajouté. Or les conclusions de cette première expertise, révélée le 20 mars par « le Parisien » et « Aujourd’hui en France », faisaient apparaître de graves carences concernant l’entretien du système de freinage du car.

Les experts de l’Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale (IRCGN) ont constaté « des fêlures importantes sur les disques de freins dont certaines antérieures à l’accident » et « une usure anormale des plaquettes de freins » qui pourrait être la conséquence « du changement d’un seul jeu de plaquettes sur un essieu, ce qui est strictement interdit ».

Autre problème de taille : « il manquait 1,7 l d’huile sur le ralentisseur du car, ce qui implique qu’il ne pouvait pas fonctionner de façon optimale, voire devenir inopérant ». La juge chargée du dossier a demandé « des actes techniques complémentaires ». Leurs résultats ne seront connus qu’à l’automne. Pourquoi, dès lors, cet empressement du procureur à envisager un non-lieu qui d’ailleurs relève de la décision du seul juge d’instruction ?

Selon une source proche du dossier, « les autorités polonaises ont fait savoir à la France qu’elles souhaitaient que le dossier judiciaire soit bouclé rapidement pour faciliter l’indemnisation des familles. Les bonnes relations diplomatiques entre les deux pays sont en jeu »...

La justice française ne semble effectivement plus très motivée pour rechercher des responsabilités dans cette catastrophe où toutes les victimes sont polonaises. De telles investigations prendraient des années et demanderaient une enquête approfondie en Pologne, notamment auprès du propriétaire du car. Suivant aveuglément son GPS, le chauffeur décédé dans l’accident avait ignoré treize panneaux d’interdiction avant de se lancer dans la descente de Laffrey. Pour la justice, il ne faut visiblement pas chercher ailleurs les raisons de cette tragédie.

Le Parisien, par Serge Pueyo, le 23 juillet 2008.


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